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01- Les hautes instances de l’artillerie à partir de 1790 jusqu’en 1939.
 

En 1790 se termine le temps de Maître général, Grand-Maître, ou Premier inspecteur général de l’artillerie [1]. L’Assemblée nationale adopte une loi instituant une armée à cinq armes : infanterie française, infanterie étrangère, cavalerie, artillerie, génie.

L’artillerie a à sa tête un "comité d’artillerie, composé d’officiers généraux et particuliers de ce corps". Il est présidé par le plus ancien des officiers généraux présents. "Il est chargé de traiter avec le ministre de la Guerre de toutes les affaires relatives au service et aux travaux de l’artillerie".

Par la loi du 18 floréal an III (7 mai 1795) il prend le nom de Comité central de l’artillerie.

Le poste de Premier Inspecteur général est rétabli par le Bonaparte, premier Consul. Le premier à ce poste est le général d’Aboville, suivi par Marmont en 1802, Songis en 1804, puis Lariboisière, Eblé et Sorbier. Le Premier Inspecteur général est assisté non plus d’un comité, mais d’un conseil composé de tous les inspecteurs généraux. Le Comité central de l’artillerie vient ensuite. Cette organisation subsiste pendant le Premier empire.

En 1815, le poste de Premier Inspecteur général est supprimé. Le Comité est présidé par le plus ancien officier général. Valée qui en est membre, est nommé directeur du dépôt de l’artillerie et en 1822 inspecteur général du Service central : à ce titre il préside le Comité. Le ministre de la Guerre (Maréchal Victor) lui rappelle la mission de Comité : "l’objet le plus important dont le Comité consultatif puisse s’occuper, après celui des armes portatives, est le travail concernant le matériel d’artillerie. Ce matériel est resté au point où il se trouvait en 1790, sauf les modifications de détail plus ou moins heureuses qui y ont été introduites...".

En 1830, le poste de Premier inspecteur est rétablit pour Valée, nommé Pair du Royaume.

Le gouvernement de Louis-Philippe supprime le poste à nouveau. [2]

Le premier président du Comité à la Restauration est le général d’Anthouard [3]. Le comité traitera seulement les sujets indiqués par le ministre qui décidera...

Lui succèdent, Doguerau (1841-1845) puis Gourgaud, puis Ducos de la Hitte (1848-1864) [4].

La Direction de l’artillerie est créée au ministère en 1865. Le général Suzanne est le directeur général de l’artillerie. Il termine sa carrière militaire en 1875 avec le grade de général de division, le titre d’inspecteur général de l’artillerie...

En 1871, le général Forgeot est le président du comité de l’artillerie.

En 1886, le général Boulanger, ministre de la guerre, institue des Comités consultatifs pour l’ensemble des armes et services et réorganise le comité de l’artillerie pour qu’il soit semblable aux autres. Ses membres, y compris le président, sont renouvelables par moitié tous les ans. Le comité n’étudiera plus les questions techniques qu’au second degré, le premier degré étant la Section technique de l’artillerie (S.T.A.). Celle-ci, qui remplace le dépôt central, dépend directement de la Direction de l’artillerie, devenue 3è Direction du ministère en 1878. Le colonel directeur de la section technique est, de droit, le secrétaire du Comité, ce qui arrange bien les choses.

Cependant, en 1888, le général Mathieu, qui était un excellent directeur de l’artillerie, fait signer par le ministre (Freycinet) le décret du 31 juillet : la Section technique de l’artillerie sera, comme l’était le dépôt central,, placée sous les ordres du président du comité, lequel prendra le nom de Comité technique.

Les différences d’opinion entre le ministre (3e direction) et le Comité prirent parfois un tour aigu dans les discussions relatives à l’obusier de campagne : le ministre, sachant qu’il lui serait très difficile d’obtenir des crédits supplémentaires après le choc budgétaire du 75, souhaitait que le 75 suffise, alors que le Comité, s’appuyant sur les résultats de l’expérimentation, réclamait l’addition d’un obusier.

Le général de Lamothe, président du Comité depuis 1908, était un homme de caractère qui n’admit pas certaines décisions notifiées par la Direction de l’artillerie. Dans une lettre de février 1910, il critiqua « la lamentable organisation des études et services techniques de l’artillerie et la dilution des responsabilités ». Le ministre, le général Brun, plus « manœuvrier » que technicien, faisait partie d’un gouvernement qui ne croyait pas à une guerre prochaine, ni même lointaine. Il voulait, selon un de ses amis, « vivre en toute quiétude et écartait tout ce qui était de nature à lui créer des difficultés ». Le Comité lui créant des difficultés, il s’en débarrasse.

Par décret du 22 octobre 1910, il supprime tous les Comités « sauf ceux, écrit-il, des services du Génie, de Santé et d’État-Major qui tiennent leur existence d’une loi ». Or le Comité de l’artillerie avait été créé par une loi du 18 floréal an III... Le décret rattache la Section technique de l’artillerie à la Direction de l’artillerie.

Le général de Lamothe sera nommé Inspecteur des études et expériences techniques de l’artillerie. Il préparera, à défaut de l’obusier léger qu’il n’a pu obtenir, l’utilisation en campagne des matériels anciens de siège et place qui seront employés de 1914 à 1916. Il préparera aussi la mise au point des matériels modernes qui sortiront en nombre [5] à partir de 1916.

Le général Maurin sera d’abord Directeur de l’artillerie et du train des équipagesde 1919 à 1920 et, le 2 février 1922, Inspecteur général de l’artillerie. En 1926, il est général d’armée et membre du Conseil supérieur de la guerre. L’intérêt qu’il porte à la motorisation provoque la création d’une Inspection générale de la motorisation qui vient s’ajouter à ses autres fonctions jusqu’à son passage au cadre de réserve [6] en 1934.

Durant ses douze années d’Inspecteur général de l’Arme, le général Maurin marqua l’artillerie de son empreinte.

Les études et expérimentations entamées sous sa direction aboutirent pour la D.C.A. et pour l’artillerie des ouvrages fortifiés. Les autres études se heurtèrent aux difficultés budgétaires qui ne permirent pas la fabrication des matériels qu’il souhaitait ardemment et qui auraient fait une artillerie moderne.

Mais rien n’empêcha l’action du général Maurin de s’affirmer sur l’instruction de l’artillerie : elle fut considérable et apparaît dans son Rapport annuel sur l’instruction et les écoles à feu. Avec lui, l’autocritique des manœuvres et des tirs, chère au maréchal Foch, était à l’honneur. Il favorisait l’esprit de recherche des officiers d’artillerie d’active et de réserve. Il s’intéressait particulièrement à ces derniers qui trouvaient un excellent recrutement dans les écoles scientifiques ; car il n’oubliait pas le rôle que les officiers de réserve avaient joué dans l’artillerie de la Grande guerre.

Le général Condé lui succède, comme inspecteur général de l’artillerie en 1934 jusqu’au 2 septembre 1939. À ce titre, il s’efforce en particulier d’obtenir la création d’une Aviation d’Artillerie, indépendante de l’Armée de l’Air. Malgré une décision de principe du Ministère de la Défense Nationale et de la Guerre le 1er février 1939, cette création ne pourra intervenir avant la guerre

[1] Le dernier à ce poste est Gribeauval, jusqu’à sa mort.

[2] Valée se retire dans le Loiret avant d’être rappelé en 1835, comme Directeur des poudres et salpêtres, puis en 1837, il part pour l’Algérie dont il reviendra couronné de gloire à la prise de Constantine, sera nommé Maréchal de France et gouverneur de l’Algérie jusqu’en 1841. De retour en France il meurt en 1846.

[3] Le maréchal Soult, son ministre, lui fit observer : "Le Comité est institué pour le donner, quand je le lui demande, son avis - auquel je ne suis nullement astreint à me conformer" ; reconduisant ainsi la rebuffade entre Berthier à Marmont, Clermont-Tonnerre à Valée

[4] Brève interruption lorsqu’il fut ministre des Affaires étrangères (1849-1851)

[5] Au sein du service de l’artillerie, des parcs d’artillerie sont créés en 1911. Ils sont de deux types :

  • parcs d’artillerie de corps d’armée, au nombre de 21 (dont un pour le gouvernement militaire de Paris), formés à partir des écoles d’artillerie de corps d’armée (centres d’instruction pour gradés et spécialistes) ;
  • parcs d’artillerie de places, au nombre de 29, formés par les anciennes directions de l’artillerie et leurs arrondissements ; ils sont sous l’autorité du commandant de l’artillerie du corps d’armée qui devient aussi directeur du service régional de l’artillerie.

Le commandant de l’artillerie du corps d’armée, tout en conservant la direction des services et le contrôle de l’instruction, jouera de plus en plus un rôle tactique près du commandant du corps d’armée. Il sera le coordinateur des feux des artilleries du corps et des divisions.

[6] Il sera encore ministre de la guerre, deux fois six mois (1934 et 1936).


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