L’organisation de l’Artillerie > Tome B- Approches détaillées > 6- Organisation du XIXè siécle > A- L’artillerie du Premier Empire >
5- Les figures célèbres
 

Marmont (1774-1852)

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De Viesse de Marmont fut le seul maréchal de l’Empire vraiment issu de l’artillerie. [1] Marmont lui-même, on l’a vu, n’avait pas voulu rester trop attaché à l’artillerie, et son élévation au maréchalat était peut-être due, pour une part, à l’amitié que Napoléon portait à son ancien aide de camp. Lorsque, après Wagram, Macdonald, Oudinot et Marmont furent faits maréchaux, on chantonnait, dans les bivouacs :

La France a nommé Macdonald,
L’armée a nommé Oudinot,
L’amitié a nommé Marmont.

Lauriston (1768-1828)

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Law de Lauriston, petit-neveu du célèbre financier fut, avec Marmont, le seul artilleur à commander un corps d’armée sous l’Empire. Condisciple de Bonaparte à l’École militaire de Paris, il devint son aide de camp, commanda l’artillerie de la Garde en 1808 et un corps d’armée en 1813. Sous la Restauration il fut élevé à la dignité de maréchal de France et devint ministre de la Guerre.

Duroc (1772-1813)

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De Michel du Roc, fils d’un capitaine de dragons, était condisciple de Marmont à l’École de Châlons. Il la quitta pour émigrer ; mais il revint au bout de trois mois. Il commanda un régiment d’artillerie légère en 1800 puis, pris comme aide de camp par Bonaparte, il ne le quitta plus. A la création de l’Empire il devint grand maréchal du Palais et fut tué d’un boulet près de Leipzig en 1813, très regretté de Napoléon.

Foy (1775-1825)

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Lui aussi, issu de l’École de Châlons. En 1800, Moreau le jugeait « excellent officier d’artillerie ». Il servit longtemps dans l’artillerie à cheval dont il commanda brillamment un régiment et dont il était un partisan passionné. Il prit une brigade d’infanterie en 1808 et, général de division en 1811, il fut nommé Inspecteur général de l’infanterie en 1814. Sa carrière fut probablement ralentie par le caractère frondeur qui le conduisit à être, sous la Restauration, un des chefs de file de l’opposition républicaine et bonapartiste.

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Deux artilleurs de cette époque ne sont connus que pour leurs écrits : Courier et Laclos.

Courier (1772-1825)

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Paul-Louis Courier était sorti de l’École de Châlons. Pamphlétaire assez hargneux contre la Restauration, il avait peu de talent comme artilleur. Griois, qui l’avait connu aux armées, disait même que, « comme militaire, il était absolument nul, et son caractère ni ses goûts ne pouvaient se plier à l’exactitude du métier, non plus qu’aux études et aux occupations qu’il exige ». Courier démissionna en 1808. L’année suivante il voulut reprendre du service et rejoignit la Grande Armée à l’île Lobau avant Wagram. Il n’avait pas de cheval. Il voulut en obtenir un de Lariboisière. Celui-ci avait probablement, alors, des occupations plus pressantes et le lui dit. Courier, mécontent, repartit pour Paris et ne dut qu’à la bienveillance de ses camarades de ne pas être poursuivi comme déserteur.

Choderlos de Laclos (1741-1803)

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Laclos, lui, avait écrit, Les Liaisons dangereuses (1782), pour se « désennuyer », disait-il, de la monotonie de la vie de garnison qu’il menait, n’ayant pu prendre part ni à la guerre de Sept Ans ni à celle d’ Indépendance d’Amérique. Le succès de cette œuvre lui avait valu, en même temps que la célébrité, des ennuis certains, ce qui, on l’a vu, ne l’avait pas empêché de faire à nouveau scandale en publiant un ouvrage très critique sur Vauban. Il quitta l’armée avant la Révolution pour intriguer auprès du duc d’Orléans, le futur Philippe-Égalité. Il reprit du service en 1791 et prouva, dès lors, qu’il était aussi un excellent artilleur. Pourquoi pas ?

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Si aucun artilleur « pur » n’est parvenu au maréchalat sous l’Empire, c’est peut-être parce que les artilleurs manifestaient cet esprit frondeur que le colonel Noël signalait dans ses Souvenirs militaires en disant que, dans l’artillerie, on n’était « pas content » de la proclamation de l’Empire. Balzac, dans La duchesse de Langeais, en exposait clairement les conséquences : « Les craintes inspirées à l’Empereur par une réunion d’hommes souvent accoutumés à réfléchir s’opposaient à la fortune militaire de la plupart d’entre eux. » Ces hommes « accoutumés à réfléchir » pensaient ce que Paul-Louis Courier exprimait dans une courte phrase : « Être Bonaparte et se faire Sire ! »

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Cependant, bien des artilleurs de cette époque ont eu une carrière sinon éblouissante du moins riche des rôles qui leur ont été confiés et des services qu’ils ont rendus.

Eblé (1759-1812)

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Éblé, que Foy estimait « probablement le meilleur officier d’artillerie d’Europe » [2], était né en 1758 d’un père lui-même artilleur. Engagé à quinze ans au régiment d’Auxonne, il devint bas-officier puis officier. Détaché pendant quatre années au service du roi de Naples, il revint en France en 1791. En 1792, il fut affecté à l’une des compagnies d’artillerie à cheval qui venaient d’être créées. Commandant l’artillerie d’une division à l’armée du Nord il prit part à la bataille de Hondschoote (1793). Général de brigade puis de division, puis inspecteur général de l’artillerie en 1794, il fut l’artilleur de Pichegru pour la conquête des Pays-Bas, puis celui de Moreau à l’armée de Rhin-et-Moselle pour le franchissement du Rhin (1796). En 1797, il fut chargé de la mise sur pied des compagnies de pontonniers nouvellement créées. Mis à la disposition de Championnet pour l’expédition de Naples, il reprit ensuite le commandement de l’artillerie de l’armée du Rhin sous Moreau et participa en 1800 aux victoires d’ Hochstaedt et de Hohenlinden.

En 1803, il commande l’artillerie de l’armée de Batavie sous Victor, puis sous Marmont, et en 1804 il passe au Hanovre sous les ordres de Mortier. A Austerlitz il commande l’artillerie du corps de Bernadotte. En 1808, il devient ministre de la Guerre du royaume de Westphalie créé pour Jérôme Bonaparte. En 1810, il commande, au Portugal, l’artillerie de Masséna et prend une part prépondérante au siège de Ciudad-Rodrigo. Rappelé en France en 1812, il est désigné pour commander les équipages de pont de la Grande Armée en Russie. Pendant la retraite il improvisera le franchissement de la Berezina et mourra d’épuisement un mois après, à Koenigsberg, sans avoir appris que Napoléon l’a désigné pour succéder à Lariboisière comme Premier inspecteur général de l’artillerie.

Lariboisière (1759-1812)

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Baston de Lariboisière, né à Fougères en 1759, s’engagea au régiment de La Fère en 1780. Lieutenant en second en 1781, il est, de grade en grade, chef de brigade en 1796. Il fait partie en 1796 du comité central de l’artillerie dont il est le plus jeune membre. Directeur général de l’artillerie de l’armée du Rhin sous les ordres d’Éblé, il est à Hohenlinden. Général de brigade, il commande en 1805, au corps de Soult, l’artillerie qui, du haut du plateau de Pratzen, assurera jusqu’à la limite de portée de ses boulets la poursuite de l’ennemi en retraite, que Murat, trop engagé dans la bataille, ne peut entreprendre avec la cavalerie. Il participe à la campagne d’Iéna (1806). A Eylau (1807) il commande l’artillerie du corps de Victor. Dans toutes ses batailles il applique ce qu’il appelle son système dont il dit : « L’essentiel... est que toute mon artillerie puisse se déplacer à bras, sans le secours des chevaux et des machines, qu’on puisse, en un court instant, rassembler vingt ou trente pièces pour battre le même objectif. » C’est, en effet, à l’époque, le seul moyen d’obtenir une concentration, base d’une efficace manœuvre des feux. Général de division et commandant de l’artillerie de la Garde, il sert en Espagne puis en revient pour prendre part à la campagne d’Autriche. Premier inspecteur général de l’artillerie à la mort de Songis, il est le seul confident de Napoléon pour la préparation de l’artillerie de la Grande Armée, dont il prendra le commandement pendant la campagne de Russie. Au retour de cette campagne, il meurt de fatigue à Koenigsberg le 21 décembre 1812.

Sénarmont (1769-1810)

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Hureau de Sénarmont est né en 1769 à Strasbourg, d’un père qui avait été artilleur de Bussy aux Indes et le second de d’Aboville à Valmy. Il entre à l’École d’artillerie de Metz en 1784. Lieutenant en 1785, affecté en 1791 à une compagnie d’ouvriers comme capitaine, il obtient le commandement de l’équipage de pont de l’armée des Ardennes, s’y distingue et est cité à l’ordre de l’armée. Chef de bataillon en 1794, il sert à l’armée de Sambre-et-Meuse. Chef d’état-major de Marmont à l’artillerie de l’armée de réserve en 1800, il a la charge du franchissement des Alpes. C’est lui qui passe de nuit avec la première pièce sous les feux du fort de Bard. Promu colonel après Marengo, il est affecté à la direction de Douai, puis il commande le 6e régiment d’artillerie à pied avant de devenir chef d’état-major de l’artillerie de l’armée du camp de Boulogne. A Austerlitz il occupe avec 18 pièces le mamelon qui interdit la route par laquelle l’armée russe de Bagration arrive d’Olmütz. Il y joue un rôle capital. Il est général de brigade en 1806, malgré la remarque que l’Empereur lui a faite l’année précédente : « Vous êtes bien jeune », et sa réponse : « Sire, j’ai votre âge. » Il commande l’artillerie du 7e corps à Iéna, puis à Eylau où son action est très remarquée. Il prend ensuite l’artillerie du 1er corps et joue un rôle important à Friedland. En Espagne, il est engagé au col de Somo-Sierra dans une lutte inégale avec l’artillerie espagnole, plus nombreuse et bien retranchée ; il est tiré d’affaire par une charge des lanciers polonais. Nommé général de division en 1808 il devient commandant en chef de l’artillerie des armées d’Espagne.

A Talavera (28 juillet 1809) c’est surtout l’artillerie, commandée par Sénarmont, qui met hors de combat 7 à 8000 Anglo-Espagnols. A la bataille d’Ocana, il manœuvre avec ses compagnies à cheval, écrase l’artillerie adverse et contribue d’une manière décisive à la victoire. Au siège de Cadix (1810) où il est secondé par l’aîné des frères d’Aboville, il visite ses batteries lorsqu’un boulet passé par une embrasure le blesse mortellement. « C’était, à tout prendre, a écrit Foy, la perte la plus grande que le corps impérial de l’artillerie pût faire en ce moment. »

Drouot (1774-1847)

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Drouot, après son brillant examen devant Laplace en 1793, est lieutenant au 1er régiment d’artillerie à pied. Il est remarqué par Moreau quand, devant Dunkerque, commandant sa compagnie en l’absence du capitaine et du lieutenant en premier, il pousse ses pièces sur une position battue par le feu de l’ennemi d’où il peut intervenir efficacement contre l’artillerie adverse. Son avancement est lent pour l’époque, en raison, probablement, de ses affectations dans des places, des manufactures ou aux Antilles pendant que d’autres sont à Austerlitz. Chef de bataillon en 1806, il obtient enfin un poste aux armées. Il part pour l’Espagne sous les ordres de Lariboisière. Il est assez remarqué pour passer dans la Garde comme commandant de l’artillerie à pied. A partir de ce moment sa destinée se lie à celle de la Garde et de Napoléon. A Wagram, on l’a vu, Napoléon demande : « Où est Drouot ? Allons, les pièces de la Garde ! Il faut à tout prix soutenir la colonne... » Blessé au pied, Drouot garde son commandement jusqu’à la fin de la bataille. Il est nommé colonel de la Garde. Il sera général de brigade en 1810.

Pendant la retraite de Russie son ascendant lui vaut le surnom de « sage de la Grande Armée ». C’est lui qui tire les derniers coups de la campagne à Wilna le 10 décembre 1812 : il ne lui restait plus que cinq pièces quoiqu’il eût sacrifié ses propres chevaux pour atteler des canons.

L’Empereur le prend comme aide de camp mais lui donnera souvent le commandement de l’artillerie. A Lützen, trouvant que les premières pièces mises en batterie n’ont pas l’efficacité qu’il en attendait, Napoléon prend Drouot par l’oreille et le secoue vivement mais ne répond rien lorsque Drouot, d’un ton calme, le défie de mieux placer les pièces.

Général de division en septembre, Drouot force, le 30 octobre, le passage de Hanau avec 50 bouches à feu et deux bataillons de la Vieille Garde ; et l’Empereur lui dit : « Eh bien ! fameux canonnier, vous avez fait de bonne besogne aujourd’hui ! » Il fait dans les mêmes conditions la campagne de France. Lacordaire, dans son éloge funèbre, dira : « La France fut étonnée d’apprendre, au bruit des campagnes de 1813 et 1814, qu’elle possédait depuis longtemps le premier officier d’artillerie d’Europe. »

Fidèle à Napoléon, Drouot le suivit à l’île d’Elbe dont il fut le gouverneur. N’ayant pu le dissuader de revenir en France, il le suivit. Après Waterloo il ramena la Garde aux environs de Bourges dans l’ordre et la discipline. Il n’en quitta le commandement que pour se constituer prisonnier, ayant déclaré à quelqu’un qui lui conseillait de fuir : « Je ne pourrais dormir sur l’oreiller d’un émigré. » Il fut, d’ailleurs, acquitté et prit sa retraite à Nancy. Refusant les honneurs, il y mourut en 1847, sans peut-être avoir su que Napoléon avait dit à Sainte-Hélène : « Il n’y avait pas, je crois, dans le monde deux hommes pareils à Murat pour la cavalerie et Drouot pour l’artillerie. »

[1] Victor avait servi dix ans dans l’artillerie royale ; mais il l’avait quittée en 1791 et n’était revenu au service qu’avec les volontaires. Grouchy avait été élève à l’école d’artillerie de Strasbourg en 1780 : mais dès l’année suivante il était passé dans la cavalerie.

[2] « le premier d’Europe sans conteste », écrivait même Gassendi


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