Lors de la guerre de 1864 qui, pour le Schleswig-Holstein, avait opposé le Danemark à la Prusse et à l’Autriche, l’artillerie danoise rayée avait infligé de grosses pertes à l’infanterie autrichienne fidèle à l’ordre serré. L’infanterie prussienne, plus manœuvrière, en avait déduit des enseignements.
En 1866, la Prusse a les deux tiers de son artillerie en canons rayés se chargeant par la culasse. L’artillerie autrichienne, dont tous les canons sont rayés et se chargent par la bouche, obtient d’excellents résultats. La victoire revient aux Prussiens ; mais les déficiences de leur artillerie suscitent des plaintes amères du commandement et des fantassins. C’est, pour cette arme, un coup de fouet. Son matériel n’était pas inférieur à celui de l’Autriche, mais elle avait été engagée en ordre dispersé, souvent en retard parce que rejetée en queue des colonnes ; et puis sa technique de manœuvre et de tir avait révélé des lacunes importantes dans l’instruction des cadres et de la troupe. Le président de la Commission d’expériences d’artillerie obtint, du moins, que la totalité de l’artillerie soit armée de canons rayés ; ce ne fut pas sans difficultés car, comme en France, il y avait des partisans acharnés du canon lisse. [1]
L’Inspecteur général de l’artillerie créa une école de tir pour les officiers. Il réunit les officiers généraux et supérieurs pour les informer des études en cours. Il organisa des exercices sur la carte faisant intervenir les différentes armes, pour faire réfléchir aux problèmes tactiques, obliger le chef à décider de l’emploi qu’il veut faire des projectiles de son artillerie et l’artilleur à chercher la meilleure manière de satisfaire l’idée du chef.
En France, on tire, des succès de notre artillerie en Italie, un raisonnement simpliste : « Notre artillerie a surclassé celle de l’Autriche ; celle-ci a surclassé celle de la Prusse ; donc nous surclassons cette dernière. » Ce syllogisme provoque l’optimisme à l’échelon du gouvernement. Il rassure le Comité, qui continue posément ses expérimentations sur le métal des canons, le chargement par la culasse et les fusées d’obus. Il est vrai que le ministre n’était pas pressé de mettre à l’étude un système d’artillerie tenant compte des possibilités nouvelles. La fabrication du fusil Chassepot absorbait les esprits, le travail des ateliers et les crédits.
[1] Les Lettres sur l’artillerie du prince de Hohenlohe racontent qu’un général de haut rang avait tellement en haine les pièces rayées qu’il exigea qu’à ses obsèques les coups de canons d’usage fussent tirés par des pièces lisses.