Une réorganisation de l’artillerie s’imposait à nouveau.
Le maréchal de Belle-Isle l’entreprit lorsqu’il fut nommé Secrétaire d’état à la guerre en 1758.
L’ordonnance du 8 décembre 1755 qui supprimait la Grande maîtrise, déclarait que Sa Majesté jugeait convenable « de prendre elle-même l’administration de ce corps (l’Artillerie de France) et d’unir l’artillerie avec le génie ». Ainsi avaient été réunis en un seul corps les 321 officiers de l’artillerie qui dépendaient jusqu’alors du Grand maître, les 365 officiers du régiment royal de l’artillerie et les 300 officiers ingénieurs.
Ainsi avait été constitué le Corps royal de l’artillerie et du génie, peut-être pour donner plus de cohérence entre les moyens d’attaque et les moyens de défense des places, peut-être pour économiser des cadres, certainement pour supprimer la Grande maîtrise de l’artillerie.
Mais l’expérience avait vite montré que les officiers d’artillerie et ceux du génie n’étaient pas interchangeables, et dès le mois de mai 1758 on décida de revenir à la séparation des deux armes.
En novembre 1758, Belle-Isle augmenta les effectifs de Royal artillerie. Depuis décembre 1756, le Corps avait reçu un sixième bataillon (à Auxonne), une sixième compagnie de mineurs et une sixième compagnie d’ouvriers : au total il comptait alors 963 officiers et 5 400 hommes pourl’artillerie et le génie fusionnés.
Belle-Isle porta ces effectifs, pour l’artillerie seule, à 5 520 hommes et 636 officiers, plus 50 élèves à l’école des élèves créée en 1756 à La Fère. Les six bataillons devinrent six brigades comprenant chacune cinq compagnies de canonniers, deux de bombardiers et une d’ouvriers. A la suite de chaque brigade se trouvaient une compagnie de mineurs et une de sapeurs.
L’encadrement était toujours très riche, du moins sur le papier : dans chaque compagnie un capitaine en premier et 6 officiers, sauf dans les compagnies de mineurs (1 capitaine et 5 officiers) et de sapeurs (l capitaine et 3 officiers) [1]. En outre, le chef de brigade avait à son état-major un colonel, un lieutenant-colonel et un major avec deux aides.
En plus des 50 élèves, chaque école de garnison avait 16 sous-lieutenants à instruire. Cet encadrement était moins riche qu’il paraît, car plus de 130 officiers comptant dans les unités étaient détachés pour servir dans les places, arsenaux et manufactures.
La charge de Grand maître de l’artillerie ayant été supprimée en 1756 à la suite de la démission du comte d’Eu, Belle-Isle créa sept postes d’inspecteurs généraux de l’artillerie, dont le premier avait le titre de directeur général de l’artillerie sans pour autant avoir autorité sur les autres inspecteurs généraux ; ce fut le fils de Vallière, Joseph de Vallière, qui eut ce titre de directeur général.
Quand le maréchal de Belle-Isle mourut, en janvier 1761, il n’avait qu’amorcé la réorganisation de l’artillerie. Il avait sérieusement développé ce corps, mais il le laissait doté d’effectifs encore insuffisants.
La guerre, qui imposait de faire flèche de tout bois, interdisait la réalisation d’une refonte des matériels, et Belle-Isle n’avait pas pu donner à l’artillerie française cette mobilité qu’il estimait indispensable : ce sera son successeur, Choiseul, qui, avec l’aide de Gribeauval, l’imposera.
[1] Les compagnies de sapeurs furent détachées du Corps royal en 1759 et 1760, les compagnies de mineurs de 1759 à 1761.