À l’origine, l’artillerie désigne tous les engins de guerre. Avant l’introduction de la poudre en Europe, on appelle inginiers ou artilliers ceux qui confectionnent, utilisent et gardent en temps de paix les engins de jets utilisés pour l’attaque des places fortes. Avec le retour des dernières croisades, la poudre est rapportée en Europe
occidentale. Apparaissent alors, au cours du XIVème siècle, l’artillerie à feu, canons, bombardes, couleuvrines, veuglaires, qui tirent des boulets de pierre ou de fer. A partir de cette évolution,le nom d’artilliers désigne uniquement les gens qui fabriquent la poudre, entretiennent et servent la bouche à feu.
Malgré un emploi couronné de succès dès le siège de la Réole en 1374, l’artillerie n’acquiert ses lettres de noblesse qu’à la bataille de Castillon en 1453. Près de vingt ans après l’intervention de Jeanne d’arc, le siège de la
dernière place forte anglaise de Guyenne, Castillon, donne lieu à une bataille rangée entre les Anglais de John Talbot et les Français de Jean d’Orléans, comte de Dunois, assisté des frères Bureau, grands maîtres de l’artillerie. Pour la
première fois dans l’histoire militaire, l’artillerie
des frères Bureau composée de bombardes et de couleuvrines conduit à la victoire. Une grêle de traits, de boulets de pierre et de balles de plomb s’abat sur l’armée anglo-saxonne et Talbot a la tête emportée par un boulet. La bataille de Castillon met un terme à la guerre de Cent
Ans, entreprise en 1337.
Le service des bouches à feu est fait par des maîtres-canonniers brevetés pour les canons, et par des maîtres bombardiers pour les mortiers.
Ces hommes et leurs aides forment les corporations d’artilleurs, recrutés seulement pour la durée de la guerre. Ils obéissent à des officiers royaux qui portent le titre de commissaire de l’artillerie ou de lieutenant pointeur. Eux-mêmes sont subordonnés au maître général l’artillerie.
L’efficacité de ce système se vérifie à Marignan en 1515, lorsque l’infanterie suisse, malgré la surprise initiale, forme des carrés de piquiers face à la cavalerie française. L’efficacité des artilleurs français et leur placement dans les intervalles entre les troupes amies permet d’atteindre les Suisses avec les boulets et d’emporter la décision. Une paix perpétuelle est alors conclue entre les deux pays. Elle dure toujours à ce jour.
En complément de ces maîtres artilleurs, mobilisables
en cas de guerre, les fournitures des attelages et des voitures restent toujours des prestations fournies par des entrepreneurs privés qui embauchent et font travailler du personnel civil.
En fin de campagne, tout ce personnel est licencié
et reprend ses activités d’avant-guerre. L’artillerie passe alors sous la garde des Suisses, troupes au service de la France, et, en campagne, il lui est affecté du personnel réquisitionné pour la manœuvre des pièces et les terrassements.
En revanche, il existe très tôt un monopole royal de la fabrication et de l’usage des poudres qui est renforcé en 1601 par HenriIV.
Dans la première moitié du XVIIème siècle, Richelieu, qui met en place un pouvoir royal fort et centralisé dans les mains du roi, se heurte d’abord à l’indépendance de la noblesse qui possède souvent dans ses villes et châteaux une véritable artillerie privée. La politique intérieure développée par le cardinal vise à abattre le désir d’indépendance de la noblesse et de certaines villes.
De nombreuses places fortes sont détruites, désarmées et cette artillerie privée, qui avait alors plus de deux siècles d’existence, disparaît. C’est à la même époque que Richelieu fait graver sur les canons du roi cette devise Ultima ratio regum qui résume assez bien le rôle de
l’artillerie. Ce dernier argument du roi ne peut s’exercer avec du matériel et du personnel fonctionnant dans la sphère privée.
L’artillerie devient alors une affaire d’État.
Cette prise de contrôle exclusive se traduit par l’organisation en 1622, des Cent Compagnies Ordinaires de la Marine dont les bombardiers étaient des artilleurs.
Sur terre, l’évolution est plus lente. En 1684, Louis XIV
met sur pied le Régiment Royal Bombardier dont l’unique mission est le service de l’artillerie, puis en 1693, le Régiment des fusiliers du roi, qui auparavant était employé comme régiment d’infanterie, et les compagnies
de canonniers forment le régiment Royal Artillerie.
Enfin par ordonnance royale du 5 février 1720, ces deux régiments sont regroupés à Vienne et répartis en cinq bataillons identiques. Fort de cette structure et d’un système de canons que l’artillerie adopte sous la
tutelle du lieutenant général des Vallière, duc d’Humières,
l’armée royale sort victorieuse en 1745 de la bataille de Fontenoy, journée où la force de l’infanterie anglaise est compensée par les feux d’artillerie salvateurs.