L’organisation de l’Artillerie > Tome B- Approches détaillées > 7- Organisation du XXème siècle > 26- Les guerres de décolonisation : Afrique du Nord 1954-1962 > Témoignage d’un ancien à de jeunes officiers avant leur départ en Algérie. >
2- EVOLUTION DE L’ARTILLERIE
 

ÉVOLUTION DE L’ARTILLERIE

Après ce rapide aperçu de la rébellion, que représente l’Artillerie en ALGERIE et comment a-t-elle évolué depuis la Toussaint 1954 ?

A cette date il n’y a que quatre régiments : le 65ème Régiment d’Artillerie d’Afrique (R.A.A.) dans la division d’ALGER, le 66ème R.A.A. dans celle d’ORAN, le 67ème R.A.A. dans celle de CONSTANTINE et le 411ème R.A. à ALGER. [1]

Au fur et à mesure de l’envoi des troupes en ALGERIE, l’artillerie s’accroît en proportion.

Au 1er Novembre 1956, elle comprend 48 groupes se répartissant ainsi :

  • 21 groupes [2], du « type 107 », constituent 21 bataillons d’infanterie, à 4 batteries à pied ;
  • 21 groupes « type 023 » à 3 batteries de 4 pièces ;
  • 2 groupes d’artillerie antiaérienne « type 622 » à 4 batteries de 4 pièces [3] ;
  • 4 groupes d’artillerie antiaérienne « type 951 » de Forces Terrestres Antiaériennes [4] (F.T.A.).
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Patrouille du 1/403 RA - type 107 - près de MEFROUCH
© Musée de l’Artillerie de Draguignan

A cette époque l’action de l’artillerie en tant que telle se réduit à presque rien, seules 45 % des batteries sont équipées de canons, les autres à pied renforcent l’infanterie.

Nous n’avons, en face de nous, que des bandes relativement mal organisées et peu armées, vis-à-vis desquelles notre supériorité est marquée par notre armement automatique d’infanterie. La nécessité d’appui de feux d’artillerie ne se fait pas encore sentir. En cas de besoin l’aviation est là. Elle est à cette époque particulièrement efficace car les rebelles sont désarmés contre elle.

L’emploi de l’artillerie se limite généralement à la défense des postes, à des tirs de protection au profit des convois ou des postes voisins et trop souvent à des tirs de harcèlement onéreux et peu efficaces. La tendance est à l’émiettement des moyens : les canons sont répartis par section, voire par pièce isolée. On voit apparaître dans tous les postes des pièces de tous les modèles y compris du 155 Schneider et même du 75/97.

Pratiquement nulle au 1er Janvier 1956, la consommation de munitions croît cependant régulièrement. Elle atteint 8 000 coups de 105 par mois le 1er Janvier 1957 et 44 000 un an plus tard.

C’est qu’en effet, avec l’apparition des katibas solidement armées et commandées, les accrochages deviennent très durs. Le besoin d’appui de feux denses, continus et indépendants des conditions atmosphériques, se fait sentir. Toute opération d’une certaine importance implique l’emploi d’une batterie, très souvent de plusieurs batteries et d’un nombre élevé de Détachements de Liaison et d’Observation (D.L.O.). Les opérations mineures elles-mêmes s’effectuent d’ordinaire sous la protection d’une batterie ou d’une section préalablement alertée, pouvant tirer de sa position fixe, ou déplacée pour pouvoir intervenir.

En 1957, les barrages destinés à isoler la rébellion de l’extérieur, sont progressivement constitués. La "BATAILLE du BARRAGE" commence. L’Artillerie n’y joue pas encore un rôle important, sauf dans les interceptions menées en arrière du barrage contre les éléments l’ayant franchi.

Les groupes « 023 » ne peuvent subvenir à toutes les demandes. Les artilleurs obtiennent d’abord que les pièces de position hétéroclites des groupes « 107 » soient remplacées par des 105 HM2, puis, qu’une ou deux batteries « 023 » soient créées dans les groupes « 107 ».

C’est ainsi qu’au 1er Décembre 1958, il y a 24 batteries canons dans les 33 groupes « 107 » de cette époque. La proportion des batteries canons est alors passée à 54 %.

S’appuyant sur les résultats obtenus sur les barrages en 1958 et 1959, le commandement décide de regrouper les Grandes Unités de Réserve Générale et à partir de 1959 commencent les opérations d’envergure visant la destruction des bandes organisées. II porte d’abord son effort dans l’Oranais puis le déplace progressivement vers l’Est. Ce sont les opérations "Jumelles" dans l’Algérois puis "Pierres Précieuses" dans le Constantinois. Dans ces opérations l’artillerie prend une place importante.

La consommation de munitions de 105mm des années 1958 et 1959 reflète cette activité. Elle affiche des pointes de près de 60 000 coups par mois.

Du fait des résultats obtenus par les opérations de pacification, le commandement est amené à créer des unités spéciales pour tenir les territoires, où cette pacification a atteint un degré suffisant. Ce sont les "bataillons de secteur" et les "Compagnies Support de Quartier de Pacification" (C.S.Q.P.). L’Artillerie prend part à la constitution de ces unités.

Cette double évolution apparaît dans la situation au 1er Mars 1960. A cette date l’Artillerie d’Algérie comprend

  • 27 groupes « type 107 » comprenant 86 batteries « 107 » à pied et 23 batteries « 023 » à 4 pièces ;
  • 25 groupes « type 023 » à 3 batteries de 4 pièces ;
  • 2 groupes « type 622 » à 4 batteries de 4 pièces ;
  • 5 groupes de F.T.A. ;
  • 2 bataillons de secteur ;
  • 2 compagnies support de quartier de pacification.

Il faut mentionner seulement pour mémoire le 701ème Groupe d’Artillerie Guidée et les 620ème et 621ème Groupes d’Armes spéciales qui ont leur mission propre, au profit des centres sahariens d’expérimentation, en dehors du cadre de l’activité de l’Artillerie en Algérie.

Le pourcentage des batteries canons s’est encore accru, il atteint alors 56%.

Mais ces chiffres reflètent mal l’activité de chaque type d’unité. Certaines batteries « 023 » font encore du travail à pied cependant que certaines batteries « 107 » à pied sont presque exclusivement employées à servir l’artillerie de position, notamment sur le barrage.

Dès le milieu de 1959, les rebelles comprennent que les katibas de l’intérieur sont vouées à une destruction rapide du fait de notre écrasante supériorité en moyens de feux et en particulier du fait de l’artillerie. D’autre part leurs effectifs et leur armement fondent au cours des opérations antérieures, pertes que l’étanchéité pratiquement complète des barrages ne permet [...] pas de remplacer. Les bandes éclatent alors en petits éléments, rarement supérieurs à une dizaine d’hommes. Elles ne constituent plus des objectifs pour l’artillerie.

Cette évolution est nettement apparente sur la courbe de consommation des munitions. La diminution depuis le milieu de 1959 est extrêmement sensible.

Mais si à l’intérieur l’action de l’artillerie diminue, il n’en est pas de même sur les barrages, bien au contraire. Les rebelles stationnés en TUNISIE et au MAROC ne cessent de se renforcer, non seulement en effectifs mais aussi en armement. En outre leur degré de formation s’élève. En réponse aux appels au secours lancés par leurs unités de l’intérieur et malgré leur insuccès de 1958 et 1959, ils continuent à essayer de faire rentrer en ALGERIE personnels et matériels. Les actions contre les barrages se multiplient et s’intensifient. Elles deviennent de plus en plus vigoureuses. Pour que les barrages continuent à remplir leur mission il faut les valoriser. Cette valorisation porte à la fois sur l’amélioration des obstacles existants, sur la création de nouveaux obstacles de tout genre, sur le perfectionnement des procédés employés pour prévenir les franchissements et les détruire immédiatement en cas de réussite et, surtout sur l’accroissement des moyens de feux mis en œuvre, en particulier ceux de l’artillerie. Le 1er Octobre 1959 il y a sur la partie Nord du barrage Est - 8 sections de position que l’on vient de renforcer par 10 batteries mobiles - au total 64 pièces d’Artillerie. Au 1er Février 1961 il y a 11 sections de position et 13 batteries - au total 89 pièces. Outre cet accroissement du nombre des matériels, il y a également une amélioration de leur puissance : remplacement dans certaines sections de 105 L 36, par des 105 TF 50, remplacement des 155 HM1 par des 155 BF 50, apparition des 155 GUN. D’ailleurs plus significative encore que le nombre de pièces est la courbe de consommation de munitions. La consommation de munitions de 105 sur le barrage Est ne cesse de croître et en 1960 c’est elle qui donne son allure à la courbe de consommation totale. Pour 1960 1’ensemble, des barrages, représente, pour le 105, environ les trois quarts de la consommation totale. Quant à la consommation de 155 sur le barrage Est, elle montre une progression peut-être encore plus accentuée.

Au 1er Janvier 1961 1’artillerie compte un effectif d’un peu plus de 55 000 hommes dont 2650 officiers (1 600 officiers d’active, 900 sous-lieutenants et 150 aspirants du contingent). Cela représente 13,3 % des effectifs de l’Armée de Terre en Algérie.

Elle sert 700 canons et 120 radars et a la responsabilité du contrôle d’une importante portion du territoire.

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[1] Le Colonel Trégomain, selon le Chef d’escadron® LAAMPS Alfred, a oublié de citer le II/4è R.A., et, selon le Lieutenant-colonel P. THOMAS, la Batterie d’Armes Spéciales du 411ème R.A.A.. Le II/4è R.A. était basé à Batna du 1er novembre 1954 au mois de septembre 1955. Le II/4è RA était l’unique unité d’artillerie qui appuyait la Légion et les Parachutistes en opération dans l’Aurès où la rébellion a commencé et où elle s’est essentiellement cantonnée jusqu’au 20 juillet 1955. Cet oubli provient certainement du fait qu’il était auparavant en Tunisie. La batterie d’armes spéciale a été rattachée au 411è R.A.A. (Alger - Fort l’Empereur) et stationnée à STAOULI. Cette unité a travaillé au profit des trois corps d’armée, particulièrement pour la neutralisation des caches et grottes très nombreuses dans ces secteurs.

[2] Beaucoup proviennent de l’artillerie antiaérienne faute, à cette époque, d’ennemi dans la troisième dimension.

[3] Ce sont des pièces de 90 antiaérien associées au radar COTAL

[4] Groupes à 4 batteries de 2 sections de 40mm Bofors.


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