Les grands maîtres de l’artillerie exercent autant leur "maîtrise" sur toutes les artilleries : celles de "terre" et celle de la Marine Après l’échec de fusion de ces deux entités, tentée par Choiseul, chacune reprend son destin, s’accordant des prérogatives tour à tour déléguées ou contestées (comme la garde des côtes). Il faudra attendre la Restauration pour trouver une solution durable.
Depuis longtemps, des canons avaient été montés sur des navires, d’abord à l’avant et à l’arrière des galères. Déjà sous Charles V (1338-1380), qui régna de 1364 à 1380, l’amiral Jean de Vienne avait harcelé les rivages et les navires anglais avec une flotte de « nefs de guerre » armées de bombardes.
Vers 1530, Jacques Galiot de Genouillac, Grand maître de l’artillerie, armait un galion de 7 couleuvrines, de 200 boulets et de barils de poudre. En 1534, un commissaire du Grand maître était chargé de l’armement en bouches à feu de la nef « La Françoise ».
La création des sabords avait permis le tir de flanc et, vers 1550, on trouvait en France deux commissaires d’artillerie, dépendant du Grand maître, détachés à la marine royale qui consistait surtout en navires de commerce armés de canons au moment du besoin.
En 1621, Richelieu, Grand maître de la navigation et du commerce, commande à un fondeur soixante canons. Il a, en effet, décidé de faire construire des vaisseaux de haut-bord armés de canons qui seront servis par des compagnies franches réunies en 1626 dans un Régiment de la Marine. Dans les ports, les commissaires du Grand maître de l’artillerie, assistés de lieutenants canonniers, fondeurs, charpentiers et contrôleurs, sont chargés de la fabrication, de l’installation, de la réparation et du service des matériels d’artillerie.
Le régiment de la Marine eut des malheurs : il fit naufrage... Les rescapés furent transformés, en 1635, en infanterie de terre et formèrent le régiment du Cardinal-Duc qui reprit en 1636 son nom de régiment de la Marine tout en continuant à faire partie de l’armée de terre. Ce sera l’ancêtre du 11e régiment d’infanterie. Le régiment des Vaisseaux, qui lui avait succédé, deviendra lui aussi régiment de terre (en 1669). [1]
En 1645, les commissaires du Grand maître reçoivent la charge de « lieutenant d’artillerie de la marine » pour commander l’artillerie à bord des vaisseaux avec leurs officiers adjoints, les maîtres canonniers, et quelques canonniers dépendant également du Grand maître. Plus tard ils obtiendront le commandement des galiotes à bombes.
L’ordonnance du 16 février 1692 crée le Corps de l’artillerie de la marine, fusionnant les gens du Grand maître et ceux du personnel marin : officiers de vaisseau et apprentis-canonniers. Le Corps assure le service de l’artillerie de la marine dans les ports, l’instruction des canonniers-marins, le service des mortiers dans les escadres et le commandement de l’artillerie dans les débarquements. [2]
En 1706, l’artillerie de la marine reçoit l’assimilation de ses grades avec ceux de l’armée de terre. Ses officiers étaient jusqu’alors classés dans le « petit état » de la marine, les officiers de vaisseau étant sur le « grand état » (ou « grand corps ») et ayant, à grade égal, le commandement. Cette discrimination disparaît en 1741.
Après l’échec d’une tentative, par Choiseul, de fusion avec l’artillerie de l’armée de terre, l’artillerie de la marine revient à son département dans un Corps royal d’artillerie et d’infanterie de la marine à trois brigades.
En 1772, est formé un Corps royal de la marine qui doit assurer la sûreté et la police dans les ports, les arsenaux et à bord des vaisseaux. Il a 8 régiments et une compagnie de canonniers, une de bombardiers et sept de fusiliers. L’ordonnance créant ce corps indique que les officiers de marine chargés de l’encadrer « trouveront ainsi une occupation qui maintiendra parmi eux une exacte discipline pendant le temps qu’ils sont à terre ».
En 1774, ce corps éphémère laisse la place à un Corps royal d’infanterie de la marine. L’artillerie conserve les directions des ports et le commandement des compagnies de bombardiers ; mais les officiers de vaisseau ont autorité sur les directions des ports et leur artillerie.
La guerre d’ Indépendance de États-Unis a montré que le matériel des vaisseaux français était inférieur au matériel anglais et qu’il était médiocrement servi. D’où la création en 1784 du Corps royal d’artillerie des colonies, dépendant de l’artillerie de la marine, mais formé par prélèvements sur le Corps royal de l’artillerie de l’armée (terre) et par les canonniers et bombardiers des colonies. Il sera composé d’un régiment de 5 brigades à 4 compagnies, de 3 compagnies d’ouvriers et d’une école à Lorient. Dans des directions et établissements du service, les officiers de vaisseau sont remplacés par des officiers de l’artillerie de la marine.
La direction de ce corps est confiée au brigadier Manson, adjoint de Gribeauval. Quittant l’armée de terre, il adapte les tables de construction de Gribeauval aux canons de fer de la marine et crée le système Mle 1786.
La création du Corps des colonies était une façon élégante d’éliminer, avec le mot « marine », la suprématie des officiers de vaisseau dans le service de l’artillerie tout en gardant cette artillerie sous la coupe du ministre de la Marine, qui était également chargé des Colonies. Il fallait cependant assurer le tir des pièces de bord : ce fut le rôle du Corps royal des canonniers-matelots.
Le devenir de cette artillerie trouve sa suite pendant la Révolution et l’Empire.
[1] et, en 1791, le 43e régiment d’infanterie.
[2] Des Ecoles d’artillerie de la marine ont été créées en 1666 dans les ports de guerre.