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1860- L’artillerie du corps expéditionnaire en Chine
 

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Essai de Monsieur Scherer, sur cet épisode en Chine, où l’artillerie française était présente et étonnante d’efficacité.

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L’artillerie du corps expéditionnaire en Chine

Plan du document

  • Note préliminaire 1
  • Les guerres de l’opium 1
  • Le corps expéditionnaire français 3
  • Le débarquement à Pétang et la prise du camp retranché de Tang-Kho 7
  • La prise des fort de Takou 13
  • La marche sur Pékin et l’occupation de Tientsin 17
  • Le 21 septembre 1860 : la bataille de Palikao 19
  • Le sac du palais d’été et l’occupation de Pékin 22
  • Epilogue 25
  • Conclusion 26
  • L’artillerie du corps expéditionnaire 27
  • L’état-major de l’artillerie 27
  • Les troupes d’artillerie 27
  • Autres unités d’artillerie 38
  • Annexe 1 : carte des opérations 41
  • Annexe 2 : carte de la bataille de Palikao 42
  • Sources principales 43

Les guerres de l’opium

A la suite de la première guerre de l’opium, les britanniques obligent la Chine à signer le 29 aout 1842 le traité de Nankin. Ce traité leur permet de faire librement le commerce de l’opium avec l’ouverture de 5 ports aux européens dont celui de Shanghai. Les européens gagnent de nouvelles possibilités commerciales dans un pays auquel ils n’avaient encore qu’un accès restreint ou militaire. Il proclame aussi la cession de l’île de Hong Kong au Royaume-Uni.

Néanmoins le commerce de l’opium reste illégal dans le reste de l’empire. Les dirigeants de Canton (Guangzhou) font condamner à mort tout étranger suspecté ou accusé de participer au commerce d’opium. Pour favoriser ce commerce, la Grande-Bretagne demande en 1854 une révision du « Traité de Nankin » selon 4 points :

  • Pouvoir entrer sans hostilités dans Canton.
  • Pouvoir étendre librement le commerce à la Chine du Nord et le long du fleuve Yangzi.
  • Légalisation du commerce de l’opium.
  • Traitement des affaires commerciales et politiques directement avec Pékin.

Cette demande, soutenue par la France et les États-Unis, est refusée par le gouvernement de l’empereur Xianfeng, de la dynastie mandchoue des Qing, au pouvoir depuis 1850. Les puissances occidentales estiment alors que seul un conflit pourrait amener l’empire à changer de position.

L’arraisonnement le 8 octobre 1856 par les chinois d’un navire battant pavillon anglais, l’Arrow, suspecté de piraterie et de trafic d’opium ; ainsi que la mise à mort d’un missionnaire français, Auguste Chappedelaine, fournissent au Premier ministre anglais Palmerston et à l’empereur Napoléon III le prétexte pour intervenir. Cette affaire est connue sous la dénomination de «  seconde guerre de l’opium ».

Le 23 octobre 1856, cinq milles soldats anglais investissent Canton, mais sont repoussés.

En 1857 des bateaux français et anglais bombardent la ville de Canton. En décembre 1857, après de nombreux bombardement, les troupes anglaises et françaises occupent Canton.

Le gouvernement chinois ne cédant pas, l’expédition franco-anglaise reçoit l’ordre au mois de mai de se diriger vers le nord. Elle arrive dans le golfe de Petchili (golfe de Bohai), à l’embouchure du Pei-ho, qui conduit à Pékin. L’entrée du Pei-ho est défendue par les forts de Takou, et la rivière est barrée. Une nombreuse garnison garde ces ouvrages de défense. La cour chinoise, confiante, décide de résister. Début juin, la flotte ouvre le feu. Les fortifications, criblées de boulets et d’obus, deviennent intenables, et lorsque, au bout d’une heure, les compagnies de débarquement sont mises à terre, elles enlèvent la place presque sans coup férir. Les forts sont pris et désarmés. Les occidentaux avancent alors sur Tientsin, ville située entre Pékin et la côte.

L’empereur Xianfeng avec sa cour quitte Pékin, menacée. C’est son frère qui négocie le traité de Tientsin signé le 26 juin 1858 qui a pour conséquence :

  • L’ouverture de 10 nouveaux ports au commerce occidental.
  • Le Royaume-Uni, la France, la Russie et les Etats-Unis auront le droit d’établir des missions diplomatiques à Pékin.
  • Le droit pour tous les navires étrangers, y compris les navires commerciaux, de naviguer librement sur le Yangzi Jiang. Le droit pour les étrangers de voyager dans les régions intérieures de la Chine dont ils étaient jusqu’à présent bannis.
  • La Chine doit payer une indemnité au Royaume-Uni et à la France de deux millions de taels d’argent chacune.
  • La Chine doit payer une indemnité aux marchands britanniques de deux millions de taels d’argent pour destruction de leurs propriétés.

L’Empire Qing, déjà mis en grande difficulté par la révolte des Taiping (1851), n’est pas en mesure de résister. Le gouvernement chinois est contraint d’accepter même si cet épisode est vécu par les chinois comme une nouvelle humiliation.

Les négociations se poursuivent et, en novembre 1858, le gouvernement central autorise la légalisation du commerce de l’opium. Les Chinois acceptent aussi que les droits de douane soient extrêmement faibles et que la gestion des douanes passe sous contrôle étranger.

Cet acte diplomatique, connu sous le nom de traité de 1858, doit être ratifié solennellement à Pékin en 1859, l’une des clauses stipulant l’envoi et la résidence à poste fixe dans cette ville d’un représentant de chacune des deux puissances occidentales. Néanmoins, tout en l’acceptant, le gouvernement chinois a toutefois l’intention de ne jamais l’exécuter, se donnant du temps pour se renforcer et pouvoir résister ultérieurement aux occidentaux.

Le 20 juin 1859, une flotte anglo-française, commandée par l’amiral anglais Hope, escorte les représentants anglais et français et se présente à l’embouchure du Pei-ho pour ratifier le traité à Pékin. Mais le passage est fermé par des estacades. Devant le refus de la garnison chinoise de laisser libre le passage, la flotte occidentale décide de forcer le passage à partir du 24 juin. Le 25 juin, l’artillerie des forts du Takou entre en action. Ces forts que les alliés avaient occupés en 1858, ont été réarmés.

L’artillerie chinoise met à mal les navires engagés dans l’estuaire. Les troupes alliées doivent alors se retirer sous le feu de la garnison chinoise, déplorant la perte de nombreux morts et blessés, dont l’amiral Hope, 450 anglais, 15 français. Trois canonnières sont coulées et une autre dizaine de bâtiments sont endommagés. Les troupes coalisées se replient sur Shangaï.

L’intervention franco-britannique est inévitable et une expédition combinée est décidée.

Le corps expéditionnaire français

A partir du 5 décembre 1859, la flotte française quitte l’Europe en direction de la Chine. Le vice-amiral Charner est responsable de la conduite et de la direction des navires, de la Cochinchine et du corps d’occupation de Canton.

Le corps expéditionnaire français est le suivant :

  • Commandant en chef : général de division Cousin de Montauban. Responsable des opérations de guerre sur terre.
  • Chef d’état-major : lieutenant - colonel Schmitz.
  • Commandant l’artillerie : colonel de Bentzmann (commandant du 10° régiment).
  • Commandant le génie : Lieutenant - colonel Deroulède Dupré.
  • 1° brigade : général de brigade Jamin.
    • 101° RI (2 bataillons) : colonel Pouget.
    • 2° BCP (bataillon de chasseurs à pied) : chef de bataillon Guillot de la Poterie.
  • 2° brigade : général de brigade Collineau.
    • 102° RI (2 bataillons) : colonel O’Malley.
    • Eléments du 3° Régiment d’infanterie de Marine formant 2 bataillons (8 compagnies) : colonel de Vassoigne.
    • Cavalerie : détachement mixte de 30 chasseurs d’Afrique (2° régiment) et 30 Spahis.
  • Troupes artillerie du corps expéditionnaire :
    • 10° batterie (pièces de 4) du 7° régiment : capitaine Bernadet.
    • 7° batterie (pièces de 12) du 8° régiment : capitaine Dispot.
    • 1° batterie (pièces de 12) du 9° régiment : capitaine Marie puis capitaine Jamont.
    • 3° batterie (pièces de 4) du 10° régiment : capitaine Coatpont de Bescond.
    • 11° compagnie du 6° régiment de pontonniers : capitaine Schnéegans.
    • 1° section de fuséens de la 4° batterie du 12° régiment : capitaine Delaroze.
    • Une section de la 2° compagnie d’armuriers : capitaine en 2° Ganier.
    • Une section de la 5° compagnie d’ouvriers d’artillerie (lieutenant en 2° Vieu) et une section de la 3° compagnie d’ouvriers d’artillerie.
    • Une batterie (pièces de 4 de montagne) servie par des marins de la flotte d’expédition : enseigne de Vaisseau Le Brethon (de la frégate La Forte).

Pour l’ordre de bataille des troupes de l’artillerie, la réforme de l’artillerie du 20 février 1860 apporte des modifications dans la dénomination des unités. Si le 6° régiment (11° compagnie), les détachements d’ouvriers (une section des 3° et 5° compagnies) et d’armuriers (section de la 2° compagnie), ne sont pas modifiés ; les batteries des 7°, 8°, 9° et 10° d’artillerie changent de dénomination comme suit :

  • la 10° batterie du 7° régiment devient la 9° batterie (pièces de 4) du 16° d’artillerie ;
  • la 7° batterie du 8° régiment devient la 9° batterie (pièces de 12) du 14° d’artillerie ;
  • la 1° batterie du 9° régiment devient la 10° batterie (pièces de 12) du 14° d’artillerie ;
  • la 3° batterie du 10° régiment devient la 10° batterie (pièces de 4) du 16° d’artillerie ;
  • La 1° section de fuséens de la 4° batterie du 12° régiment devient la 1° section de fuséens de la 9° batterie du même régiment.

La batterie de fusées du 12° régiment est la seule unité de l’artillerie française dotée de fusées.

Les troupes françaises comportent environ 8000 hommes dont 5600 pour l’infanterie, 1200 pour l’artillerie et 300 pour le Génie. Un bataillon de 6 compagnies de débarquement de marins de la flotte sera ultérieurement adjoint à la brigade Collineau. L’artillerie française est dotée de 600 coups par pièces, de 1000 fusées de campagne et de 1000 fusées de siège.

Le corps expéditionnaire anglais comprend près de 13 000 hommes dont une brigade de cavalerie. [1]

Les troupes et le matériel d’artillerie français sont transportés, avec d’autres corps de troupes, sur les navires suivants :

  • Le Calvados : 10° batterie du 7° régiment.
  • Le Jura : officiers de l’état-major de l’artillerie, pontonniers (11° compagnie du 6° régiment), l° batterie du 9°, 3° batterie du 10° et harnachement pour l’artillerie.
  • La Nièvre : 2 officiers d’artillerie, éléments de la 2° compagnie d’armuriers (1 officier et 13 hommes) et le matériel d’une batterie de 4 de montagne.
  • La Loire : 9 officiers d’artillerie, pontonniers (11° compagnie du 6° régiment), le matériel de 2 batteries d’artillerie, une de quatre et l’autre de douze.
  • Le Rhin : 7 ouvriers d’artillerie, le matériel de 2 batteries d’artillerie, une de quatre et l’autre de douze.
  • L’Isère : 8 ouvriers d’artillerie et matériel divers dont harnachement pour l’artillerie.
  • La Reine des Clippers : 7° batterie du 8° d’artillerie ; section de fuséens de la 4° batterie du 12° d’artillerie.
  • Le Duperré : éléments de la 2° compagnie d’armuriers (1 officier et 32 hommes).

Les péripéties du voyage et les différentes phases des combats sont à consulter sur le document de référence :

  • Le débarquement à Pétang et la prise des fort de Takou.
  • La marche sur Pékin et l’occupation de Tientsin.
  • Le 21 septembre 1860 : la bataille de Palikao.
  • Le sac du palais d’été et l’occupation de Pékin.

Le 18 octobre, les anglais incendient, sur ordre de Lord Elgin, ambassadeur d’Angleterre, en représailles des tortures infligées aux émissaires européens, le Palais d’Eté de l’Empereur. Le Palais met trois jours à se consumer. Le prince Kong, craignant de nouvelles représailles, accepte le traité, dit de Pékin, qui est signé le 25 octobre.

Pékin reste inoccupé par des troupes alliées qui sont établies à l’extérieur des murailles. Du 26 au 28 octobre, les corps des prisonniers alliés torturés et exécutés par les chinois dont le lieutenant-colonel d’artillerie Charles Foullon De Grandchamps sont enterrés.

Le 1° novembre, le corps expéditionnaire quitte Pékin pour s’installer entre Tientsin et les forts de Takou, sur les bords du Pei-hô. Il est prévu qu’une partie du corps expéditionnaire hiverne à Shangaï. Puis un détachement est constitué pour envoyer un corps expéditionnaire en Cochinchine, mais c’est une autre histoire...

Epilogue

Ce traité a des conséquences catastrophiques pour la Chine. Elle doit en effet légaliser le commerce de l’opium, autoriser les navires étrangers à naviguer sur le Yang-Tseu-Kiang, accorder tous les droits civils aux chrétiens, ouvrir l’ensemble de son territoire aux missionnaires ainsi qu’aux voyageurs occidentaux et payer de fortes indemnités aux vainqueurs. Le gouvernement chinois concède aussi aux britanniques un agrandissement de la colonie de Hong-Kong. Les européens présents en Chine se voient accorder le privilège de l’extraterritorialité. Ils ne peuvent être jugés que par leur propre consul et en aucun cas par les chinois. Dans les ports qui leur sont ouverts, les occidentaux établissent des concessions administrées par des fonctionnaires européens. En dépit de révoltes locales ou de sursauts patriotiques, l’exploitation de la Chine allait perdurer pendant un demi-siècle, jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale et la chute de la dynastie Qing. Les russes se font accorder le 14 novembre 1860 la rive gauche de l’Amour, ainsi que, le long de l’océan Pacifique, la région qui s’étend de l’embouchure du fleuve Amour, au nord, à la Corée, au sud. Cette région devient leur « Province maritime » et pour s’en assurer le contrôle, ils construisent une capitale portuaire nommée Vladivostok. La Corée à déclaré son indépendance comme beaucoup d’autre régions du grand empire de Chine.

Sources principales

  • Expédition de Chine par Paul Varin (Michel Lévy frères, 1862).
  • L’Expédition de Chine en 1860. Souvenirs du général Cousin de Montauban, comte de Palikao, publiés par son petit-fils, le comte de Palikao (1932, librairie Plon).
  • Journal de la campagne de Chine (1859-1860-1861) par Charles Mutrécy (Bourdilliat et compagnie, 1861).
  • Relation de l’expédition de Chine par le lieutenant de vaisseau Pallud (Imprimerie impériale, 1863).
  • Lettres intimes sur la campagne de Chine en 1860 par Armand Lucy (Jules Barile imprimeur, 1861).
  • Historique du 12° régiment d’artillerie : 1834-1890 (éditions Berger-Levrault, 1890).
  • http://18edelignesecondempire.clicforum.fr/index.php : remerciements au site dédié au Second Empire.

[1] Le corps expéditionnaire anglais, sous le commandement du général Sir Hope Grant, comprend près de 13 000 hommes, dont une brigade de cavalerie, le tout formant deux divisions :
1° division : major-général Sir John Mitchell.

  • 1° brigade : colonel Staveley (1° et 31° régiments).
  • 2° brigade : colonel Sulton (2° et 60° régiment, 15° régiment pundjab-indien).
    Une compagnie et demie du Génie, deux batteries dont une dotée d’Armstrong de 12 livres.

2° division : major-général Sir Robert Napier.

  • 3° brigade : colonel Jepheson (3° et 44° régiment, 8° régiment pundjab-indien).
  • 4° brigade : colonel Reeves (67° et 99° régiments, 19° régiment pundjab-indien).
    Une compagnie du Génie, deux batteries dont une dotée d’Armstrong de 12 livres.
    Cavalerie : colonel Pattle (2 escadrons de dragons anglais, cavaliers sikhs, une batterie d’artillerie).
    Réserve d’artillerie : une batterie de siège.

    Les canons Armstrong sont de puissants et modernes canons rayés à chargement par la culasse conçus par William Armstrong et construits en Angleterre à partir de 1855 par l’Elswick Ordnance Company et le Royal Arsenal de Woolwich.

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