A partir de 1989, la chute du Mur de Berlin et la fragilisation du bloc soviétique ont des conséquences imprévues aux portes même de l’Europe. En 1991, alors que l’Union soviétique disparaît, la Yougoslavie -littéralement confédération des slaves du sud- se déchire sous le coup d’une guerre sanglante entre Serbes et Croates. La Bosnie, musulmane en majorité, se trouve touchée par ce conflit et la situation humanitaire de sa capitale, assiégée par les Serbes, est tout particulièrement préoccupante au cours de l’année 1992. Sous l’égide du président français, François Mitterrand, le conseil de sécurité des nations unies autorise l’envoi d’une force multinationale de casques bleus dont la position elle-même devient très critique lors du printemps 1995, sous le coup de la prise en otage de plusieurs postes d’observateurs par les Serbes de Bosnie.
Pour palier cette crise et réagir aux actions violentes des Serbes contre les enclaves de Zepa et Srebrenica, une force de réaction rapide est envoyée en juin 1995. Cette FRR est forte de 2000 français, 1500 britanniques et 500 néerlandais. Deux unités d’infanterie, le 2ème régiment étranger d’infanterie et le Devon and Dorset Battalion, ainsi qu’une batterie de 105 anglaise s’implantent sur le Mont Igman qui domine Sarajevo, en juillet. Ils sont rejoints en aout par un Groupe d’artillerie à huit pièces de 155mm sur système AUF1 (GA8 Leclerc), fourni par le 40ème régiment d’artillerie de Suippes et renforcé par les véhicules d’observation de l’artillerie du 1er régiment d’artillerie de marine de Laon-Couvron.
Le 22 août dans la soirée, les 155 prennent le relais des mortiers de 120 de la Légion et des 105 anglais. Une salve de six coups traite avec précision une cible symbolique sous les yeux du commandant en chef des Serbes. Ce tir d’avertissement n’est pas pris en compte et le 28 août le marché de Makkale, le dernier encore actif dans la ville de Sarajevo, est atteint par un obus de mortier ennemi. Parmi les civils on compte 35 morts et 70 blessés. Aussi le 30 en fin de nuit, les alliés, tous moyens confondus, entament une campagne de bombardement non stop. Une coordination précise permet d’alterner les créneaux de tir de l’artillerie, les passages de l’aviation d’attaque au sol et l’arrivée des missiles tactiques tirés depuis l’Adriatique. De même, les objectifs à courte portée sont laissés aux mortiers français et aux canons anglais, tandis que les 155 prennent en compte tous les objectifs au-delà de dix kilomètres. Sous un tel déluge, dès la première nuit, le centre de commandement du corps serbe et ses dépôts majeurs à Lukavika sont détruits ; les jours suivants, tout le dispositif ennemi est traité dans la profondeur.
Alors que depuis trois ans, la capitale bosniaque vivait au rythme d’un véritable siège, en trois nuit et deux jours, les artilleurs du 40 avec 600 obus tirés, leurs camarades anglais avec 1200 obus et les légionnaires avec 1200 coups de 120mm ont permis, par la précision et l’efficacité de leurs feux, de contraindre les Serbes de Bosnie à la négociation. Le mérite de la conclusion des accords de Dayton, le 15 septembre 1995, et de l’avenir de la Bosnie leur revient en grande partie, en temps que metteurs en oeuvre du dernier argument du Droit.
Pour lire le récit de cette aventure, suivre ce lien.
Pour en savoir plus sur l’artillerie française en ex-Yougoslavie, lisez :Des Canons et des hommes, par le col (R) Patrick Mercier, Lavauzelle, 2011, 432 pages (Disponible à la boutique du Musée de l’artillerie).