Débutant à la Toussaint [1] 1954, elle s’étend assez rapidement à la totalité du territoire, notamment en s’imposant par la terreur.
L’année 1955 et les premiers mois de 1956 marquent la période d’organisation et la mise en place de l’armement. Le premier croquis montre la situation au 15 Juillet 1956.
En août 1956, au congrès de la SOUMMAM [2] , la rébellion assoit son organisation et définit ses besoins en armement. Grâce à l’aide reçue de l’extérieur, par la TUNISIE surtout et malgré l’effort fait par la Métropole (envoi de disponibles [3]), la rébellion continue à croître. Le deuxième croquis donne la situation au 1er Janvier 1958 et indique la présence en TUNISIE de 4 000 hommes à l’instruction.
Cependant, la décision d’isoler la rébellion de ses supports extérieurs (en juin 1957 pour le barrage Est) permet d’arrêter cette croissance. L’année 1958 et le début de 1959 se caractérisent par le commencement de la bataille des barrages qui conduit à la destruction de nombreuses bandes venant notamment de TUNISIE. Pendant que cet effort se poursuit aux frontières le commandement entreprend la réduction des bandes organisées de l’intérieur.
Portant son effort d’abord à l’Ouest, il réduit considérablement le potentiel ennemi à l’intérieur, comme le montre le troisième croquis. Au 1er Janvier 1960, on peut noter la montée en puissance des troupes stationnées en TUNISIE et au MAROC.
Cet effort se poursuit et le quatrième croquis donne la situation au 1er janvier 1961.
A l’intérieur il ne subsiste plus de bandes organisées importantes. En effet devant nos actions, elles éclatent en petits groupes et sont beaucoup plus difficiles à trouver. Mais si les bandes se sont amenuisées, l’organisation clandestine de la population reste vivace dans beaucoup d’endroits. Cette Organisation Rurale et Urbaine (O.R.U.), nouveau nom donné à l’Organisation Politico-Administrative (O.P.A.), s’impose par la terreur.
C’est elle qui fait vivre la rébellion à l’intérieur en extorquant à la population des fonds, du ravitaillement, et en fournissant aux bandes armées les renseignements nécessaires à leurs actions.
A l’extérieur se trouve l’organisation politique de la rébellion, son commandement, ses bases de ravitaillement, ses centres d’instructions. Il s’y trouve également des troupes nombreuses, encore en cours d’instruction et dont l’armement s’accroît. C’est cette armée qui constitue la menace grave, non seulement sur le plan de la politique internationale, mais par le fait qu’elle impose de conserver aux frontières des moyens importants pour assurer l’isolement de la rébellion intérieure.
Cet appui réciproque de l’O.R.U. et des bandes armées montre bien la nécessité de conduire une action simultanément contre ces deux formes de la rébellion.
L’adversaire de l’intérieur est multiple dans ses aspects. Le membre de l’O.R.U. noyé au milieu de la population, prend l’apparence du bon fellah inoffensif dans le bled ou du commerçant affable voire obséquieux dans la ville. Il est très difficile à reconnaître. Cette identification préalable est nécessaire avant toute recherche de sa mise hors d’état de nuire.
C’est une œuvre de patience, de très longue haleine. C’est avant tout un travail de renseignements. Il faut réunir tout un faisceau d’indices pour les transformer peu à peu en preuves.
Quant au fellagah armé, agissant au sein d’un petit groupe, c’est un homme robuste, frugal, habitué à vivre de peu, à se satisfaire d’une logistique sans aucune commune mesure avec la nôtre. Utilisant le terrain d’une façon remarquable, doué d’une bonne vue, d’une ouïe très affinée et d’un sens de l’observation des moindres indices, il faut, pour le trouver et le poursuivre, être un véritable chasseur.
Bien sûr quand il s’agit d’une bande plus importante, le combat prend une allure plus classique. Mais avant d’en arriver à l’action elle-même : bouclage, ratissage, combien de temps ne faut-il pas pour repérer la bande, la localiser sans lui donner l’éveil ? Que de précautions ne faut-il pas prendre pour mettre en place notre dispositif sans attirer son attention. Alors il faut faire vite, très vite. Il faut régler la question dans la journée si possible, car si dense que soit le bouclage mis en place pour la nuit il n’est pas rare que la poursuite du ratissage le lendemain ne trouve rien. Dans la nuit, sans que vous vous en soyez aperçu, la bande a disparu, elle vous a filé entre les doigts. Cette aptitude à la fluidité est vraiment un des traits dominants de notre adversaire.
[1] Appelée la Toussaint rouge, parfois Toussaint sanglante, en raison des attentats commis par la rébellion du FLN. C’est le début de la Guerre d’Algérie (1954-1962).
[2] Le congrès de la Soummam est un congrès clandestin du FLN pendant la guerre d’Algérie, organisé du 13 août au 20 août 1956 au village d’Ifri dans l’actuelle commune d’Ouzellaguen en Algérie.
[3] Mollet décide l’envoi d’appelés du contingent et de rappelés : « les disponibles », dans les départements d’Algérie.