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Jules, Emile, Eugène PAGEZY
 

Jules, Emile, Eugène PAGEZY

J.E.E. PAGEZY [1] est né à Montpellier le 19/9/1876, de Jacques, Henri, Jules PAGEZY (docteur en droit, banquier) et Louise, Julie, Camille des HOURS, ses parents légitimes. Petit-fils de Henry PAGEZY et de Louise LICHTENSTEIN, arrière petit-fils de Jean LICHTENSTEIN et Jeanne Henriette BAZILLE, il est issu d’une famille de notables protestants, d’origine cévenole [2].

Il effectue ses études primaires et secondaires à Montpellier.

Engagé volontaire pour 3 ans le 15 octobre 1894. Il entre à l’Ecole Polytechnique le 1/11/1894, classé 17/211, et en sort en 1896 classé 50/212. Il choisit se servir dans l’Artillerie (13°/100).

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Sous-lieutenant élève à l’École d’application de l’Artillerie et du Génie, le 1/10/1896, en stage au 22° régiment d’artillerie (RA) le 3/18/1898.

Lieutenant en second, affecté au 18° RA, 7ème batterie, le 1/10/1898.

Il suit les cours de l’École de cavalerie du 10/10/1900 au 7/8/1901 en qualité d’officier d’instruction.

Mention obtenue : « Très bien ».

Affecté comme lieutenant en second au 18°RA (4ème batterie) le 7/8/1901.

Lieutenant en second puis en premier, affecté au 23° RA (11ème batterie, 4ème batterie) du 24/10/1902 au 23/12/1907.

Affecté le 24/12/1907 au 34° RA, faisant fonction d’instructeur d’équitation. Y passe capitaine le 24/12/1908.

Affecté le 11/1/1910, au 8° RA à Lunéville (2° Division de cavalerie), comme capitaine en second.

Il suit le Cours pratique de tir au camp de Mailly, du 19/4 au 8/4/1911. Mention générale : « Très bien ».

Dès 1904, Eugène Pagezy s’est distingué par ses qualités de technicien et de théoricien, en rédigeant un premier ouvrage sur les « Erreurs de pointage du canon de 75 » qui a fait référence. En 1907, il a traité des « télémètres », en 1908 du « Pointage et du tir de nuit » qui l’ont fait remarquer et féliciter par les plus hautes autorités françaises. Il a publié notamment :

  • « Sur l’amplitude des bonds successifs à faire dans la recherche d’une fourchette » (Berger-Levrault 1908),
  • « En marge de la théorie des aéroplanes » (1910),
  • « L’imitation du vol et l’avion » (1911),
  • « L’ellipse d’éclatement » (1912),
  • « Étude sur le tir » (Berger-Levrault 1912).

Très tôt, Pagezy a éprouvé un vif intérêt pour l’aéroplane dont il a perçu les vastes possibilités et il a publié en 1909, dans la « Revue de l’artillerie », un article intitulé « En marge de la théorie des aéroplanes » qui a été édité chez Berger-Levrault, en 1910.

Pagezy est affecté, le 23/4/1914, au 10° RA à Lunéville, comme capitaine adjudant-major, chargé de la mobilisation. Le 1 er août 1914, alors qu’en stage à Lunéville au 2ème Bataillon de Chasseurs à pied il s’apprêtait à entrer à l’Ecole de Guerre où il avait été reçu, il est nommé à Dinan comme commandant de la 6ème batterie du 10° RA, régiment constitué à la mobilisation et composé de réservistes bretons. C’est à la tête de son unité qu’il s’illustre par son exemple et son courage, d’abord en août en Belgique puis en septembre 1914, en France (3 blessures de guerre).

Le 21 septembre 1914, il prend par intérim le commandement du 1er Groupe du 50°RA et il y est nommé chef d’escadron à titre temporaire, le 13 octobre 1914. Son groupe passe à l’Artillerie divisionnaire de la 131° Division d’infanterie le 8/7/1915. Il est une nouvelle fois blessé (légèrement) par une balle de mitrailleuse, le 19 août, dans la tranchée de Marie Thérèse (région de Brienne-le-Chateau).

Au début de la guerre, en butte aux survols des aéroplanes d’observation auxquels on essaie de faire face tant bien que mal par des tirs d’infanterie ou avec les canons d’artillerie de campagne montés sur affût de fortune, il a réfléchi aux mesures à prendre pour effectuer correctement des tirs contre-aéronefs.

Au cours de l’hiver 1914-1915, il a rédigé un mémoire qui pose pour la première fois et de façon nette et scientifique, les principes du tir contre aéronef. Ce document a été transmis au Ministre de la guerre, le 1/5/1915. Le général Sainte-Claire Deville, Inspecteur de l’artillerie, a prescrit de s’en inspirer pour la rédaction de « l’Instruction provisoire sur le tir antiaérien et manœuvre de la pièce ».

Le 19 août 1915, Pagezy est nommé à la tête de l’artillerie de la 2° Division de cavalerie (formée par les Volants du 8°RA), engagée dans le secteur de Burnhaupt-le-Haut et Leimbach. Il rejoint son poste le 5 septembre.

Le 1/2/1916, restant administrativement affecté au 50° RA, il est placé à la Présidence de la Commission d’études pratique du tir contre objectifs aériens et il est désigné simultanément pour prendre la direction du Centre d‘instruction du tir contre aéronefs (qui a été créé le 28/6/1915, à Arnouville-lès-Gonesse). Il est nommé chef d’escadron à titre définitif, le 1/6/1916.

C’est à ce poste qu’il va développer ses idées et faire notablement progresser les techniques de tir antiaérien. Sa réflexion est fondée sur l’idée qu’il convient de préférer à l’étude des données de tir (site, gisement et distance de la cible) celle d’éléments dits « moins variant » que sont l’altitude de l’aéronef, sa direction et sa vitesse. Il affirme que « Un tir contre aéronef ne se règle pas, il se prépare ».

Assisté de collaborateurs passionnés et inventifs, il perfectionne les méthodes de tir et participe à l’invention des premiers appareils de mesure des paramètres de vol et de préparation des tirs : altimètres, télémètres, correcteurs, etc. Sous son magistère (il professe de temps à autre), des centaines d’officiers affectés à la DCA vont passer par Arnouville-lès-Gonesse et garderont pour le personnage une confiance et une admiration exceptionnelles.

Le 20 octobre 1917, en plus des fonctions précitées, il est le premier commandant du 63ème régiment d’artillerie, unité créée à cette date et qui réunit toutes les formations de DCA des Armées. Ce régiment a un rôle purement administratif et n’est pas doté d’un étendard, mais il est en charge de la « direction technique » (i.e. Emploi du matériel, Méthodes de tir), de la gestion logistique, de l’administration de tous les personnels des unités de DCA en service dans les Armées du Nord, de l’Est et d’Orient (qui étaient jusque là rattachés au 62°RA).

Dans les mois qui suivent, Pagezy s’emploie à visiter les unités du Front, à assister aux tirs, à conseiller, guider, convaincre. Il applique ses idées à l’amélioration de l’efficacité du tir de nuit, au développement de méthodes de tir indirect.

Il est nommé lieutenant-colonel, à titre temporaire, le 20/10/1917.

Lorsque la DCA est instituée en « Service » (comme l’est déjà l’Aéronautique), le 3/6/1918, son commandement est confié à un artilleur, le LCL Beaune, qui est directement rattaché au général aide-major général, chef du Service de l’aéronautique au Grand Quartier général. Dans chaque Armée, les unités de DCA dépendent désormais de l’officier commandant la DCA de cette Armée. Le 63°RA est alors scindé en deux.

Aussi, le 1er mai, Pagezy a-t-il écrit-il au Ministre de la Guerre en ces termes : « J’ai l’honneur de vous demander de me remettre là où j’ai toujours demandé à rester, c’est-à-dire à la tête d’une troupe qui se bat ». Il quitte le commandement du 63°RA, le 22/7/1918, mais il est néanmoins maintenu Directeur du centre d’Arnouville-lès-Gonesse et Président de la Commission d’études du tir contre objectifs antiaériens.

Le 5 mars 1919, une Décision ministérielle crée un Bureau de DCA à la 12ème Direction du Ministère de la guerre [3], sous l’autorité de laquelle sont placés, dès le 22 mars suivant, la Commission d’études pratiques du tir contre objectifs aériens, le Cours pratique de tir contre objectifs aériens d’Avord et le Centre d’Organisation d’Artillerie Antiaérienne d’Arnouville. C’en est fini de la fonction officielle de Pagezy dans la DCA.

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Il est classé « hors cadres, DCA » le 24/5/ 1919 et il est nommé lieutenant-colonel à titre définitif, le 23/9/1919.

Toujours placé hors cadre DCA, il est d’abord affecté au 1° RDCA (régiment de défense contre avions) puis au 13° RA et il en est détaché comme stagiaire à l’Ecole Supérieure de Guerre, du 2/11/1919 au 30/10/1920. Il y obtient le Brevet d’état-major.

Il est affecté au 1er Bureau de l’État-major de l’armée, Section des matériels de guerre, le 23/10/1922.

Il suit le cours de franchissement de grade de colonel (Mailly, Versailles, Valdahon) en 1923. Il est promu colonel, le 25 mars 1924.

Il prend le commandement du 28°RA divisionnaire, le 9/2/1925, à Wiesbaden puis à Mayence. Quoique restant affecté à cette formation, il prend par intérim le commandement de l‘artillerie de la 37° Division, le 9/1/1926. Il conserve ce commandement lorsqu’il est nommé général de brigade, le 23/11/1927.

Début 1928, il suit l’enseignement du Centre des Hautes Études militaires.

Après la guerre, Pagezy a continué d’approfondir ses théories sur le tir antiaérien, il a poursuivi ses travaux sur l’amélioration des matériels, les a publié dans plusieurs mémoires et a prononcé de nombreuses conférences au cours desquelles il a fait part de sa conviction de l’importance de la DCA dans les conflits modernes et il a montré sa préscience des événements futurs. Parmi ses ouvrages édités après la guerre figurent notamment :

  • « Tir contre avions et DCA » (préface du général Herr, 1925),
  • "L’emploi du canon de 75 comme canon d’accompagnement," (Revue militaire française, janvier-mars 1927),
  • « L’observation unilatérale : en marge des règlements sur le tir ». (1928).

Le 17/7/1928, Pagezy est nommé commandant de l’artillerie de la 16ème Région militaire et il y est promu général de division, le 11/7/1931.

Il est placé à la tête de la 31ème Division d’infanterie de Montpellier, le 4/11/1931.

En parallèle, en coopération avec Riberolles (redevenu Ingénieur civil), il met au point un appareil électrique de préparation de tir antiaérien qui sera officiellement adopté en 1934 sous l’appellation de « Poste central de tir direct modèle 1934 ».

Le 23/7/1934, il prend le commandement de la 18ème Région militaire à Bordeaux ; c’est alors qu’il connait de sérieux problèmes de santé.

Le 9 avril 1935, il est nommé au Comité technique du Génie et de la Commission des régions fortifiées. Il profite de temps libres pour effectuer des études sur l’artillerie des fortifications.

Le 1/1/1936, il est détaché au Ministère de l’air, auprès du général Vice-président du Conseil supérieur de l’air et Inspecteur général de la Défense Antiaérienne du Territoire (IGDAT) ; il y rend de grands services comme conseiller technique en matière de DCA. « L’atteinte portée à sa santé en 1935, si elle lui a laissé une certaine difficulté de parole, a laissé aussi lucide sa belle intelligence ».

Le 29/5/1937, restant affecté auprès de l’IGDAT, il est de plus accrédité auprès de la Section technique de l’artillerie et de la Commission d’études pratiques de DCA.

Il quitte le service actif, le 19 septembre 1938. « Au cours des derniers mois, le général Pagezy s’est fait le promoteur et l’ardent propagandiste de nouvelles méthodes de tir antiaérien. Avec toute son intelligence restée très lucide et une belle clairvoyance de l’avenir, il s’est attaché à adapter l’artillerie antiaérienne à la rapidité des moyens aériens. Il est ainsi resté comme toujours, un grand serviteur du Pays, qui lui doit toute sa reconnaissance. » (Appréciation portée par le général Vuillemin, CEMAA & IGDAT, 20/11/1938).

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Blessures de guerre :

Le 29/8/1914, par éclat d’obus, au cours du combat d’Aubigny, près de SAINS (plaie dans la région lombaire). Le 10/9/1914, dans le combat de PUISIEUX (Brulures multiples du cuir chevelu et des mains avec surdité de l’oreille gauche), par explosion de cartouches contenues dans un caisson. Le 20/9/1914, par plusieurs éclats d’obus, dans le combat de La NEUVILLETTE (une douzaine de plaies dans la région dorsale).

Lettres et témoignages officiels de satisfaction.

  • Remerciements du ministre de la guerre, transmis par le général inspecteur de l’artillerie, pour une étude sur les erreurs de pointage du canon de 75, Lettre du 11/10/1904.
    -  Témoignage de satisfaction du ministre de la guerre, en date du 22/5/1905 pour une étude sur diverses questions de pointage et de tir, notamment pour les tirs de nuit.
  • Lette de félicitations du ministre de la guerre, en date du 29/11/1907 pour une étude sur les télémètres.
  • Lette de félicitations du ministre de la guerre, en date du 22/5/1908 pour une étude diverses questions de pointage et de tir.
  • Lettre de félicitations du 1/12/1915, au sujet d’un Mémoire sur le 75 contre avions, présenté en avril 1915.
  • Lette de félicitations du ministre de la guerre, en date du 20/2/1924 pour un mémoire intitulé « Inventions destinées à faciliter le tir indirect des canons contre avions »
  • Lettre de félicitations du 30/6/1930, pour la « conception et la réalisation d’un calculateur mécanique très intéressant et très ingénieux, destiné au canon de 75. »

Décorations françaises :

  • Croix de guerre 1914-1918 ; 2 citations à l’ordre de l’armée (1/11/1914, 13/8/1919)
  • Chevalier LH : 11/1/1916. Officier LH : 16/6/1920. Commandeur LH : 29/12/1932. Grand officier LH : 30/6/1938.
  • Officier d’académie.
  • Médaille commémorative de la Grande Guerre.
  • Médaille commémorative de la Victoire.

Décorations étrangères :

  • Chevalier de l’Ordre de Léopold de Belgique.
  • Distinguished Service Order britannique.
  • Army Distinguished Service Medal américaine.

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Il est décédé à Montpellier (où il est inhumé), le 15 février 1939.

Il avait épousé Suzanne, Mathilde PEYRECAVE le 17/8/1909, qui lui a donné trois enfants :

  • Simone, née en 1910,
  • Maurice (1913-1985),
  • Philippe, né le 5/4/1917, X 1936, lieutenant, fusillé par les Allemands en 1944, inhumé à Montpellier.

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Voici la liste établie en octobre 1918 et transmise au Ministre de l’Armement, par Pagezy lui-même, en ces termes : « Les appareils dont je crois avoir indiqué le premier le principe et les principales dispositions de détail soit seul soit en collaboration avec d’autres officiers sont les suivants :

  • 1- Goniographes et sitogoniographes (certaines variantes de ces appareils sont dues à l’Atelier de Puteaux). J’ai été aidé par le capitaine GANIERE.
  • 2- Appareils de pointage du 105 puissant du Creusot en collaboration avec le capitaine RIBEROLLES. Nous avons été aidés pour certains dispositifs par le commandant BRICARD.
  • 3- Correcteur mécanique R.A. en collaboration avec le commandant ROUTIN et le commandant BRICARD.
  • 4- Goniotachymètres d’autocanons.
  • 5- Correcteur automatique du télémètre d’altitude. Réalisé par le commandant BRICARD.
  • 6- Tachyscope d’altitude.
  • 7- Altimètre à fil en collaboration avec le commandant BRICARD.
  • 8- Cylindre abaque pour plateforme 1915 en collaboration avec le commandant BRICARD.
  • 9- Table lumineuse de recoupement pour le tir de nuit. Réalisée par le commandant BRICARD.
  • 10- Plateaux de vent et parallaxe.
  • 11- Grilles et rateaux d’observation.
  • 12- Correcteur P.B. pour mitrailleuses. Réalisé par le commandant BRICARD.
  • 13- Parties importantes de l’altimètre monostatique B.P. (appareil dû presque en au commandant BRICARD).
  • 14- Calculateur automatique des éléments de tir pour tir à terre (en construction).
  • 15- Multiplicateur correcteur permettant aux autocanons d’utiliser les vitesses angulaires données par des compteurs (non adopté).

J’ai d’autre part rédigé les règlements suivants :

  • Instruction su r le tir du 15/8/1916 et du 1/10/1917.
  • Instruction sur le tir au son du 26/2/1918.
  • Règlement provisoire de manœuvre de plateforme du 28/1/1917, en collaboration avec le capitaine LÉVY.
  • Règlement provisoire de manœuvre d’autocanon du 21/3/1917, en collaboration avec le commandant SAUVALLE ».

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[1] Il est décrit comme étant un homme de taille moyenne (1,69 m), aux cheveux blonds, yeux bleus, nez et bouches moyens, menton rond, visage ovale.

[2] son oncle David Jules PAGEZY a été nommé en 1852, maire de Montpellier par Napoléon III, élu député de 1863 à 1869, sénateur de 1873 à 1879. Jacques PAGEZY est le frère du général Eugène, Henri, Jacques PAGEZY (X 1893, 1875-1946) et de Jean Henri PAGEZY (X 1913, 1894-1970).

[3] La 12° Direction (ou Direction de l’aéronautique) a été créée le 3/12/1913. Depuis 1917, elle dépend du Sous- secrétaire d’Etat à l’aéronautique militaire et maritime.


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