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CH1 : Différentes sources de renseignements (1ère partie)
 

Les principales sources de renseignements, mises en temps de guerre à la disposition de l’artillerie, sont :

  • A) les sections de repérage par observation terrestre et les sections de repérage par le son (S.R.O.T. et S.R.S.) ;
  • B) les photographies aériennes ;
  • C) l’avion et le ballon ;
  • D) les observatoires des unités d’artillerie (groupes et batteries) ;
  • E) Les 2èmes Bureaux (interrogatoires de prisonniers, de déserteurs, renseignements de rapatriés).

A) - SECTIONS DE REPÉRAGE

La technique des sections de repérage faisant l’objet d’une conférence, je n’entrerai pas dans le détail de leur organisation. J’insisterai seulement sur les points suivants.

S.R.O.T. - Précision des mesures

Les S.R.O.T permettent de déterminer avec précision l’emplacement de tout point visible, de trois observatoires de la section au moins. Dans cette catégorie rentrent :

  • Observatoires ennemis,
  • Postes optiques,
  • Lignes téléphoniques,
  • Circulation,
  • Voies ferrées.

Elles permettent de déterminer la position des batteries ennemies avec une approximation plus ou moins grande suivant la nature du phénomène observé.

1- Repérage aux flammes, précision supérieure à celle de tout autre procédé employé.

2- Repérage aux lueurs, d’une précision d’autant plus faible que le masque est plus considérable. Toutefois, il y a lieu de remarquer que les observateurs exercés arrivent à saisir exactement le centre de la lueur et à augmenter de ce fait très notablement la précision du repérage.

3- Repérage aux fumées, la précision du repérage aux fumées dépend de l’angle de tir de la pièce et de sa vitesse initiale, de la force du vent, de l’importance du masque, de la nature du terrain (boisé ou découvert) et du nombre de coups tirés par la batterie ennemie, la fumée produite par le coup de départ d’une pièce à faible vitesse initiale tirant sous un grand angle, par vent faible, derrière un masque important, sur un terrain découvert, apparaît aux vues des observateurs de la section en un point peu élevé au-dessus du sol et dont la projection horizontale est peu différente de l’emplacement de batterie ; dans ce cas, la précision est grande ; elle diminue notablement quand les conditions précédentes ne sont pas remplies.

Renseignements divers donnés par les S.R.O.T.

Dans les secteurs relativement calmes, et même dans les secteurs agités, il sera possible, par une étude suivie sur la position des points de chute des tirs ennemis, d’établir une carte indiquant les zones habituellement battues par l’Artillerie adverse. Cette carte indique les chemins, sentiers ou boyaux que pourront suivre, avec de moins de grandes chances de danger, l’Artillerie, l’Infanterie et les ravitaillements. De même, il sera possible de prévoir les coups de main ennemis plusieurs heures à l’avance, ceci dans les secteurs calmes où les habitudes se trouvent brusquement changées.

S.R.S. - Précision.

Les sections de repérage par le son déterminent la position de la source sonore, c’est-à-dire la bouche même de la pièce. La précision de la méthode est donc indépendante des circonstances énoncées plus haut dans le cas des S.R.O.T. D’autres causes influent malheureusement sur cette précision, parmi lesquelles figure en premier lieu la connaissance imparfaite des éléments atmosphériques.

Emploi des S.R.S. en secteur agité.

Il arrive un moment où, dans les secteurs agités, les S.R.S. ne peuvent plus repérer de façon suivie en raison du grand nombre de bruits enregistrés. Mais elles peuvent malgré tout être utiles, ainsi que l’expérience l’a prouvé, en identifiant les batteries en action grâce à la remarque suivante : une même batterie dans les conditions atmosphériques semblables donne des inscriptions analogues caractéristiques de la batterie ; on peut donc, parmi toutes les inscriptions obtenues dans le bruit de la bataille, retrouver celles se rapportant à une batterie déjà repérées en période calme, et dans des conditions atmosphériques analogues. C’est là qu’intervient la grande habitude du secteur que doit posséder le chef de section.

Renseignements divers donnés par les S.R.S.

Le plus souvent, les S.R.S. permettent de déterminer la connaissance de la durée de trajet, le calibre de la batterie ennemie. Elles peuvent donc déceler les changements qui se sont opérés dans l’équipement du front ennemi, l’apparition de nouveaux calibres dans des emplacements occupés antérieurement par des pièces de calibres différents (tout renseignement permettant de conclure à une relève, à un renforcement).

Comparaison des deux procédés S.R.O.T et S.R.S.

Par suite des causes d’erreurs signalées plus haut, il existe souvent des différences, qui peuvent atteindre 200 ou 300 mètres dans la position d’une même batterie repérée le même jour, par S.R.O.T. et S.R.S. Cette discordance n’est d’ailleurs qu’apparente. Un bon Commandant de section, en effet, ne doit pas se contenter d’indiquer la position d’une batterie ennemie par ses coordonnées, il doit de plus indiquer le degré de précision de sa mesure. Ceci nécessite que le chef de section ait eu le temps de connaître les erreurs qu’il a commises dans la détermination des batteries situées dans les différentes zones que sa section a eu à surveiller et dans des conditions atmosphériques déterminées, c’est-à-dire qu’il connaisse sont secteur au point de vue optique ou acoustique. Il arrivera à ce résultat par la comparaison entre les coordonnées données un jour déterminé, d’une part, par sa section, d’autre part, par une autre source reconnue ultérieurement exacte. Cette connaissance, jointe à celle de son personnel, lui permet d’affecter chaque opération d’un coefficient d’incertitude dont il déduira logiquement la précision de son renseignement.

Conditions d’emploi

Les S.R.O.T. ne peuvent pas travailler par temps de brouillard, les S.R.S. par vent fort et surtout contraire. Ces deux organes de renseignements se complètent donc l’un et l’autre et il est indispensable qu’une même région soit surveillée par une S.R.S. et une S.R.O.T.

Liaison entre les S.R. et l’Artillerie

De plus, il faut qu’une liaison intime soit établie, entre les chefs de section et les Commandants d’Artillerie opérant dans le même secteur ; il est nécessaire pour le bon fonctionnement du service que les chefs de section de repérage soient au courant de la technique des artilleurs et que ceux-ci, sans être des chefs de section de repérage accomplis, connaissent au moins les principes fondamentaux du repérage, aient vu de près fonctionner les sections et de ce fait leur fassent confiance.

Cette confiance a quelquefois manqué pendant la guerre. Une batterie de marine allemande établie dans la trouée de Belfort avait déjà exécuté deux tirs de destruction, parfaitement réussis, sur des batteries françaises. Repérée par l’aviation, par S.R.S., par S.R.O.T., d’une façon très concordante, elle était parfaitement connue. Un tir de destruction fut décidé, il devait être réglé par avion. A l’heure prescrite, un brouillard épais empêcha l’avion de sortir ; les conditions atmosphériques rendaient la S.R.O.T. impuissante, mais l’absence de vent était propice au réglage par S.R.S. Celui-ci fut prescrit. Les premiers points de chute furent annoncés par la S.R.S. environ 700 mètres courts, 200 mètres à droite. Le Commandant de batterie ne pouvant admettre pareille erreur, dans le calcul de ses éléments initiaux, accusa la S.R.S. d’inexactitude, traita le chef de section "d’aimable fantaisiste" et demanda l’arrêt du tir. Il fallut toute l’autorité du Général Commandant l’Artillerie de l’Armée, présent au central de la S.R.S., pour le décider à continuer. Enfin, le réglage fut poursuivi, le tir d’efficacité déclenché. Le soir, le brouillard s’étant dissipé, un avion prit une photographie et on constata que le terrain était labouré autour de l’objectif. D’ailleurs le Commandant de batterie découvrait, à ce moment, une erreur dans le calcul de ses éléments initiaux.

Un deuxième exemple de la confiance que l’on peut avoir dans les renseignements donnés par les sections de repérage est fourni par la détermination des pièces allemandes ayant bombardé Paris.

Deux séries de tirs ont été exécutés par les allemands sur Paris ; les premiers tirs commencèrent le 23 Mars. Depuis quelque temps déjà, des prisonniers faits à la 4ème Armée avaient fait connaître que les Allemands avaient mis en batterie, dans la région, une pièce géante destinée à bombarder Paris. Des épis nouveaux avaient été reconnus sur photos aériennes dans la région de CREPY-EN-LAONNAIS et reportés sur le plan directeur. Quand les premiers obus tombèrent sur Paris, les S.R.S. de la 4ème Armée furent alertées. Les premiers résultats obtenus localisèrent les pièces ennemies dans la région des épis, dont il a été parlé plus haut. Mais les précautions prises par les Allemands pour camoufler au son le tir de leurs pièces rendaient le travail très difficile. Dans les premiers jours d’avril, les S.R.S. furent groupées de façon à obtenir une base plus grande et, par suite, une plus grande précision. Les déterminations obtenues permirent d’affirmer l’occupation de deux emplacements. Le troisième avait été antérieurement démoli par le tir de l’Artillerie française.

Dans la deuxième série de tirs, la pièce unique était en batterie dans la région de HAM. Les S.R.S. opérant dans ce secteur étaient de systèmes différents. Il fut impossible de les accoupler. Deux d’entre elles donnèrent des renseignements tout à fait concordants. Les deux ellipses d’erreur avaient à quelques mètres près le même centre. Des photographies furent prises. On découvrit un épi camouflé à 500 mètres au Nord du point donné par lez S.R.S. Au point indiqué par ces dernières, on ne découvrit aucune trace apparente de batterie. La photographie l’emporta sur le son. On tira sur l’emplacement visible sur la photo. Après l’avance, les deux chefs de section se rendirent sur les lieux. L’emplacement indiqué sur la photo était une fausse batterie, avec des rails en bois ; l’emplacement de la vraie batterie était à 30 mètres du point moyen indiqué par les sections.

Mais la liaison indispensable sera réalisée dans l’avenir. D’après la nouvelle organisation du service de repérage, les officiers chefs de section seront recrutés parmi les officiers d’Artillerie déjà au courant de la technique de cette Arme. De plus, les sections seront envoyées dans les champs de tir où chacun pourra se mettre au courant de leurs méthodes et contrôler leurs résultats. Il y a lieu d’espérer que cette façon de procéder conduira à la bonne entente nécessaire.

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