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Observateur d’artillerie de montagne
 

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Article rédigé par le capitaine GUIGUET du 93è RAM, pour la revue ARTI n°8 de janvier 2007.

Mise en exergue des difficultés engendrées par le milieu montagneux et des qualités physiques et morales à développer (Ndlr).

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Hannibal et Bonaparte traversant les Alpes, la bataille pour les observatoires des Vosges en 1915, Juin ouvrant la route de Rome en passant par les crêtes en 1944,... les exemples ne manquent pas où l’utilisation judicieuse du milieu montagnard s’est révélée décisive dans la conduite de la guerre. Et pourtant, la montagne, hostile et rigoureuse, peut apparaître aussi bien comme une contrainte que comme un avantage pour le chef militaire. Univers compartimenté et cloisonné à l’extrême, où les variations climatiques sont brutales et soudaines, elle peut rapidement devenir un champ de bataille devant lequel le chef est aveugle. Pour tourner ces éléments à son avantage et faire de la montagne une alliée lui permettant d’emporter la décision, il a donc besoin d’être renseigné en permanence sur ce qui se passe « au delà de la crête » et d’acquérir les objectifs qui pourraient s’y trouver. Ainsi, le renseignement et l’acquisition apparaissent comme une clef majeure du succès lors des opérations en montagne.

S’il est évident pour un chef militaire qu’il y a une nécessité absolue d’avoir « des yeux sur les sommets », les contraintes auxquelles se heurte, en milieu montagnard, cette activité du renseignement et de l’acquisition, donnent toute sa place au facteur humain, tout en mettant en valeur l’importance de la maîtrise des procédés dégradés qui viennent pallier les limites de la technologie imposées par le milieu.

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1. Le renseignement et l’acquisition : les clefs du succès en montagne

La première caractéristique du combat en montagne est qu’il se déroule dans un univers très compartimenté.
La montagne apparaît comme le domaine par excellence de la surprise. S’il veut lever cette incertitude, le chef doit savoir ce qui se passe derrière le mouvement de terrain tant pour découvrir les activités ennemies que pour connaître ses possibilités de manœuvre.
Ainsi lors de la deuxième campagne des Alpes, les troupes françaises ont passé tout l’hiver 1944-1945 à mener des missions d’observation et de renseignement pour connaître le dispositif germano-italien et les axes de pénétration vers l’Italie avant de lancer la grande offensive du printemps 1945.

De plus, la montagne se dresse comme une barrière derrière laquelle l’ennemi peut échapper à nos vues et à nos coups. Aussi, les tirs indirects, qui s’affranchissent du relief et des distances, qui passent les crêtes et viennent frapper l’adversaire, prennent toute leur importance. Le combat en montagne offre donc un rôle accru aux observateurs qui sont ainsi les yeux du chef, tant pour la recherche du renseignement que pour l’acquisition des objectifs.

Par ailleurs, le point haut apparaît alors comme la clef du terrain, que l’on va chercher à tenir ou à conquérir. La lutte pour les observatoires dans les Vosges en 1915 illustre parfaitement cet aspect. Français et Allemands avaient compris que ces points hauts constituaient la clef de la plaine d’Alsace et que celui qui ne les tenait pas se condamnait à rester aveugle.


2. Le terrain et le climat : contraintes pour le renseignement et l’acquisition

Si le rôle des équipes d’observation s’avère déterminant en montagne, leur emploi se heurte à un certain nombre de contraintes liées au terrain et au climat, ce qui leur impose de maîtriser des techniques adaptées.
Ce facteur induit donc un entraînement spécifique qui crée l’originalité et la nécessité de posséder une artillerie de montagne.

On peut citer :

  • l’utilisation des véhicules d’observation d’artillerie qui demeure limitée. La montagne est le domaine privilégié de l’équipe à terre, lourdement chargée, qui monte sur son piton et se montre capable de durer dans le temps tout en remplissant sa mission.
    Mais pour « grimper » sur l’observatoire, l’EO (diminutif d’équipe d’observation, mais utilisé ici pour désigner l’observateur) doit posséder un minimum de techniques alpines - escalade en été, ski en hiver - qui justifient la formation adaptée des soldats et les qualifications montagne des cadres pour permettre l’autonomie des équipes.
    Ensuite, le terrain montagneux exige une capacité physique au-delà de la moyenne. L’observateur qui doit accomplir une course de 1000 mètres de dénivelée avec un sac de 35 kilos, en emportant de quoi vivre en altitude pendant plusieurs jours et les instruments pour remplir sa mission doit nécessairement être aguerri à ce type d’effort. Cet aspect démontre également l’importance d’être doté d’outils légers et rustiques (jumelles VECTOR couplées au GPS plutôt que le TM17 par exemple). Par ailleurs, le choix judicieux d’un emplacement d’observation est primordial car les possibilités de déplacement sont réduites par la configuration du terrain, une bonne préparation de la mission est à ce titre indispensable.
  • la particularité du combat en montagne qui nécessite de cultiver la spécificité alpine. Le climat impose sa rudesse aux équipes d’observation. Pour remplir leur mission, elles doivent posséder des équipements propres et adaptés, pour résister à la neige, au froid et à la vie en altitude.
  • les contraintes exogènes à la mission propre mettent en valeur l’importance de l’entraînement et de l’aguerrissement des équipes, facteurs de succès dans un milieu qui ne pardonne pas l’improvisation et le manque de préparation.




3. Les limites de la technologie et l’importance des savoir-faire en dégradé

En montagne, le facteur humain reprend toujours le dessus. En effet l’autonomie initiale des batteries et des piles utilisées pour les instruments par exemple trouve rapidement ses limites, sans parler de nouveau des capacités d’emport restreintes. A moins d’une mise en place ou d’un ravitaillement par hélicoptère - solution idéale mais parfois impossible à cause de la météorologie ou de la disponibilité des appareils - l’équipe finit toujours par devoir mettre de côté son TTO ATLAS (terminal tactile de l’observateur pour s’intégrer au système ATLAS) et par revenir aux techniques simples mais efficaces du « dégradé », d’où la nécessité de garder ces savoir-faire et de les entretenir, sans négliger la connaissance d’ATLAS puisque l’observateur de montagne est aussi amené à exercer son métier à bord de son VAB OBS (véhicule de l’avant blindé équipé pour l’observation).

En plus des connaissances dégradées classiques, cultivées par tous les artilleurs, l’EO en montagne doit maîtriser des connaissances propres en topographie, dans l’appréciation du site pour ses observations notamment ... capacités qui ne s’acquièrent que par le drill et la pratique.

On a coutume d’entendre que « la montagne révèle les forts et écrase les faibles ». Le chef qui veut créer la décision en profitant des atouts du terrain montagnard a donc besoin de troupes aguerries qui sont capables de se jouer des contraintes du terrain et de sa rudesse. L’exemple de nos paysans dauphinois et savoyards pendant la bataille des Alpes de 1940 ou de nos goumiers marocains en Italie en 1944, demeure remarquable dans ce domaine. Il est donc impérieux d’avoir des équipes entraînées et équipées pouvant faire face à un milieu hostile tout en continuant à remplir cette mission primordiale pour emporter la décision en montagne : être renseigné et acquérir les objectifs ennemis hors de sa portée.
Dans cette optique , le 93e RAM continue à instruire ses Equipes d’Observation dans le cadre grandiose et exigeant du Grand Champ de Tir des Alpes, communément appelé le GCTA.

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