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Chapitre18 - Perspectives
 

Chapitre 18 - Perspectives

Plan

1) Situation des forces engagées,
-  11) Considérations d’ordre général,
-  12) La couverture d’ensemble des forces terrestres,
-  13) Les insuffisances capacitaires de la fonction opérationnelle "surface-air".

2) Les artilleurs à vocation sol-air,
-  21) Leur formation,
-  22) La préparation opérationnelle,
-  23) Un nouveau profil d’artilleur antiaérien.


1) Situation des forces engagées

11) Considérations d’ordre général

Il convient d’observer que dans le monde actuel, il n’y a nulle part de volonté de renoncer à l’utilisation opérationnelle de la 3ème dimension ; au contraire, les vecteurs aériens, les armes qu’ils emportent, les services qu’ils rendent (renseignement, guidage, communications, etc.) progressent en performances et se diversifient.

C’est une raison impérative pour ne pas baisser la garde sol-air ou pour ne pas y accepter de lacunes. Le souvenir de l’attentat des deux tours jumelles comme celui de l’attaque sur Bouaké doivent rappeler que l’intervention ennemie par la 3ème dimension n’est pas qu’une pure spéculation.

Les choix interarmées qui ont été faits en France sont présentés officiellement comme ayant découlé rationnellement du Livre Blanc.

Deux axiomes semblent y avoir sous-tendu les réflexions sur le cadre des opérations lourdes dans lesquelles l’Armée de terre pourrait être éventuellement engagée : celui de la supériorité aérienne amie garantie et celui du rapport de forces globalement favorable. Quoique pertinents dans un domaine géographique limité et dans un passé relativement récent (cas des forces alliées lors de la première Guerre du Golfe, dans lesquelles la part des États-Unis était dominante), il parait bien aventureux d’affirmer leur pérennité et leur universalité

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12) La couverture d’ensemble des forces terrestres

La perte organique de la capacité "moyenne portée" rend l’Armée de terre dépendante des capacités opérationnelles de l’Armée de l’air. Celle-ci se trouve ainsi confrontée à un double challenge : la maîtrise de ce nouveau système en protection statique de ses principales bases aériennes d’une part et l’acquisition d’une réelle aptitude à manœuvrer au sein et au profit d’une force terrestre d’autre part.

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13) Les insuffisances capacitaires de la fonction opérationnelle "surface-air"

Cette fonction opérationnelle doit être considérée en se plaçant dans un cadre interarmées et par rapport aux contrats opérationnels qui ont été fixés par les autorités politiques.

Ainsi, le contrat le plus exigeant impose à l’Armée de terre de pouvoir engager une force de 30.000 hommes (50.000 auparavant) détenant l’ensemble des capacités de combat. Dans cette hypothèse, sa protection sol-air devra être assurée par l’Armée de l’air dont l’apport de la composante à moyenne portée sera complété par le maillage Mistral-NC1, qui - lui - fait organiquement partie de l’Armée de terre.

A ce stade, il est prévu que l’Armée de l’air dispose d’une capacité de défense SAMP/T de sites statiques dès 2010 et d’une capacité de défense mobile au profit d’une force terrestre à l’horizon 2012.

Cette prise en compte de ce contrat opérationnel "moyenne portée" par le système Mamba s’accompagnera du retrait du système d’arme Hawk à cette échéance.

À défaut, la protection antiaérienne que le Mamba pourrait assurer serait rivée à la base opérationnelle projetée. Le plan de charges de la Cellule interarmées de défense sol-air (CIDSA) prévoit la rédaction en 2011 d’un Mémento fixant les modalités et les conditions d’intégration d’un module SAMP/T au sein d’une force terrestre.

De plus, pour d’évidents motifs techniques de non-détectabilité de certaines cibles ou de simple rapport coût/efficacité, une défense à base de SAMP/T ne conviendrait pas pour intervenir contre les menaces s’exerçant très près du sol contre les forces terrestres : hélicoptères, cibles de faibles signatures spectrales et de coûts relativement faibles (drones tactiques, mini-drones).

On peut alors constater et regretter l’abandon de la composante protégée à courte portée avec son missile guidé Roland, tout comme celui des systèmes "canon" qui présentaient des avantages spécifiques ou bien encore signaler les carences des radars de l’ASA qui ne fournissent pas l’information essentielle de l’altitude des cibles qu’ils détectent.

La capacité de tir de l’ASA va se trouver réduite à dix batteries de Mistral (soit 31 sections de six Mistral), ce qui peut paraître élevé en nombre d’unités de tir (un Mistral = une unité de tir). Cette réalité positive ne saurait masquer des faiblesses tactiques du couple Samantha-Mistral : mobilité limitée au tout-chemin, manque de protection contre la ferraille du champ de bataille, ergonomie insuffisante du poste de tir Mistral « Man-pads » , même placé sur le plateau d’un véhicule.

Les moyens détenus paraissent donc insuffisants pour s’intégrer pleinement à une composante blindée très mobile à base de chars Leclerc engagée dans un combat de haute intensité. Y remédier sera tout l’enjeu de la partie sol-air du programme interarmes du combat de contact SCORPION : celui d’acquérir l’ensemble des capacités nécessaires à ce type d’engagement (haute mobilité, protection sur le champ de bataille, réversibilité sol-air/tir à terre, efficacité face aux drones...)


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2) Les artilleurs à vocation sol-air

Pour autant, les décisions ayant été prises, il convient que les artilleurs s’adaptent à ces restructurations et profitent de l’opportunité qui leur est donnée d’une meilleure intégration interarmes et d’une meilleure connaissance par les autres Armes.

La défense sol-air et ceux qui en étaient en charge ne feront plus partie du domaine réservé d’un commandement spécialisé. Ils s’insèrent désormais dans les problématiques des commandants de brigade interarmes qui en saisissent bien les enjeux.

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21) Leur formation

La nécessaire polyvalence des artilleurs sol-air se traduit par la réorganisation de la filière et de ses formations. Chaque officier et sous-officier appartient à une filière unique et reçoit une ou des formations d’adaptation (FA) correspondant au système servi et aux missions associées.

Outre la formation générale et tactique des stagiaires à l’école d’artillerie, la formation technique spécialisée sur les nouveaux systèmes est en pleine évolution. Exploitant les performances accrues des simulateurs, elle regroupe au sein d’une plateforme sol-air/Martha les formations opérateurs MIDS et Martha-CNHM/NC1.

De nouvelles spécialités voient donc le jour, de nouvelles expertises vont se développer, notamment dans la fonction "Coordination dans la 3ème dimension".

À Draguignan, les stagiaires de l’artillerie seront au contact de leurs camarades de l’infanterie avec qui ils partageront une partie de leur formation. L’intégration des appuis dans la manœuvre interarmes pourra s’illustrer en maintes occasions .

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22) La préparation opérationnelle

La préparation d’une unité dure en général quatre mois, davantage pour un engagement en Afghanistan, et elle est adaptée à la zone de projection. La mission dure entre quatre et six mois.

De ce fait, dans un régiment, les unités élémentaires ne vivent pas au même rythme, ne s’entraînent pas simultanément aux mêmes missions.

Par exemple, tel artilleur du 402°RA sera pendant plusieurs mois concentré sur sa spécificité Hawk, parce que son unité assure le contrat opérationnel Hawk. Il effectuera donc les campagnes de tir. Celui d’une autre unité aura délaissé pendant plusieurs mois cette spécialité HAWK pour s’entraîner dans la (double) qualification Mistral, sa batterie devant être prochainement projetée en Guyane. Dans le même temps, une autre batterie sera rentrée au régiment après avoir effectué une mission toutes armes à Mayotte ou ailleurs. D’une certaine façon, on peut considérer que les unités PROTERRE de ce régiment renouent ainsi avec le passé de leurs "grands anciens" qui, en Algérie, délaissèrent leur armement antiaérien pour accomplir des missions communes à toutes les Armes.

Dans ces conditions, le régiment ne peut s’entraîner au complet. D’ailleurs, son contrat opérationnel ne prévoit pas cet engagement groupé sans un délai de montée en puissance conséquent. Le chef de corps veille toutefois à entretenir les savoir-faire de son PC régimentaire et son aptitude à commander un groupement sol-air mixte. La chaîne de commandement est contrôlée tous les deux ans par le niveau brigade.

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23) Un nouveau profil d’artilleur antiaérien

Parler de nouveau profil peut paraître abusif tant les artilleurs antiaériens ont su évoluer continument depuis la création de cette subdivision d’arme. Elle s’est axée autour de l’évolution des systèmes, de l’évolution des missions et de l’évolution des statuts.

Les artilleurs sol-air du début du XXIème siècle sont désormais des soldats professionnalisés, aussi bien préparés à exécuter les missions propres à leur métier que celles qui sont communes à toute l’Armée de terre (MICAT [1]). L’aide apportée en cas de catastrophe naturelle, la protection Vigipirate, les missions de souveraineté dans les DOM-TOM, de sûreté en Guyane (site de Kourou), de présence en Afrique (Djibouti), les missions ONU et OTAN (ex-Yougoslavie, Liban), l’Opération Licorne en Côte d’Ivoire, sont d’un grand intérêt professionnel, au plan individuel et collectif.

Qu’elles soient communes à l’armée de Terre ou spécialisées sol-air, ces missions sont accomplies hors de la structure habituelle du régiment d’appartenance. Elles offrent aux cadres qui y participent des mises en situation de commandement particulières, elles sont autant de remises en cause personnelles ou collectives.

Pour être en mesure de les bien remplir, l’effort de formation et d’entraînement des personnels se porte d’abord sur "le fond de sac" individuel, notamment dans les domaines du tir de combat, du secourisme et de la résistance physique. Aguerrissement, développement du sens de l’initiative, ouverture d’esprit, disponibilité, cohésion des équipes sont autant d’enrichissement bénéfiques pour les petites unités, aux niveaux section voire batterie, dont l’aptitude est évaluée et validée avant leur projection.

Les PC ou services régimentaires sont également mis à contribution et fournissent souvent des participants individuels aux différents théâtres d’opérations.

Au sein de la force de l’OTAN déployée au Kosovo (KFOR), deux généraux d’origine sol-air ont commandé la Brigade ou la Task Force Multinationale-Nord dans la région de Mitrovica.

L’artilleur sol-air d’aujourd’hui est donc un professionnel tourné vers la Projection. Il emploie ses compétences dans des missions opérationnelles qui s’inscrivent toujours dans un environnement interarmes et interarmées, souvent multinational, dans le cadre d’une planification qui lui permet de bénéficier d’une préparation adaptée. Nul doute qu’il saura s’adapter aux évolutions futures, qu’elles soient liées aux menaces, aux missions, aux systèmes ou aux cursus de formation et de carrière.

L’impératif de réactivité dans la délivrance des feux sol-sol et l’optimisation des actions coordonnées de tous ceux qui opèrent dans la 3ème dimension sont de nature à rapprocher encore plus les artilleurs des deux domaines "feux dans la profondeur" et "sol-air" dont l’interaction est de plus en plus marquée en opération.

Puisque des régiments d’artillerie sol-sol deviennent des formations d’appui multi-rôles (sol-sol/sol-air/renseignement) et puisque le nombre de régiments sol-air s’est amenuisé depuis des années, il est devenu opportun de s’interroger sur l’intérêt de regrouper tous les officiers d’artillerie dans une seule et même filière "artillerie", notamment dans une deuxième partie de carrière, dont les contours restent encore à analyser.

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[1] MICAT : missions communes de l’armée de terre. Ce sont essentiellement des missions de sauvegarde (surveiller, soutenir, boucler une zone, tenir et interdire) et des procédés complémentaires tels que l’escorte, la patrouille, le point de contrôle ou l’armement d’un centre d’évacuation


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