L’organisation de l’Artillerie > Tome B- Approches détaillées > 6- Organisation du XIXè siécle > E- L’artillerie pour la Revanche (1871-1914) > E3- Les réalisations de 1880 à 1890 >
5- Incidences sur la manoeuvre et le tir
 

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L’artillerie, dotée progressivement d’un matériel rayé se chargeant par la culasse, de portée accrue et tirant, avec des poudres sans fumée, des projectiles dont les fusées percutantes rendent visible l’éclatement au sol, peut maintenant aborder le problème du réglage préliminaire au tir d’efficacité et adapter sa manœuvre.

Le réglage du tir

Les notes et les manuels prescrivent en 1876 le tir d’essai pour obtenir l’encadrement, puis le tir d’amélioration pour le resserrer, et en 1879 le réglage du tir d’abord en obus percutants, puis en tir fusant pour obtenir la hauteur type, le tout permettant d’aborder avec certitude le tir d’efficacité.

Une méthode de tir de siège et place est indiquée en 1883 pour tirer sur un objectif non vu au niveau de la batterie : on utilise pour cela un but auxiliaire visible et caractéristique, dont on connaît la situation topographique par rapport à l’objectif. On fait d’abord un réglage sur le but auxiliaire et on transporte [1] ensuite le tir sur l’objectif.

Le manuel de tir de l’artillerie de campagne de 1889 expose ce qu’est la dispersion du tir. Il fait intervenir la fourchette, qui sera l’unité de variation de la hausse au cours du réglage, donnée par les tables de tir. Les bonds de 4, 2, ou une fourchette sont exécutés en agissant sur le pointage en hauteur.

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La hausse indépendante

An niveau de la pièce, un ingénieux dispositif, dit de hausse indépendante, est présenté en 1888 par le chef d’escadron de Pistoye. Il est basé sur l’observation suivante : dans une arme à tir tendu, l’angle de hausse correspondant à une certaine distance est pratiquement indépendant du site de l’objectif.

Dans le dispositif proposé, un mécanisme de hausse gradué en distances permet de donner au tube, par rapport à un support intermédiaire dans lequel il tourillonne, une inclinaison égale à l’angle de hausse correspondant.

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Ce support intermédiaire, lui, tourillonne sur l’affût, mû par un autre mécanisme qui permet de lui donner, par rapport à l’horizontale, un angle égal à l’angle de site de l’objectif. Cet angle de site peut être donné par visée directe si l’objectif est vu de la pièce. Dans le cas contraire il peut être donné avec un niveau à bulle d’air, après avoir été soit mesuré d’un point voisin soit calculé à partir de la distance et de la différence des altitudes.

Ainsi, en tir tendu, l’angle de site ayant été donné au support intermédiaire, il suffira d’agir sur le mécanisme de hausse gradué en distances pour donner très simplement et très vite au tube les angles de tir successifs nécessités par le réglage du tir, par la poursuite de l’objectif, par des tirs en profondeur, par des transports de tir, etc.

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D’autres dispositifs sont présentés, en particulier le caisson à basculement du capitaine Sainte-Claire Deville [2], qui transporte les cartouches dans une position verticale, afin que les chocs de la route ne les dessertissent pas. Une fois en batterie les cartouches passent à l’horizontale et sont ainsi facilement extraites de leur logement.

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Le défilement

L’artillerie, au début d’une bataille, « couronnait les hauteurs » pour permettre à ses pointeurs de voir les objectifs [3]. Depuis l’emploi des poudres colloïdales, les lignes d’artillerie ne sont plus voilées par les fumées que donnaient auparavant les tirs à poudre noire. Les batteries sont donc exposées à une destruction rapide par l’ennemi. [4]

Certains officiers pensaient donc à placer leurs pièces en arrière d’un pli de terrain pour les défiler aux vues ennemies (voire les lueurs et les fumées légères du départ des coups).

Les artilleurs à pied, dont les matériels étaient fixes ou peu mobiles, avaient déjà étudié les problèmes qui étaient posés par le tir (dit alors « indirect ») lorsque les pointeurs ne pouvaient pas voir l’objectif.

Ils utilisaient pour cela des outils de topographe (planchettes, alidades et réglettes) et des appareils récemment mis à l’essai comme le niveau de pointage du capitaine Danion ou le goniomètre de siège et place du capitaine Estienne.

Lorsque le chef d’escadron Rémy propose (1886), en vue du « tir indirect », un dispositif permettant de pointer une pièce dite pièce directrice et de mettre en parallélisme avec elle les autres pièces de la batterie, la Section technique de l’artillerie estime que cet officier « veut mettre la batterie absolument dans la main du capitaine comme s’il n’avait qu’un seul canon ».

Mais le président du Comité n’est pas du même avis et en fait même une question de principe : « Le tir normal de l’artillerie de campagne doit rester le tir à vue ; l’artillerie doit se préoccuper de voir le plus nettement possible son objectif et de ne recourir qu’exceptionnellement au tir indirect. »

Pourtant l’avenir donnera raison au commandant Rémy.

On s’inquiète néanmoins du risque couru par ces lignes d’artillerie en pleine vue d’un ennemi qui peut avoir un matériel plus puissant. En 1887, le Comité, invité à rechercher les formations de combat à adopter, propose [5] une solution qui n’est pas compliquée : d’« éloigner des pièces, les avant-trains et la plus grande partie des caissons, afin de les mettre à l’abri des coups tirés sur la ligne des pièces ». Jusqu’alors, en effet, les avant-trains et les caissons restaient attelés derrière les pièces. En cas de sortie de batterie rapide les servants ramenaient les pièces vers les avant- trains et les raccrochaient dans le minimum de temps.

Du moins, l’artillerie de siège et place fut dotée d’une échelle-observatoire télescopique permettant au capitaine d’observer et, en même temps, de commander sa batterie défilée. L’artillerie commanda 140 échelles modèle 1891 dues à un ingénieur, un certain Gugumus.

[1] Par des opérations de conversion des écarts en éléments topographiques, en variations des données balistiques en direction et en portée

[2] qui le reprendra pour son matériel de 75 modèle 1897

[3] en particulier l’artillerie ennemie

[4] Un duel se livrera dont le bénéfice reviendra à l’artillerie la plus forte en nombre, en cadence de tir, en calibre ou en portée.

[5] Pourtant c’était, parait-il, le lendemain de la Sainte-Barbe


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