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1944- La bataille du Garigliano (11 au 13 mai 1944)
 

La bataille du Garigliano est l’épisode décisif de la Campagne d’Italie de 1943 à 1944, conduite par les Alliés, et qui devait leur ouvrir la route sur ROME.

C’est dans cette bataille que devait particulièrement s’illustrer l’artillerie du Corps Expéditionnaire Français (CEF), commandé par le général JUIN.

Cette artillerie comprend les artilleries divisionnaires des 4 divisions du CEF : la Ière Division de Marche d’Infanterie (I° DIM, ex 1ère DFL), la 2ème Division d’Infanterie Marocaine (2° DIM), la 3ème Division d’Infanterie Algérienne (3° DIA), la 4ème Division Marocaine de Montagne (4° DMM).

Elle comprend aussi l’Artillerie de Réserve Générale, l’aviation d’observation d’artillerie [1] et un service de renseignement d’artillerie [2].

En outre le CEF a sous ses ordres la 13ème Brigade d’Artillerie Américaine et 4 groupes du 194ème Groupement US.

Voici la composition de cette artillerie :

  • L’artillerie divisionnaire comprend un régiment d’artillerie structuré en groupes ; les 1°, 2° DIM et 3° DIA sont sont mises sur pied selon le type américain, on y trouve par conséquent dans chaque régiment d’artillerie (respectivement les 1er Régiment d’Artillerie des Forces Françaises Libres, le 63ème Régiment d’Artillerie d’Afrique, le 67ème Régiment d’Artillerie d’Afrique), trois groupes d’obusiers de 105 HM2 et le quatrième groupe est équipé d’obusiers de 155 Court Schneider ; la 44ème DMM dispose du 69ème Régiment d’Artillerie d’Afrique avec 3 groupes de 75mm montés sur bâts de mulet ; chaque division a aussi un groupe d’artillerie antiaérienne équipé de 40mm Bofors , respectivement les 21ème Groupe colonial Antillais de DCA, le 41ème Groupe colonial de DCA, le 37ème Groupe de FTA et le 33ème Groupe de FTA.
  • L’Artillerie de réserve générale comprend :
    • le 64ème Régiment d’Artillerie d’Afrique à 3 groupes d’obusiers de 105 ;
    • le Régiment d’Artillerie Coloniale du Levant (RACL)à 2 groupes de 155 long GUN ;
    • le 1er Groupe de canonniers marins avec une batterie de 155 grande puissance Filloux et une batterie de repérage.
    • trois groupes de 40mm Bofors , le 40ème Groupe colonial de DCA, le 32ème Groupe de FTA et le 34ème Groupe de FTA.
  • La 13ème Brigade d’Artillerie Américaine comprend 6 groupes lourds (Field Artillery Battalions : FAB), les 1/17, 1/178, 630 et 939 FAB, équipés de 155mm, 203mm, 240mm.
  • les 4 groupes lourds du 194ème Groupement US sont les 633, 698, 995 FAB.

LA BATAILLE

Ce texte est repris du Bulletin historique de l’artillerie n°12, consacré à l’Artillerie dans la Campagne d’Italie (1943-1944).

L’attaque a lieu le 11 mai à 23 heures, sans aucune préparation de l’artillerie afin de permettre à la 8ème Armée britannique de franchir le Rapido par surprise totale. Ce n’est qu’au moment du débouché que le tonnerre de l’artillerie se déclenche sur tout le front.

A la même minute, l’infanterie attaque. La réaction de l’artillerie allemande est faible, mais l’infanterie française se heurte à une résistance acharnée de l’ennemi.

Le 12 mai au soir, malgré deux succès locaux, la prise du village de Castelforte par le 3è Division Algérienne et l’occupation du mont Faito par la 2è Division Marocaine, c’est l’échec en raison de l’absence de préparation d’artillerie.

Le général JUIN, renseigné sur la faiblesse des réserves stratégiques allemandes, décide de briser immédiatement la résistance ennemie et de reprendre l’attaque dès le lendemain. Il exige du commandement allié qu’on le laisse manœuvrer à sa guise les feux de son artillerie.

A cet effet, l’effort principal, toujours confié à la 2è Division Marocaine, sera décomposé en deux actions décalées dans le temps :

  • la première sur l’axe Cerasola - Girofano ;
  • la deuxième sur l’axe Faito - Majo.

Chacune de ces attaques sera précédée d’une puissante préparation d’artillerie de 45 minutes, exécutée sur 600 mètres de front par 44 batteries de 105 et 28 batteries de 155, soit les feux d’une pièce d’artillerie pour 2,70m de front de l’objectif.

L’attaque débouche à 4 heures. Cette fois le Cerasola est nettoyé, le Girofano le sera vers 14 heures.

La deuxième action est déclenchée à 10 heures. Vers 15h30, un drapeau français flotte au sommet du mont Majo.

La ligne GUSTAV est rompue. Les allemands décrochent. La puissance terrifiante des feux de l’artillerie ouvre aux Britanniques la route de ROME.

L’attaque en puissance a donc réussi.

260000 coups de canon ont été tirés par le Corps Expéditionnaire Français pendant 48 heures. Le chargeur de chaque pièce a manipulé plus de 1000 obus, soit plus de 20 tonnes d’acier.

Sans masquer le valeur et le sacrifice de l’infanterie et des chars, la Bataille du Garigliano est pour l’artillerie française une des plus belles pages de son histoire.

Pour bien montrer la place prépondérante prise à la victoire par les troupes françaises, c’est en compagnie du général JUIN que le général CLARK fera son entrée à ROME le 5 juin 1944.

Quant aux troupes françaises composées d’Européens d’Afrique et de métropole, de Nord-africains et Africains, Antillais, Polynésiens, Malgaches et Indochinois, émanation de l’armée française restaurée, tous réunis dans une implacable détermination pour la victoire, elles n’entreront dans la ville éternelle qu’un peu plus tard.

(JPG)

Autre narration sur cette bataille emblématique de l’artillerie française (extraite de l’historique de la Brigade d’artillerie) :

"Cette dernière bataille, qui sera décisive, se déroule les 121, 12 et 13 mai 1944. 7 régiments d’artillerie de campagne et 9 groupes d’artillerie antiaérienne sont jetés dans la mêlée, face à une armée allemande qui, solidement retranchée, galvanisée par ses éclatantes victoires des années précédentes, s’estime invincible. Après une préparation d’artillerie d’une ampleur et d’une intensité jamais vues, la victoire est acquise le 13 mai, permettant la rupture de la ligne Gustav et l’ouverture de la route de Rome pour les alliés. Au cours de cette bataille, l’artillerie française écrira une de ses plus belles pages de gloire de son histoire, ce qui vaudra au commandant le 35è Groupement d’artillerie américaine de déclarer : "L’artillerie américaine est fière d’être la fille de l’artillerie française".

Le 23 juillet 1944, le CEF est relevé par les alliés et le 23 juillet à 0 heure, les 4 divisions et les Goums marocains passent sous les ordres du Maréchal de Lattre de Tassigny, commandant la 1ère armée française. Une autre tâche commence, combien exaltante les attend : la libération du sol français avec le débarquement en Provence."

[1] Chaque groupe et état-major de régiment a organiquement une section de deux avions "Piper-Cub"

[2] qui établit en particulier la liste des batteries ennemies repérées par le centre photo de la 5è Armée américaine, les sections de repérage par observation terrestre, les sections de repérage par le son, les observatoires terrestres, les avions d’observation d’artillerie, les rapports de bombardement fournis par les unités prises sous les tirs ennemis


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