Histoire de l’Artillerie, subdivisions et composantes. > 1- Histoire de l’Artillerie > A- Histoire de l’artillerie terrestre au travers de l’Histoire de la France >
5- L’artillerie et la guerre industrielle (2ème partie).
 

Retour au Plan

Article précédent

Mais la guerre d’artillerie lourde a véritablement commencé lorsque les Allemands, tirant les enseignements des opérations de la Guerre de Sécession et des combats de Port Arthur, bombardent les forts belges en août 1914 avec des pièces Krupp de 42 cm tirant un obus de 800kg.

L’Allemagne possède, dès l’entrée en guerre, obusiers lourds, mortiers de tranchées et lance mines.

Pour envoyer un projectile dans une tranchée à courte distance, il faut une bouche à feu qui propulse le projectile sur une trajectoire, presque verticale, en forme de cloche. La munition doit être suffisamment puissante pour détruire les abris et les tranchées en combinant vitesse de chute et puissance de l’explosif. Les mortiers allemands, au départ de construction simple, sont d’un calibre allant de 7,62cm à 24,8cm. La France, après avoir utilisé des mortiers de récupération datant du milieu du XIXème siècle, se lance dans la fabrication de nouveaux modèles. Le plus connu est le mortier de tranchée appelé crapouillot.

Une artillerie lourde à longue portée se développe aussi. En France, avec les programmes d’armement de 1914, 1915, 1916, le calibre de 155mm devient le calibre minima pour la contre batterie avec, la mise au point, par exemple, du canon de 155 GPF (Grande Puissance Filloux) qui tire à 19 kilomètres. Mais la grande portée c’est aussi les canons légendaires tels le Pariser Kanone de 21cm ; prouesse technologique qui tire sur Paris depuis la région de Laon à plus de 120 kilomètres et dont la France a gardé le souvenir sous le nom de Grosse Bertha qui est, en fait, le surnom allemand des obusiers utilisés en Belgique. L’artillerie sur voie ferrée, née pendant la Guerre de Sécession, connaît un développement rapide d’abord par le montage de canons de marine sur wagons puis par la construction de pièces particulières : l’artillerie lourde sur voie ferrée (ALVF) avec, par exemple, le mortier lourd français de 400mm qui tire jusqu’à 15 kilomètres. Les nouvelles pièces sont aussi marquées par une augmentation des V0 (vitesses initiales) jusqu’à 800m/s, ce qui accentue l’usure des tubes et nécessite une maintenance de plus en plus exigeante.

Durant le conflit, le tir de l’artillerie devient véritablement scientifique avec l’utilisation des mathématiques, de la trigonométrie, de la physique. En France, l’École Polytechnique fournit la majorité des officiers d’artillerie. La scolarisation de la IIIème République permet aussi de disposer de petits gradés qui appliquent les ordres de tir au niveau des pièces.

Les liaisons entre "l’avant", c’est-à-dire les premières lignes, et "l’arrière", les positions de batteries, sont rendues possibles par l’usage du téléphone. Mais les fils sont souvent coupés par les bombardements. La télégraphie sans fil se développe, bien que les postes encore lourds, ne puissent suivre les combattants de l’avant. Si lors de l’entrée en guerre, l’utilisation de l’aéroplane est balbutiante, très vite, l’avion devient un moyen pour renseigner le commandement et les artilleurs sur les objectifs à battre par des feux lointains et l’observateur aérien participe au réglage d’artillerie favorisant la recherche pour alléger les postes de TSF. A cette époque naît aussi la photographie aérienne.

L’augmentation du nombre de canons et des coups tirés pose des difficultés logistiques inconnues jusqu’alors. La guerre de position permet la mise en place d’une logistique fiable car l’arrière du front bouge peu. Il s’agit principalement de gérer les ruptures de charges au plus près des positions de batteries : la Voie Sacrée en est un bon exemple. Le nombre accru de tubes complique la tâche. La plus grande concentration a sans doute été celle de l’offensive française de la Malmaison en 1917 : une pièce pour 6,20 mètres linéaires de front ! La reprise de la guerre de mouvements réclame une logistique et une organisation des approvisionnements exceptionnelle. Lors des combats défensifs en Champagne et de la préparation de l’offensive de juillet 1918, il a été transporté, du côté français, plus de cinq millions de coups soit un trafic journalier de 60 trains. L’offensive française de la IVème armée en Champagne, le 26 septembre 1918, consomme, dès le premier jour, un million et demi de coups chargés sur 166 trains. Il en a été de même du côté allemand, en particulier lors des offensives sur Verdun.

Enfin, il faut souligner que le conflit a été un amplificateur technologique et de nouvelles armes ont été développées. L’Allemagne, en dépit de ses performances dans l’industrie chimique, est en retard dans la production des explosifs et importe une grande partie du salpêtre et du nitrate. Cette recherche d’efficacité l’amène, sans doute, à utiliser une nouveauté chimique plus facile à fabriquer : les gaz asphyxiants, interdits par les conventions internationales. La guerre chimique naît ainsi à Ypres en 1915, puis entre dans une escalade chez les belligérants. Mais les gaz ne remplacent pas la poudre et ne changent pas l’issue de la guerre contrairement au moteur.

Le char est né de la volonté de faire mouvoir un canon dont les servants sont protégés par un blindage. Le char est aussi une autre manière tactique d’utiliser l’acier : le blindage, qui permet au canon d’avancer, diminue les disponibilités d’acier pour fabriquer des projectiles. Le moteur permet aussi la traction de l’artillerie. Il s’agit essentiellement en France des Saint-Chamond tirant des tubes de 240 et de 280mm avec affût à roues pour le premier et à chenilles pour le second, du 155 GPF à tracteur à roues et, en 1918, la mise au point d’un automoteur chenillé Schneider avec un tube de 220 mm d’une portée de 22 kilomètres.

Les premiers canons destinés à tirer contre les aéronefs ont été des montages réalisés généralement à partir de tubes de 75. Pourtant, assez vite se développe une artillerie contre avions par la mise au point d’affûts particuliers destinés à un tir quasiment vertical. Mais au-delà de la bouche à feu proprement dite, ce type de tir nécessite la mise au point de nouvelles munitions et de nouveaux procédés de repérage et de réglage des tirs. Le repérage au son est, par exemple, mis au point et un système de triangulation en trois dimensions définit la position d’un avion dans le ciel. L’électricité fournie à des projecteurs permet de rechercher les avions qui s’enhardissent de plus en plus dans le vol de nuit, alors que les premières bombes d’avion sont des obus lancés depuis les airs.

L’évolution du poids des artilleurs français dans la bataille.

Durant toute la guerre l’action de l’artillerie n’a cessé de croître. En novembre 1918, l’artillerie française compte 5484 canons de 75mm, 96 canons de 65mm de montagne, 5000 pièces lourdes de campagne, 750 pièces d’artillerie lourde de grande puissance (ALGP), 442 canons antiaériens, 1680 mortiers de tranchée et 2300 chars d’assaut.

L’augmentation est similaire du côté allemand, sauf pour les chars. Quant à l’artillerie américaine, elle est « fille » de l’artillerie française et le 75 est fabriqué sous licence aux États-Unis.

La Première Guerre mondiale a transformé le rapport d’action entre artillerie et infanterie. En 1914, l’artillerie accompagne l’action de l’infanterie ; à partir de 1915, l’artillerie prépare et l’infanterie conquiert ; vers 1917, l’artillerie conquiert et l’infanterie occupe ; en 1918, l’artillerie prépare l’assaut et l’accompagne avec le barrage roulant et le char.

Nombre d’officiersNombre de sous-officiers et d’hommes de troupePourcentage de l’artillerie par rapport aux effectifs globauxPourcentage de l’infanterie par rapport aux effectifs globauxNombre de canons pour 1000 fusils
19141100042200020 %70 %4,4
191826000110000038 %48 %13

Cette action déterminante de l’artillerie se répercute dans la typologie des blessures : jusqu’à la guerre russo-japonaise, les blessures par balles de fusil sont environ quatre fois supérieures à celles par grenades et obus. En 1918, les blessures par éclats d’obus sont trois fois supérieures à celles par balles. Les mutilés et les "gueules cassées" sont les victimes les plus visibles des effets dévastateurs de l’artillerie.

Fin 1918, l’artillerie française domine mais plafonne : le potentiel de fabrication d’armes et de munitions ne peut être maintenu, durant l’entre-deux guerres, par une industrie qui a atteint ses limites et l’État réduit les budgets. L’artillerie ne progresse guère, sauf pour la ligne Maginot. L’artillerie, en France, est revenue, d’une certaine manière, avant l’époque de Gribeauval et de Guibert. C’est l’Allemagne, qui à partir de 1933, reprend la main.

Retour en haut de page

Article suivant


____________

Base documentaire des Artilleurs