Essai de Monsieur Scherer, sur cet épisode en Chine, où l’artillerie française était présente et étonnante d’efficacité.
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A la suite de la première guerre de l’opium, les britanniques obligent la Chine à signer le 29 aout 1842 le traité de Nankin. Ce traité leur permet de faire librement le commerce de l’opium avec l’ouverture de 5 ports aux européens dont celui de Shanghai. Les européens gagnent de nouvelles possibilités commerciales dans un pays auquel ils n’avaient encore qu’un accès restreint ou militaire. Il proclame aussi la cession de l’île de Hong Kong au Royaume-Uni.
Néanmoins le commerce de l’opium reste illégal dans le reste de l’empire. Les dirigeants de Canton (Guangzhou) font condamner à mort tout étranger suspecté ou accusé de participer au commerce d’opium. Pour favoriser ce commerce, la Grande-Bretagne demande en 1854 une révision du « Traité de Nankin » selon 4 points :
Cette demande, soutenue par la France et les États-Unis, est refusée par le gouvernement de l’empereur Xianfeng, de la dynastie mandchoue des Qing, au pouvoir depuis 1850. Les puissances occidentales estiment alors que seul un conflit pourrait amener l’empire à changer de position.
L’arraisonnement le 8 octobre 1856 par les chinois d’un navire battant pavillon anglais, l’Arrow, suspecté de piraterie et de trafic d’opium ; ainsi que la mise à mort d’un missionnaire français, Auguste Chappedelaine, fournissent au Premier ministre anglais Palmerston et à l’empereur Napoléon III le prétexte pour intervenir. Cette affaire est connue sous la dénomination de « seconde guerre de l’opium ».
Le 23 octobre 1856, cinq milles soldats anglais investissent Canton, mais sont repoussés.
En 1857 des bateaux français et anglais bombardent la ville de Canton. En décembre 1857, après de nombreux bombardement, les troupes anglaises et françaises occupent Canton.
Le gouvernement chinois ne cédant pas, l’expédition franco-anglaise reçoit l’ordre au mois de mai de se diriger vers le nord. Elle arrive dans le golfe de Petchili (golfe de Bohai), à l’embouchure du Pei-ho, qui conduit à Pékin. L’entrée du Pei-ho est défendue par les forts de Takou, et la rivière est barrée. Une nombreuse garnison garde ces ouvrages de défense. La cour chinoise, confiante, décide de résister. Début juin, la flotte ouvre le feu. Les fortifications, criblées de boulets et d’obus, deviennent intenables, et lorsque, au bout d’une heure, les compagnies de débarquement sont mises à terre, elles enlèvent la place presque sans coup férir. Les forts sont pris et désarmés. Les occidentaux avancent alors sur Tientsin, ville située entre Pékin et la côte.
L’empereur Xianfeng avec sa cour quitte Pékin, menacée. C’est son frère qui négocie le traité de Tientsin signé le 26 juin 1858 qui a pour conséquence :
L’Empire Qing, déjà mis en grande difficulté par la révolte des Taiping (1851), n’est pas en mesure de résister. Le gouvernement chinois est contraint d’accepter même si cet épisode est vécu par les chinois comme une nouvelle humiliation.
Les négociations se poursuivent et, en novembre 1858, le gouvernement central autorise la légalisation du commerce de l’opium. Les Chinois acceptent aussi que les droits de douane soient extrêmement faibles et que la gestion des douanes passe sous contrôle étranger.
Cet acte diplomatique, connu sous le nom de traité de 1858, doit être ratifié solennellement à Pékin en 1859, l’une des clauses stipulant l’envoi et la résidence à poste fixe dans cette ville d’un représentant de chacune des deux puissances occidentales. Néanmoins, tout en l’acceptant, le gouvernement chinois a toutefois l’intention de ne jamais l’exécuter, se donnant du temps pour se renforcer et pouvoir résister ultérieurement aux occidentaux.
Le 20 juin 1859, une flotte anglo-française, commandée par l’amiral anglais Hope, escorte les représentants anglais et français et se présente à l’embouchure du Pei-ho pour ratifier le traité à Pékin. Mais le passage est fermé par des estacades. Devant le refus de la garnison chinoise de laisser libre le passage, la flotte occidentale décide de forcer le passage à partir du 24 juin. Le 25 juin, l’artillerie des forts du Takou entre en action. Ces forts que les alliés avaient occupés en 1858, ont été réarmés.
L’artillerie chinoise met à mal les navires engagés dans l’estuaire. Les troupes alliées doivent alors se retirer sous le feu de la garnison chinoise, déplorant la perte de nombreux morts et blessés, dont l’amiral Hope, 450 anglais, 15 français. Trois canonnières sont coulées et une autre dizaine de bâtiments sont endommagés. Les troupes coalisées se replient sur Shangaï.
L’intervention franco-britannique est inévitable et une expédition combinée est décidée.
A partir du 5 décembre 1859, la flotte française quitte l’Europe en direction de la Chine. Le vice-amiral Charner est responsable de la conduite et de la direction des navires, de la Cochinchine et du corps d’occupation de Canton.
Le corps expéditionnaire français est le suivant :
Pour l’ordre de bataille des troupes de l’artillerie, la réforme de l’artillerie du 20 février 1860 apporte des modifications dans la dénomination des unités. Si le 6° régiment (11° compagnie), les détachements d’ouvriers (une section des 3° et 5° compagnies) et d’armuriers (section de la 2° compagnie), ne sont pas modifiés ; les batteries des 7°, 8°, 9° et 10° d’artillerie changent de dénomination comme suit :
La batterie de fusées du 12° régiment est la seule unité de l’artillerie française dotée de fusées.
Les troupes françaises comportent environ 8000 hommes dont 5600 pour l’infanterie, 1200 pour l’artillerie et 300 pour le Génie. Un bataillon de 6 compagnies de débarquement de marins de la flotte sera ultérieurement adjoint à la brigade Collineau. L’artillerie française est dotée de 600 coups par pièces, de 1000 fusées de campagne et de 1000 fusées de siège.
Le corps expéditionnaire anglais comprend près de 13 000 hommes dont une brigade de cavalerie. [1]
Les troupes et le matériel d’artillerie français sont transportés, avec d’autres corps de troupes, sur les navires suivants :
Les péripéties du voyage et les différentes phases des combats sont à consulter sur le document de référence :
Le 18 octobre, les anglais incendient, sur ordre de Lord Elgin, ambassadeur d’Angleterre, en représailles des tortures infligées aux émissaires européens, le Palais d’Eté de l’Empereur. Le Palais met trois jours à se consumer. Le prince Kong, craignant de nouvelles représailles, accepte le traité, dit de Pékin, qui est signé le 25 octobre.
Pékin reste inoccupé par des troupes alliées qui sont établies à l’extérieur des murailles. Du 26 au 28 octobre, les corps des prisonniers alliés torturés et exécutés par les chinois dont le lieutenant-colonel d’artillerie Charles Foullon De Grandchamps sont enterrés.
Le 1° novembre, le corps expéditionnaire quitte Pékin pour s’installer entre Tientsin et les forts de Takou, sur les bords du Pei-hô. Il est prévu qu’une partie du corps expéditionnaire hiverne à Shangaï. Puis un détachement est constitué pour envoyer un corps expéditionnaire en Cochinchine, mais c’est une autre histoire...
Ce traité a des conséquences catastrophiques pour la Chine. Elle doit en effet légaliser le commerce de l’opium, autoriser les navires étrangers à naviguer sur le Yang-Tseu-Kiang, accorder tous les droits civils aux chrétiens, ouvrir l’ensemble de son territoire aux missionnaires ainsi qu’aux voyageurs occidentaux et payer de fortes indemnités aux vainqueurs. Le gouvernement chinois concède aussi aux britanniques un agrandissement de la colonie de Hong-Kong. Les européens présents en Chine se voient accorder le privilège de l’extraterritorialité. Ils ne peuvent être jugés que par leur propre consul et en aucun cas par les chinois. Dans les ports qui leur sont ouverts, les occidentaux établissent des concessions administrées par des fonctionnaires européens. En dépit de révoltes locales ou de sursauts patriotiques, l’exploitation de la Chine allait perdurer pendant un demi-siècle, jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale et la chute de la dynastie Qing. Les russes se font accorder le 14 novembre 1860 la rive gauche de l’Amour, ainsi que, le long de l’océan Pacifique, la région qui s’étend de l’embouchure du fleuve Amour, au nord, à la Corée, au sud. Cette région devient leur « Province maritime » et pour s’en assurer le contrôle, ils construisent une capitale portuaire nommée Vladivostok. La Corée à déclaré son indépendance comme beaucoup d’autre régions du grand empire de Chine.
[1] Le corps expéditionnaire anglais, sous le commandement du général Sir Hope Grant, comprend près de 13 000 hommes, dont une brigade de cavalerie, le tout formant deux divisions :
1° division : major-général Sir John Mitchell.
2° division : major-général Sir Robert Napier.