L’organisation de l’Artillerie > Tome B- Approches détaillées > 6- Organisation du XIXè siécle > E- L’artillerie pour la Revanche (1871-1914) > E4- Les dernières évolutions de 1890 à 1914 >
2- Les autres matériels envisagés ou adoptés
 

Retour

La grande majorité des artilleurs croyaient détenir, avec le canon de 75mm, une avance considérable sur ses adversaires. Fort heureusement, il existait des opinions divergentes qui allaient inciter à étudier d’autres projets, dont certains seront abandonnés, mais pas tous, ce dont on allait rapidement vérifier la pertinence dès les débuts de la guerre 1914-1918.

Les autres matériels envisagés ou adoptés

Le « pom-pom »

Pour appuyer l’infanterie au plus près, le général Langlois prônait l’adoption du canon automatique de petit calibre que les Anglais nommaient « pom-pom ».

Il obtint une expérimentation de comparaison avec le 75. La commission d’expériences constata que, pour obtenir le même résultat, il faudrait un tonnage de munitions correspondant à 4 ou 5 fois celui du 75. Le ministre fit arrêter les essais et décida que la question était définitivement réglée.

L’obusier de campagne

D’autres artilleurs, tout en étant favorables à l’emploi du 75, souhaitaient néanmoins avoir un obusier moderne pour exécuter les tirs plongeants qu’ils estimaient d’autant plus nécessaires, sur le champ de bataille, que le défilement du matériel avait des partisans en nombre croissant.

La question avait déjà été soulevée en 1885 lorsque le ministre avait réclamé l’étude d’une bouche à feu de 120 à 150 mm pour agir contre les terrassements. Le capitaine Baquet, de la fonderie de Bourges, avait présenté en 1888 un projet de 120 C à bêche de crosse et frein hydropneumatique Locard. Le tube reculait dans un manchon porté par un petit affût tournant sur un grand affût. Mais la longueur du recul était faible et le canon se dépointait à chaque coup dès que la direction du tir n’était plus dans l’axe du grand affût. Ce matériel fut cependant adopté comme canon de campagne de 120 C modèle 1890.

Un matériel de même conception, du calibre de 155, également présenté par Baquet, amplifiait les défauts du 120. Mais comme il répondait à un besoin urgent il fut adopté comme canon de campagne de 155 C modèle 1890.

Les matériels Baquet, adoptés malgré leurs imperfections, constituaient un pis-aller en face des obusiers de campagne étrangers, en particulier du 105 mm allemand. Le 155 C sera rapidement remisé dans les arsenaux et n’en sortira plus.

Le 120 C modèle 1890 sera utilisé jusqu’en 1916 et puis disparaîtra.

Le matériel lourd de campagne

En 1900, on considère, que l’obusier devrait avoir une portée de 5 500m, un Vo de 100 à 300 m/s, avec une voiture pièce pesant moins de 2 000kg. En mai 1900 le général Gras, président du Comité de l’artillerie, a retenu des projets d’obusiers de 120 C dont l’un, du capitaine Rimailho, adjoint de Sainte-Claire Deville, dérivait d’un 155 C présenté en 1898.

On hésite à se lancer dans cette voie. Le 15 juin 1900, le général Deloye, directeur de l’artillerie, réclame des expériences avant toute décision. Il préfèrerait mettre tous les crédits sur le canon de campagne. Le général Gras rappelle l’insuffisance prouvée du 75 sur le personnel abrité et les fortifications de campagne, le colonel Baquet réplique que le tir à ricochet de l’obus explosif de 75 tiré à charge normale, ou, sur les contre-pentes ennemies, à charge réduite, « paraît devoir satisfaire toutes les missions ».

En 1905, le Directeur de l’artillerie (général Oudart), en accord avec le président du Comité (général Peigné), décide d’arrêter les expériences sur cet obusier.

Le canon de 155 C à tir rapide

Il existe néanmoins le projet de matériel de 155 court proposé en 1898 par le capitaine Rimailho comme matériel d’artillerie lourde d’armée. Il profite de tous les perfectionnements du 75 : bêche de crosse, frein à longue course, coulissement sur l’essieu. Sa munition comporte obus et douille séparés.

Par raison d’économie, son tube est celui du 155 C modèle 81 de Bange (obus de 43 kg - portée de 6 000m). Le tir sous grand angle posant un problème d’espace au-dessus du sol pour le recul, un dispositif permet de faire varier le freinage avec l’inclinaison du tube : le recul, de 1,40m à l’horizontale, est de 0,90 m sous 600. Les tourillons sont placés près de la culasse, ce qui amène à compenser le porte-à-faux par un équilibreur. La culasse s’ouvre pendant le recul et se verrouille en bandant un ressort ; déverrouillée, elle revient en avant en refoulant le projectile et sa douille. Pour la route le canon est décomposé en 2 fardeaux, les voitures chargées pesant chacune 2000 kg.

Le 155 Rimailho est au point en novembre 1904 et le président du Comité propose qu’il soit adopté sous le nom de 155 C modèle 1904 T.R. [1]. Le ministre approuve en juin 1906.

(JPG)

Le canon de montagne

Le principe du lancer, figurant dans un brevet Haussner, compense une partie de l’effet du recul en mettant le feu lorsque le tube a été lancé vivement vers l’avant par un ressort.

Plusieurs projets sont mis à l’étude. Celui du capitaine Baquet, d’un canon de 68 mm repris par le capitaine Ducrest et transformé en 65mm, est adopté sous le nom de canon de montagne modèle 1906.

(JPG)

Le canon comporte un frein hydraulique et un récupérateur à ressort moins puissants donc plus légers que pour un matériel classique. Sous la poussée du récupérateur, l’ensemble tube-frein se lance vers l’avant et la mise de feu s’effectue peu avant l’extrémité de la course du tube. Sous l’effet du recul, amoindri par le lancer du tube et la compression du ressort, l’ensemble tube-frein revient en arrière et s’accroche au verrou. La pièce est, de nouveau, prête à tirer.

Ce matériel, décomposable en 4 fardeaux pesant chacun environ 100kg, tire un obus de 4kg au Vo de 330 m/s.

Malheureusement, en cas de long feu l’ensemble tube-frein est arrêté brusquement sur l’affût et fait basculer l’ensemble vers l’avant, risquant d’occasionner un accident très grave si, à ce moment-là, le coup part.

Le canon de 75 des batteries à cheval

Les batteries montées étaient armées du 75 modèle 97. Les batteries à cheval avaient conservé, en attendant un matériel plus mobile, leurs canons de 80 de Bange à tir lent, mais légers.

Pour obtenir un matériel plus léger que le 75 modèle 97, il fallait sacrifier quelque chose : la puissance (calibre), la portée (longueur du tube), la stabilité (frein), ou supprimer des éléments du matériel (frein d’abattage, boucliers), ou diminuer le nombre des cartouches contenues dans les avant-trains et le caisson.

Les modèles présentés par divers officiers d’artillerie ne donnent pas satisfaction. Le problème est difficile, car le programme demande que la voiture canon (avant-train chargé) ne dépasse pas 1 400 kg, alors que ce poids est de 1 970 kg pour le 75 modèle 97.

Finalement on accepte en 1912, pour les batteries à cheval, un matériel de 75 dérivant d’un 76,2 construit par les usines Schneider pour la Russie. Il sera peu apprécié en opérations et sera vite abandonné en faveur du 75 modèle 97.

Les mitrailleuses

Le Service de l’artillerie continuait à étudier et réaliser les armes de l’infanterie. Cete dernière demandait une mitrailleuse du genre des armes automatiques qui commençaient à entrer en service à l’étranger.

Hotchkiss avait présenté une mitrailleuse à emprunt de gaz dans le canon. En expérimentation depuis 1899, elle donnait satisfaction.

L’Atelier de construction de Puteaux présentait en 1903 une mitrailleuse dont le mécanisme causait des mécomptes mais qui avait un système de réglage de la cadence de tir, alors que la Hotchkiss n’en avait pas. Cette mitrailleuse, transférée à la Manufacture de Saint-Étienne chargée de la construire, y reçut de nombreuses améliorations et, devenue « Saint-Étienne », fut adoptée sous le nom de mitrailleuse Mle 1907.

La guerre montra que cette merveille de mécanique convenait mal à l’emploi en campagne, où la poussière et la boue amenaient de fréquents enrayages. On revint vite, pour l’infanterie, à la mitrailleuse Hotchkiss, sans réglage de cadence, mais beaucoup plus rustique.

[1] T.R. pour tir rapide


____________

Base documentaire des Artilleurs