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3- Gros effort de production d’armememt
 

La fabrication des armements

On connaît la célèbre loi du 23 août 1793 instituant la levée en masse dans des termes bien caractéristiques du style de l’époque :

« ... Tous les Français sont en réquisition permanente pour le service des armées. Les jeunes gens iront au combat ; les hommes mariés forgeront les armes et transporteront les subsistances ; les femmes feront des tentes, des habits et serviront dans les hôpitaux ; les enfants mettront les vieux linges en charpie ; les vieillards se feront porter sur les places publiques pour enflammer le courage des guerriers, exciter à la haine contre les rois et recommander l’unité de la République... »

Cette phraséologie ne doit pas nous cacher l’extraordinaire effort de production d’armement, conduit principalement, auprès de Carnot, par Prieur de la Côte d’Or, avec l’aide du marquis de Montalembert, le fondateur de l’atelier de Ruelle. Il s’est agi d’une véritable « mobilisation industrielle » improvisée. Pour équiper les volontaires on manquait en particulier d’armes et de poudre. De plus, les manufactures d’armes et les fonderies étaient pour la plupart aux frontières, donc menacées par l’avance ennemie. La seule manufacture d’armes blanches était à Obernai. Les deux fonderies de bronze étaient à Douai et à Strasbourg. Quant aux manufactures d’armes, elles étaient à Saint-Étienne, Tulle, Charleville et Maubeuge. L’Assemblée législative en avait créé une à Moulins en 1791, mais en 1793 Maubeuge était aux mains de l’ennemi et Saint-Etienne était occupé par les fédéralistes du Lyonnais.

Les ateliers furent multipliés : pour les armes blanches, des manufactures furent créées à Châtellerault, Langres, Thiers et Grenoble. Pour obtenir les fonderies de bronze nécessaires à la fabrication des canons, on transforma une quinzaine de fonderies de fonte, notamment Le Creusot, Romilly-sur-Andelle et la fonderie des frères Perier à Chaillot. Pour les armes d’infanterie, Prieur mit sur pied la manufacture d’armes de Paris et une dizaine d’autres, dont une à Versailles et une autre à Bergerac. Pour que ces manufactures se consacrent entièrement à la fabrication d’armes neuves, on constitua des compagnies d’armuriers qui étaient détachées dans les arsenaux et remettaient en état sur place les armes à réparer.

Pour avoir, dans ces ateliers, des moniteurs qualifiés, on créa l’École des armes où les plus grands savants de l’époque enseignèrent et rédigèrent des traités à l’usage des ouvriers de ces ateliers. Ainsi Monge écrivit une Description de l’art de fabriquer les canons dans laquelle il préconisait de substituer le moulage en sable au moulage en terre. Il écrivit aussi, en collaboration avec Berthollet, un Avis aux ouvriers en fer pour la fabrication des canons de fusil.

Cet effort considérable produisit rapidement ses fruits. Il fallait 500 000 fusils. Six mois après le décret, dans la décade du 21 au 30 ventôse an III, la seule manufacture de Paris fabriquait 2699 fusils neufs et en réparait 1497. Elle arriva à fabriquer 140 000 fusils neufs par an. Les fonderies de bronze coulèrent 7 000 bouches à feu par an.

Le salpêtre manquait pour la fabrication de la poudre. Avant 1789, il provenait pour moitié des Indes par l’intermédiaire d’importateurs anglais. Cette source étant tarie, la régie estimait pouvoir extraire annuellement un million de livres et, quels que fussent ses efforts, pensait ne pas pouvoir dépasser cinq millions de production annuelle ; or les besoins étaient estimés à dix-sept millions.

La loi du 23 août avait prescrit de lessiver le sol des caves pour en extraire le salpêtre. On forma des personnels pour cette extraction en leur faisant donner, par des agents de la régie, « une instruction courte et simple... Toutes les demeures des hommes et des animaux, écrivait J.-B. Biot en 1803, furent fouillées. On chercha du salpêtre jusque dans les ruines de Lyon, et l’on dut recueillir la soude dans les forêts de Vendée ». On parvint ainsi à extraire douze millions de livres de salpêtre en neuf mois.

Pour fabriquer la poudre on utilisa les chaudières en cuivre employées à la fabrication de la bière et au raffinage du sucre. On substitua aux moulins à poudre, qui faisaient défaut, des tonneaux que des hommes faisaient rouler et où le charbon, le soufre et le salpêtre étaient mêlés avec des boules de cuivre.

L’effort d’armement se porta également dans d’autres domaines : on expérimenta à La Fère, en août 1793, des projectiles incendiaires sous la direction de Choderlos de Laclos. On créa à Meudon en 1794 une manufacture d’obus et de projectiles incendiaires qui devaient être jetés de ballon : d’où la création à Meudon d’une école d’aérostiers qui fut fermée, d’ailleurs, un an plus tard. Enfin, toujours à Meudon, on réalisa des projectiles à ceinture métallique, pour diminuer le « vent » ; mais cette tentative n’eut pas, à l’époque, d’application pratique.

Il faut également signaler le perfectionnement de l’artillerie de montagne réalisé sous l’impulsion de Faultrier en 1795 à l’armée d’Italie. « Aux pièces de 3 piémontaises, assez légères pour être portées à dos de mulet mais de calibre ne pouvant satisfaire à tous les besoins, il ajouta, selon l’expérience de la campagne de Corse en 1769, des affûts traîneaux et des leviers porte-corps, qui avaient servi pour le transport des pièces de 4. Ce moyen fut adapté pour les pièces de 8, de 12 et les obusiers de 6 pouces. Ainsi un train d’artillerie de 24 pièces put suivre l’armée dans toutes ses opérations dans les montagnes » (Montholon).


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