Article "LÀ OÙ LES AUTRES NE VONT PAS ...", du Colonel d’Alès de Corbet, Chef de corps du 61e RA , pour la revue ARTI n°8
Même si la perspective d’un conflit majeur ne peut être raisonnablement écartée, les menaces asymétriques accaparent désormais les esprits les plus brillants en particulier sur la nécessaire adaptation du renseignement. Car, c’est bien le défi majeur qu’ont à relever les forces armées engagées sur les théâtres d’opérations, tant pour leur sécurité que pour l’atteinte des objectifs recherchés. Les méthodes de raisonnement et d’exploitation ont été profondément refondues et sont en cours d’appropriation. Les structures et les procédures de recherche du renseignement sont également en continuelle évolution pour répondre aux menaces nouvelles.
Parmi les réponses apportées, les drones occupent une place non négligeable mais trop souvent ignorée. En effet, l’armée de terre a acquis depuis une trentaine d’année une véritable expertise technique et opérationnelle dans le domaine de la mise en œuvre des drones.
Actuellement, deux systèmes complémentaires sont
en service, bientôt rejoints par le DRAC [1].
Le CL 289, évoluant à très basse altitude en quasi
suivi de terrain, peut réaliser des vols de 400 kilomètres
à plus de 700 km/h. Il fournit du renseignement
en temps légèrement différé. Discret et volant sous la
couche nuageuse, ce drone permet de recueillir du
renseignement sur des zones étendues, mais aussi sur
des objectifs à haute valeur ajoutée. Il est ainsi particulièrement adapté pour survoler un territoire hostile
dans un contexte où la recherche technique sera privilégiée
par rapport aux capteurs humains. La valorisation
récente de ce système a permis de réduire considérablement
les délais de préparation et d’exploitation des missions, tout en lui assurant une très haute fiabilité.
Le SDTI, adopté par l’armée de terre en avril 2006,
réalise la recherche de renseignements en temps réel
grâce à une vidéo jour/nuit de haute résolution. Il
permet la surveillance d’une zone ou de mouvements
de foules et garantit jusqu’à 80 km l’acquisition d’objectifs et le BDA [2] dans le cadre du ciblage.
Au-delà de ces performances techniques, ce sont bien
l’intelligence et l’expérience guidant la mise en ouvre
des drones qui permettent de répondre au défi mentionné
plus haut.
Dans un contexte le plus souvent fortement médiatisé,
au juridisme omniprésent, la mise à disposition
d’images en temps réel revêt un intérêt de première
importance. Si on y ajoute le climat d’insécurité qui
règne sur certains théâtres, la possibilité de renseigner
en « stand off » complète utilement les avantages procurés.
Enfin, le milieu au sein duquel évolue le drone lui permet de passer sans difficulté du niveau opératif/stratégique à l’échelon tactique. Il peut ainsi participer à une « deep ops » puis appuyer ultérieurement l’action d’un GTIA en zone urbaine ou d’un groupement tactique artillerie sur un terrain inaccessible aux moyens d’acquisition classiques.
Pour autant la complémentarité avec d’autres capteurs
est à privilégier et permet seule d’optimiser la recherche du renseignement. Développée depuis plusieurs années au sein de la brigade de renseignement, cette culture multicapteurs s’inscrit dans le concept SAR2 [3] et se concrétise sur tous les théâtres d’opérations.
Il est donc temps de pouvoir pleinement profiter du
potentiel offert par ceux-ci en se donnant la volonté et
les moyens de les projeter, lorsque le besoin est avéré.
Sinon, le « trou capacitaire » prévu en 2011 pourrait
avoir raison de ce multiplicateur d’effet.
[1] Drône Renseignement au Combat
[2] Battle Damage Assesment
[3] Surveillance Acquisition Reconnaissance Renseignement