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6- Nouveautés dans l’artillerie de la Marine
 

En 1822, parut un ouvrage : « Nouvelle force maritime et artillerie, et application de cette force à quelques parties du service de l’armée de terre. » Le chef de bataillon Paixhans, du dépôt central de l’artillerie, y formulait des propositions sur le tir des navires qui furent à l’origine d’un important progrès dans la marine mais qui intéressaient aussi l’armée.

l. Au lieu de tirer à boulets pleins sur un vaisseau, soit pour le démâter, soit pour percer sa coque d’un trou du diamètre du boulet, dont la faible surface peut être rapidement colmatée, mieux vaut tirer un obus (boulet explosif) dans sa coque : les dégâts sur la coque sont supérieurs à ceux du boulet plein et peuvent, si l’obus éclate à l’intérieur, être désastreux ;

2. Au lieu de chercher à augmenter le calibre des canons de marine, dont le poids, l’encombrement et les réactions de recul sont déjà considérables, mieux vaudrait utiliser un obusier plus léger tirant horizontalement ;

3. Au lieu de vaisseaux de haut-bord, mieux vaudrait armer ainsi des vaisseaux plus légers, manœuvrant rapidement et armés de plusieurs pièces du plus gros calibre qu’ils puissent porter.

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La marine fit immédiatement commencer des essais sur les propositions de Paixhans par une Commission royale de l’Académie des sciences où figurait Marmont, ancien président du Comité de l’artillerie. Un obusier de 86 (220 mm) fut tiré à Brest devant la Commission, qui émit un avis favorable. Ainsi Paixhans avait proposé un canon tirant un obus, le canon-obusier ; personne ne remarqua que, par sa troisième proposition, cet artilleur avait imaginé le croiseur de bataille.

Le canon-obusier tire un obus chargé de poudre à grande capacité de chargement. La commission de Gâvres, disposant des ressources importantes de l’arsenal de Lorient, cherche à augmenter l’efficacité du projectile à l’impact, en remplaçant le boulet creux par un projectile oblong qui, pour le même calibre, pèse environ deux fois plus et transporte plus d’explosif.

Pour qu’un tel projectile soit stable il faut lui donner un mouvement de rotation convenable autour de son axe ; d’où les travaux de la commission de Gâvres sur l’artillerie rayée, conduits, pour la partie mathématique avec la collaboration du balisticien Hélie, ancien officier d’artillerie, pour la partie technique avec celle du chef d’escadron Treüille de Beaulieu, de l’artillerie de terre [1].

Ce dernier est déjà connu pour une machine à rayer les canons de fusil et pour un « fusil à trous », première ébauche d’un frein de bouche réduisant le recul d’une arme à feu par la réaction des gaz que des évents percés à l’avant du tube rejettent vers l’arrière. Comme directeur de l’Atelier de précision, il a réalisé un mode de frettage, un canon de 105mm non rayé se chargeant par la culasse et, pour la Marine, des pièces rayées dont l’une, la Marie-Jeanne, est munie d’un frein de bouche dérivant du fusil à trous. [2]

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L’artillerie de terre était intéressée directement, car la lutte contre les vaisseaux de guerre concernait son artillerie de côte. Ainsi un officier de l’artillerie de terre avait fait faire un progrès notable à l’artillerie de la marine, mais aussi à l’artillerie de terre. Le canon de côte de 30 du système Valée tirera aussi des obus.

A cette époque, les matériels de marine correspondants sont construits dans les fonderies d’ Indret, Ruelle et Nevers, où l’artillerie de la marine joue le même rôle que le service de l’artillerie de terre dans les établissements de la guerre. C’est un premier pas vers une collaboration qui se révèlera très fructueuse dans un proche avenir.

[1] L’artillerie était encore armée des matériels du système Mle 1827, équipés de tubes Gribeauval, dont la balistique n’avait pas profité des progrès récents. Si la fabrication des carabines et fusils rayés s’était peu à peu affirmée, les tentatives effectuées au début du siècle pour construire des bouches à feu rayées n’avaient pas abouti.
Le balisticien anglais Robins avait écrit : « La Nation où les armées feront usage de canons rayés aura acquis sur les autres une supériorité quant à l’artillerie égale à celle que pourraient lui donner toutes les inventions faites jusqu’à présent pour perfectionner les armes de tous genres » ; mais il faudra attendre que les progrès de l’industrie permettent la mise au point de ces matériels.

[2] Malgré de nouveaux essais du Capitaine de Place en 1889, ce frein ne pourra être fabriqué utilement que plus tard, lorsque les progrès techniques autoriseront la réalisation d’un dispositif plus convenable.


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