Alors que la situation dans les Alpes perdure face aux Italiens, tout en prenant une tournure favorable aux français, le général Beynet, commandant le XIVème corps d’armée, prend conscience de l’évolution de la situation sur le front du Rhône.Les allemands lancent une offensive dans son dos, vers Grenoble et Chambéry, par les trouées de Voreppe et de Viviers. Il faut donc y faire face sans dégarnir son dispositif face aux italiens car, au moment où l’armistice allait être conclu, les allemands annonçaient clairement qu’ils occuperaient les territoires conquis par les armes.
Il demande alors à son artilleur, le général Marchand, si l’artillerie peut prendre en compte simultanément les deux fronts. Ce dernier lui rend compte de l’arrivée de renforcements qu’il propose d’engager rapidement. Il s’agit de deux groupes lourds du 10ème RA et d’un groupe de 3 batteries de 3 pièces de 75mm de montagne sur véhicules, l’ensemble étant déployé sur la prochaine ligne de résistance programmée, à hauteur de la Drôme, à 75km au sud de Grenoble , continue à entraîner le personnel et à conditionner le matériel avant son emploi.
La rive droite de l’Isère est déjà tenue par les allemands. Le front du Rhône est tenu par le général Cartier. Le secteur de Guiers, du confluent du Rhône jusqu’aux Echelles, est défendu par l’infanterie du colonel de Bissy. La "trouée de Voreppe" est défendue par le sous-groupement du colonel Brillat-Savarin. Son artillerie courte portée, disposée de part et d’autre de l’Isère, est commandée par le capitaine Lombard. Elle comprend :
En plus, 8 pièces de 47 de marine, servies par des canonniers marins, défendent le village de Voreppe.
Le général Marchand quitte le PC du corps d’armée et va donner ses ordres aux unités.
Ordre donné au colonel commandant le 104° RA. 1- Constituer un groupe mixte de deux batteries de 105 et d’une batterie de 155 GPF aux ordres du capitaine de Vergeron. 2- Envoyer la troisième batterie de 105 pour la défense de la trouée de Viviers. 3- Diriger une section de 155 sur Pierre de Curtille, à la disposition du colonel de Bissy.
Ordre donné au groupe porté de 75 de montagne commandé par le chef d’escadron Sentis.
Faire mouvement sur Chambéry et se mettre à la disposition du général Cartier.
Puis le général part effectuer la reconnaissance du terrain, va au fort de Comboire, à son état-major, pour organiser l’appui aux unités (mouvement, implantation topographique, mise en place des lignes téléphoniques) puis il va à la rencontre des unités, dans la nuit du 23 au 24 juin, à leur arrivée sur les positions.
Dans la trouée de Voreppe, le 16ème corps blindé allemand se déploie dans la matinée et tente de s’engager dans la trouée. De son observatoire du Bec de l’Echaillon, le capitaine de Vergeron assiste à la manœuvre. Il met à profit la matinée pour effectuer les réglages. Dés 12h00et tout l’après-midi, il neutralise toutes les colonnes de véhicules arrêtés (chars automitrailleuses et camions), inflige des pertes et les obligent à rebrousser chemin. Il prend à partie neuf batteries adverses et leur impose de cesser les tirs. Puis il met hors d’usage le terrain d’aviation au sud-est de Moirans que les avions allemands commençaient à investir. Jusqu’à minuit l’artillerie reste "maîtresse du champ de bataille. Elle interdit aux allemands de briser la résistance de Voreppe avant l’armistice. Elle sauve Grenoble de l’occupation.
Au nord de Chambéry, la 13ème division d’infanterie motorisée allemande a franchi le Rhône à Culoz et pousse vers Chambéry de part et d’autre du Lac du Bourget et s’empare d’Aix-les-Bains. Les renforts d’artillerie du XIVème corps d’armée, dont le groupe du commandant Sentis, sont aussi en place et prennent à partie la colonne ennemie qui débouche d’Aix-les-Bains, en déclenchant un barrage de feux. L’infanterie allemande se déploie en direction de Viviers, mais toutes ses attaques sont bloquées par l’artillerie française. La position du XIVème CA, au sud du lac du Bourget, tient bon jusqu’à l’armistice.
A l’ouest de Chambéry, dans le secteur du colonel de Bissy, les allemands ont franchi le Guiers au sud de Saint-Genix. L’artillerie française matraque les unités allemandes engagées entre le Rhône et le lac du Bourget.
Dans cette bataille, l’artillerie du XIVème CA a joué un rôle décisif. La manœuvre des moyens de feux imaginée par le général Marchand a privé le général Cartier du rôle qui lui était assigné : arrêter l’ennemi allemand. Cette action lui a valu la citation suivante :
« Officier général du plus grand mérite. Alors que le corps d’armée, attaqué à l’est par les forces italiennes, s’est trouvé menacé sur ses arrières par de unités blindées allemandes, a su rapidement employer les unités d’artillerie disponibles. Après des reconnaissances personnelles, les a engagées dans des conditions telles que leur bon rendement a très largement contribué au maintien de l’intégrité des positions de défense assignées au corps d’armée ».
Pour avoir une idée plus large de la contribution de l’artillerie aux combats dans Alpes, en mai 1940, voir le récit de la la destruction du fort Chaberton.