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Histoire relative à un étendard : celui du 20ème RA en 1870.
 

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Un souvenir patriotique (Copie conforme de l’article du Petit Journal du 21 juillet 1895...avec les fautes d’orthographe)

Une toute petite cérémonie, très simple, mais très touchante et qui a du faire tressaillir pendant une minute le cœur de ceux qui y assistaient, a eu lieu ces jours derniers à l’Élysée.

M. Baudens, sénateur, a présenté au président de la République la veuve du colonel d’artillerie Petitpied, qui lui apportait le drapeau du 20ème d’artillerie, sauvé en 1870 par elle et par son mari, qui était alors colonel de ce régiment.

Le colonel Petitpied se trouvait à Strasbourg quand l’héroïque cité dut capituler ; il voulu à tout prix sauver le drapeau de son régiment ; il en brûla la hampe et enterra l’étoffe dans sa cave.

Presque aussitôt, il fut emmené en captivité à Coblence. Là, il put voir sa femme à qui il confia son secret.

Celle-ci entreprit alors de sauver la précieuse relique. Elle quitta Coblence, rentra dans Strasbourg avec son enfant, âgé de deux ans, et, sous un prétexte quelconque, pénétra dans sa maison qui était pleine de soldats prussiens.

Elle demanda et obtint, non sans peine, d’occuper une chambre. Et au milieu de la nuit, pendant que les Allemands dormaient, elle se leva, descendit dans la cave, sans bruit, et parvint à déterrer le drapeau. Puis elle le cacha dans la douillette de son fils qu’elle ramena à Coblence.

Après la paix, elle rapporta le précieux débris cousu dans la doublure de ses propres vêtements.

C’est ce drapeau que madame Petitpied vient de remettre au président de la République.

M. Félix Faure a remercié la veuve du vaillant colonel avec émotion ; et il lui a annoncé que le drapeau conservé si heureusement par elle serait déposé aux Invalides.

Combien de récits dramatiques et émouvants il y aurait à raconter sur nos drapeaux de 1870.

Pendant les batailles, nos braves soldats groupés autour de l’emblème de la patrie se faisaient tuer pour le défendre ; mais quand ils sentaient qu’ils allaient infailliblement succomber devant la force, ils songeaient avant tout au drapeau.

Pour ne pas le laisser tomber au pouvoir de l’ennemi, ils inventaient mille moyens ; ils le cachaient, ou bien le confiaient à une poignée de héros qui, à travers les plus grands dangers, allaient le déposer en lieu sûr, très loin, à l’abri du vainqueur.

Mais quand le sauvetage était impossible ils le brûlaient ; et, tandis que le feu le consumait, ils se tenaient autour de lui, debout, la tête découverte, émus par le sacrifice douloureux mais nécessaire qu’ils accomplissaient.

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-  Le Petit Journal / Supplément illustré / Dimanche 21 juillet 1895


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