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1800- Militarisation des charrois
 

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Texte extrait de l’"Histoire de l’artillerie française" de Michel Lombarès [1] - édition Charles-Lavauzelle 1984.

La militarisation des charrois

Dès les premiers jours de son entrée en fonctions comme Premier consul, Bonaparte écrit au Comité central de l’artillerie pour lui demander un compte rendu de son activité. Elle n’a pas été négligeable. En particulier, quelques jours avant le 18 brumaire le comité avait approuvé un projet de militarisation des charrois.

Depuis longtemps beaucoup jugeaient nécessaire cette militarisation. Dès 1793, la Convention avait résilié les contrats passés avec les entrepreneurs de charrois et créé une régie. Ce système n’avait pas donné satisfaction et on avait donc eu recours à nouveau aux entreprises, dont les charretiers reçurent le sobriquet de « houzards de Lenchère », du nom du principal entrepreneur. En mars 1795, on donna à ces charretiers un uniforme ; mais les inconvénients de ce système ne pouvaient que réapparaître. Éblé, alors commandant de l’artillerie de l’armée du nord-est, écrivait en 1796 au ministre de la guerre pour se plaindre que les « employés des équipages d’artillerie » échappaient à son autorité. Il signalait des prévarications et des « abus monstrueux... qui ont ruiné la République » et qu’il n’avait pas pouvoir de réprimer. Il concluait à la nécessité de militariser ces personnels. Bonaparte avait, on l’a vu, partiellement réalisé cette militarisation au cours de la campagne d’Italie en 1796, puis en Égypte.

Mais tous les esprits n’étaient pas préparés à cette réforme. Certains estimaient encore, écrivait Lespinasse, que ce serait « ravaler le soldat » que de militariser les charretiers. Le Premier consul, épaulé par Lespinasse et par Marmont (à l’époque Conseiller d’état), balaya les oppositions ; un arrêté consulaire du 13 nivôse an VIII (3 janvier 1800) créa les « bataillons du train d’artillerie ». Chaque bataillon était composé de cinq compagnies, l’une d’élite à 80 hommes « de préférence attachée au service de l’artillerie à cheval », les quatre autres à 60 hommes. Les compagnies étaient commandées par des sous-officiers, les bataillons par des capitaines, parce que, a écrit Marmont, « ce service est essentiellement secondaire et subordonné » ; mais il ajoutait : « on reconnut plus tard que l’administration de 150 chevaux exigeait un grade plus élevé et l’on fit commander les compagnies par des lieutenants ».

La mise sur pied de ces bataillons incomba aux généraux d’artillerie : reprise des chevaux aux entreprises, organisation du service vétérinaire, reconstitution presque complète du harnachement, choix des personnels. Les cadres furent recrutés autant que possible parmi les employés des entreprises, à condition qu’ils eussent participé à la guerre.

Ces personnels mirent du temps à se faire accepter comme combattants : malgré les protestations d’Éblé, on refusait aux officiers le port de l’épaulette. Ce n’est qu’au cours des campagnes, et sous l’impulsion du futur maréchal Valée, nommé Inspecteur général du train d’artillerie en 1805, que ce train d’artillerie fut reconnu comme véritablement militaire, ce qui conduisit Napoléon à militariser en 1807 les autres formations de transport de l’armée.

Encore cette solution n’emporta-t-elle pas l’adhésion de tous. Gouvion Saint-Cyr, dans ses Mémoires sur les campagnes des armées du Rhin et de Rhin-et-Moselle, regrettait le temps de ces charretiers qui « étaient pour la plupart des fils de fermiers, ou tout au moins des gens de la campagne, accoutumés à conduire et gouverner les chevaux ; de sorte qu’à leur arrivée on n’avait presque rien à leur apprendre... Ils sont remplacés aujourd’hui par les soldats du train ; la plupart sont recrutés dans les villes et n’ont jamais conduit de chevaux... Il faut plus de temps pour les instruire et leur donner une tournure militaire ».

[1] et les généraux R ; Renauld et Cazelles, Boussarie et COULLOUMME-LABARTHE


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