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2- Le Corps royal de l’Artillerie des Colonies
 

L’Ordonnance du Roi portant création du Corps royal de l’Artillerie date du 24 octobre 1784.

Les conditions dans lesquelles cette décision a été prise sont expliquées dans l’article précédent .

reprise du texte rédigé par le sous-lieutenant Lesueur, officier de réserve, affecté au 8ème régiment d’artillerie en décembre 1995.

Les articles 6 et 7 de l’ordonnance définissent la composition interne de chaque compagnie. Elles seront commandées "en tous temps" par un capitaine en premier, un capitaine en deuxième, un lieutenant en premier, un lieutenant en deuxième, un lieutenant en troisième ; ce dernier ainsi que la moitié des lieutenants en deuxième seront choisis parmi les sergents. Au niveau des sous-officiers et des hommes du rang, le détail de la composition est également précis. Ainsi est-il dit que les compagnies seront composées "d’un sergent-major, un sergent-fourrier-écrivain, 5 sergents, 5 caporaux, 5 appointés, 5 artificiers, 5 canonniers-bombardiers de première classe, 20 de seconde classe, 40 apprentis et un tambour formant 88 hommes".

La tenue (JPG) La tenue est tout à fait caractéristique des troupes destinées à servir aux colonies et dépendant du secrétariat d’État à la Marine. L’uniforme des officiers et des soldats du Corps Royal de l’Artillerie des Colonies est un habit, avec une veste et une culotte couleur bleu roi. La doublure et les parements sont rouges, en écarlate pour les officiers et de drap garance pour les soldats. Les canonniers-bombardiers portent deux épaulettes rouges à franges de même couleur. Les artificiers portent les mêmes épaulettes dont la tige est liserée de jaune. Toutes ces épaulettes sont en laine et les grades des officiers sont distingués par des épaulettes en or. Les officiers sont sous les armes en hausse-col, en bottes, avec le baudrier en écharpe et l’épée à la main ; ils ne portent pas de giberne ni de fusil. (JPG)

En outre, "les boutons seront jaunes et timbrés d’une ancre et du numéro 64. (...) Le retroussis de l’habit sera garni sur les devants d’une fleur de lys et sur le derrière d’une ancre". Les couleurs bleu et rouge sont caractéristiques de l’artillerie. La mention des ancres de marine prouve de manière éclatante, s’il en était besoin, la vocation à servir outre mer de ce régiment. Il n’est pas excessif de dire qu’il est l’ancêtre de tous les régiments d’artillerie des colonies. L’ancre en effet est un rappel des longs trajets que doivent effectuer sur la mer les troupes destinées à servir aux colonies comme les liens privilégiés qu’ils doivent entretenir avec la marine royale.

Organisation :

Il est composé de 5 brigades qui comportent 4 compagnies chacune. Aux 20 compagnies de canonniers-bombardiers viennent s’adjoindre 2 compagnies d’ouvriers. Le colonel, le lieutenant-colonel-directeur, un ou deux chefs de brigade, ainsi que le quartier-maître trésorier restent en France. Tandis qu’un lieutenant-colonel commande à Saint-Domingue (Haïti), un autre à la Martinique, et un dernier à l(Isle de France (île Maurice) ou en Inde. Le lieutenant-colonel destiné à l’Isle de France est provisoirement affecté à Pondichéry jusqu’à nouvel ordre. Le Régiment a trois brigades détachées après des trois commandants d’artillerie désignés plus haut. Les deux autres brigades sont à Lorient comme brigades de dépôt et de remplacement. Il est formé des détachements fournis par chacun des sept régiments de l’artillerie de terre. L’ensemble s’élève à 542 hommes. Il est complété par l’incorporation dans les 3 brigades détachées, des compagnies qui existent depuis longtemps dans les colonies. C’est à dire, 3 à la Martinique, 3 à Saint-Domingue et 4 à Pondichéry, fortes ensemble d’un millier d’hommes qui sont pour une petite partie les rescapés de renforts envoyés depuis la Métropole, mais surtout, des indigènes directement recrutés sur place : l’ensemble provient des 11 compagnies de bombardiers-canonniers de marine supprimés par l’ordonnance précitée.

Mentions particulières

Enfin dans les statuts du corps, il est prévu deux mentions particulières qui visent à éviter que le régiment ne perde toute mobilité en restant trop longtemps dans les mêmes lieux de garnison. Ainsi il est de "l’intention de sa Majesté que les troupes de l’artillerie des colonies changent de garnison autant qu’il sera possible tous les quatre ans". Un autre article précise plus loin "qu’aucun des dits officiers ne pourra contracter de mariage aux colonies avant l’âge de 25 ans révolus sans en avoir obtenu la permission du Roi". Il paraît évident qu’il s’agit pour le monarque d’interdire à ses troupes envoyées aux colonies qu’elles ne fassent souches sur place et que de manière plus générale, qu’une trop longue fréquentation des mêmes lieux et des mêmes personnes ne les fassent se sentir plus solidaires des intérêts des populations locales que de ceux du souverain. Il est à remarquer d’ailleurs que le régiment à sa création, comme nous l’avons vu précédemment, hérite à cet égard d’une situation déjà fort compromise.

Les faits

Le procès verbal de formation est dressé à Douai le 1er avril 1785 et est signé conjointement par Monsieur de Mazelaigne, commission des guerres, Monsieur le Maréchal de camp de Fredy, commandant en chef de l’artillerie de la place de Douai, Monsieur de Gay, lieutenant-colonel au nouveau Régiment et Monsieur de Macors, son Major. Le colonel du Puget d’Orval qui commande l’artillerie à la Martinique est chargé de diriger le Régiment. Et conformément à l’ordonnance du 24 octobre 1784, il est constitué en 5 brigades à 4 compagnies.

  • La 1ère brigade est stationnée en Inde. Elle comprend les compagnies suivantes : 1ère, 11ème, 6ème et 16ème compagnies.
  • La 2ème brigade est en France avec les 2ème, 12ème, 7èem et 17ème compagnies.
  • La 3ème brigade est à la Martinique avec les 3ème, 13ème, 8ème et 18ème compagnies. Trois compagnies y sont déjà, la dernière est attendue de France.
  • La 4ème brigade est en France avec les 4ème, 14èem, 9ème et 19ème compagnies.
  • La 5ème brigade, avec les 5ème, 15ème, 10ème et 20ème compagnies à Saint-Domingue (Haïti).

La revue d’effectifs qui est passée le même jour fait ressortir pour les compagnies présentes à Douai, un effectif de 20 hommes pour chacune d’entre elles.

Les années 1785 et 1786 se passent à compléter la composition du Corps. Le 15 octobre 1786 le Corps Royal de l’artillerie des Colonies quitte la garnison de Douai qui l’a vu naître et se dirige vers Lorient. Le 20 décembre 1786, certaines compagnies embarquent vers les Antilles et les autres colonies. Très vite, la compagnie envoyée à Saint-Domingue est durement affectée par les maladies tropicales.

Rien ne se passe dans les années précédant la Révolution si ce n’est qu’en prévision d’une reprise de la lutte avec l’Angleterre, que chacun sent imminente, les compagnies restées à Lorient essaiment dans un certain nombre de ports de la côte Atlantique, en particulier Port-Louis, Brest et Saint-Malo.

De fait dès 1790, la brigade de Saint-Domingue est confrontée à la révolte généralisée des esclaves noirs des plantations. En plus des maladies, elle perd un certain nombre d’hommes sous les coups des révoltés.


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