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Principe du frein de bouche
 

Principe du frein de bouche

Par l’Ingénieur général d’armement de 1ère classe (2s) Pierre André MOREAU

Le frein de bouche sert à réduire l’énergie cinétique de la masse reculante (tube + culasse) de l’arme et donc la force de freinage demandée aux freins hydrauliques et subie par l’affût.

Dans le cas d’un porteur mobile (char) cela réduit l’accélération négative subie par le porteur.

Le frein de bouche détourne une part importante des gaz de poudre qui sortiraient « normalement » par la bouche (en suivant le projectile à une vitesse moyenne de 1500m/s ; ces gaz sont détournés dans un plan perpendiculaire à l’axe du tir, voire renvoyés vers l’arrière.

  • 1- Si m est la masse du projectile et Vo sa vitesse initiale, si ω est la masse de la poudre (donc la masse des gaz de poudre), l’impulsion du tir (ou quantité de mouvement) est :

    I = mVo + 1500 ω en l’absence de frein de bouche.
    La conservation des quantités de mouvement impose alors à la masse reculante Mr une vitesse de recul Vr telle que :

    MrVr = mVo + 1500 ω = I

  • 2- Si le tube est équipé d’un frein de bouche, seule une partie des gaz de poudre contribue à l’impulsion de tir I’ qui s’écrit :

    I’ = mVo + 1500(ω(1 - B))

    I’ est bien sûr inférieur à I et le facteur B, qui dépend avant tout de la géométrie du frein de bouche est appelé par les anglo-saxons : « rendement impulsionnel du frein de bouche ». Il peut atteindre 0,5 et la réduction de l’impulsion peut atteindre 0,3 (soit 30%) dans le cas du tir d’une munition flèche.

  • 3- Pour le montage de l’arme sur un affût ou une tourelle, on s’intéressera plutôt au rendement énergétique du frein de bouche. Ce coefficient ρ caractérise la réduction de l’énergie cinétique de recul de l’arme (½ MrVr² ) et de la force de freinage Fr pour une longueur de recul Lr :
    • sans frein de bouche, la vitesse de recul est Vr et l’on a :

      ½ MrVr² = FrLr

    • avec frein de bouche, la vitesse de recul est Vr’ et l’on a :

      Fr’Lr = ½ MrVr’² = ½ MrVr² (1- ρ)

      ou Fr’ est la force de freinage avec frein de bouche ; Fr’ < Fr

      Ceci donne la relation fondamentale de montage d’une arme équipée d’un frein de bouche :

      Fr’ = ½ I² (1 - ρ ) / MrLr

      où Mr et Lr caractérisent l’arme et son montage, I la munition et ρ le frein de bouche ; ρ peut atteindre 0,3 pour un canon d’artillerie et 0,5 pour une arme de char tirant une munition flèche.

  • 4- Il y a eu beaucoup de travaux sur ce sujet entre les deux guerres mondiales, donnant lieu à des essais très variés. C’est après la 2ème guerre mondiale que l’emploi s’est développé.
    Les écrits sont donc souvent anciens et restaient très expérimentaux car la modélisation de ces processus instationnaires n’était pas accessible.
    Une synthèse de qualité a été rédigée à l’EFAB de Bourges par Joël MARCON, ingénieur général décédé en 2018. Ce travail réalisé en 1980 environ doit être retrouvable chez Nexter Systems ou dans la bibliothèque de l’APAB (association du patrimoine d’armement à Bourges).

J’ai eu le plaisir d’inventer avec mon collaborateur JC SAUVESTRE, autour des années 1980, des freins de bouche adaptés au tir des munitions flèches qui ont équipé entre autres les ERC Sagaie et l’AMX 10 RC. Tout ceci a été breveté en son temps.

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En résumé, les freins de bouche sont utilisés en artillerie de manière systématique pour alléger les contraintes sur l’affût et donc l’affût lui-même. Dans les cas des chars, ils permettent d’augmenter significativement la puissance des armes montées en tourelle, avec deux inconvénients : la masse du frein de bouche accroît l’arcure du tube et la présence d’un frein de bouche perturbe la visée après le tir.

Illustrations

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