Extraits des carnets du Général MONCHAL
Après 4 mois passés à Tarbes, je rejoins, le 3 novembre 1959, la 1ere batterie du I/35e RAP (régiment d’artillerie parachutiste) à Maharka, sous tentes, dans une plaine boueuse et fraîche, près d’El Milia dans le Constantinois. Lieutenant depuis 1 an, j’occupe les fonctions d’officier de liaison ou d’observateur, notamment auprès du RPIMa puis du 2e REP, et parfois d’officier de tir. Cette batterie est nettement mieux encadrée que celles que j’avais connues au 2/20e RA lors de mon précédent séjour. Elle est commandée par le capitaine Lassort.
Fin janvier 1960, Des régiments de la 25e DP (division parachutiste) partent à Alger pour gérer une situation assez mouvementée (semaine des barricades....)- Le 1/35e remplace certaines unités pour tenir certaines zones jusqu’à leur retour. Je prends alors le commandement d’une section, formée pour l’occasion avec moins de trente hommes, et nous occupons un poste, sur une pente au milieu des sapins, tenu précédemment par une unité du 9e RCP. Ce poste se situait en petite Kabylie, au sud de Djidjelli, près du col de Selma. Ma section composée " d’artilleurs à pied " est bien encadrée, car j’ai 3 sous-officiers d’activé avec moi : le MDL chef Orsetti expérimenté et solide, le MDL Marquette toujours en pointe et très courageux, le MDL Bartkovski. Nous nous adaptons rapidement à notre mission de fantassin en faisant des patrouilles dans le secteur, en montant des embuscades sans succès, et en étant très vigilants car nous savions que les fellaghas tenteraient d’exploiter une situation qui devenait plus favorable pour eux compte tenu de la forte réduction des troupes françaises dans la région.
Le 22 février 1960 à l’aube, dans le cadre d’une opération d’envergure, la section est héliportée dans la cuvette d’El Hot (secteur de Djidjelli) où des renseignements avaient fait état de la présence d’une katiba [2]. Ils n’étaient pas faux, puisque peu de temps après notre mise à terre nous avons pris contact avec une section ennemie, vers 10 heures du matin, et je crois que nous avons été les premiers à engager le combat. Nous avons pu faire alors 3 prisonniers et avons ferraillé avec des fellaghas qui cherchaient plutôt à s’enfuir. Parmi les prisonniers il y avait un blessé que nous avons soigné avant de l’évacuer.
L’opération a ensuite pris de l’ampleur, et d’autres unités nous rejoignirent. Au cours d’un ratissage dans un terrain très " bahuté " et couvert de chênes, vers 14 h, nous avons été pris sous le feu des fellaghas, dont un FM, à une centaine de mètres devant nous de l’autre côté d’un petit oued. Nous étions donc à découvert et nous avons tous entendu les balles siffler et les feuilles tomber sous le feu ennemi sans pouvoir se protéger dans ce terrain, ni même manœuvrer. A ma gauche, le Chef Orsetti s’efforçait de calmer sur notre flanc les tirs plus ou moins bien orientés des éléments amis. Le MDL Marquette qui était avec son groupe en tête n’avait plus qu’une solution : foncer ; ce qu’il a fait en réussissant à abattre un fellagha à bout portant. Mais le "canonnier-voltigeur" Magri, qui s’était élancé lui aussi, a été blessé et il a bien fallu s’arrêter pour s’occuper de cet appelé courageux, enfant de l’assistance publique, qui perdait beaucoup de sang. Son évacuation a été difficile dans la forêt, sur une pente prononcée, d’abord à pied pour arriver à un hélicoptère venu le chercher. Le ler REP, sur notre droite, pendant que nous évacuions Magri, neutralisa le FM.... Nous avons continué à fouiller le terrain jusqu’à la nuit. Nous étions très tristes d’avoir perdu Magri dont nous avons appris le décès vers 18 heures et aussi de n’avoir pu causer autant de pertes que nous aurions aimé le faire à l’ennemi bien que, grâce en partie aux contacts que nous avions provoqués, l’opération ait été très fructueuse : 45 rebelles abattus, avec une vingtaine d’armes récupérées, comme en fait état la citation qui m’a été attribuée pour ce combat.
[1] à l’ordre du corps d’armée
[2] katiba= une compagnie de rebelles dit HLL (Hors La Loi) ou fellaghas