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3- L’évolution des moyens de communication dans l’artillerie sol-air
 

Cet article est en cours de construction. Le Hawk est d’abord traité car :

  • c’est le système sol-air qui a duré le plus longtemps et qui a bénéficié de plusieurs améliorations au gré des avancées technologiques en électronique [1] ;
  • c’est le système le plus largement impliqué dans les liaisons, en interne d’abord, puis dans une coordination interarmées et interalliés dans la troisième dimension ...

L’EVOLUTION des LIAISONS « SYSTEME D’ARME » du HAWK (1962-1990)

DOTATIONS EN TRANSMISSIONS

Le régiment « Hawk de base » à 4 batteries possède les équipements de transmissions suivants :

  • Postes à modulation d’amplitude :
    • 26 AN/GRC 9A,
    • 3 AN/GRC 9,
    • 30 récepteurs d’alerte RRTP 2A.
  • Postes à modulation de fréquence :
    • 32 AN/PRC 9/10 ou TRPP 13,
    • 19 AN/VRC 17,
    • 52 TRPP 8.

LIAISONS PROPRES AU SYSTEME D’ARME « Hawk de base » (1964-1976)

Les communications entre le centre de contrôle de batterie (CCB) et le centre de contrôle automatique (CCA) régimentaire AN/TSQ-38 sont acheminées par faisceau hertzien du type QR-MH-109 qui dispose de 4 voies téléphoniques (plus une voie de service) utilisées comme suit :

  • 3 pour le système d’arme :
    • 1 voie pour la transmission de données (ADL) au format appelé MBDL [2],
    • 1 voie Alerte et Tir, en phonie (Hot Loop),
    • 1 voie Renseignement, en phonie (IRR).
  • la quatrième voie est utilisée pour les besoins de commandement, distincts du système d’arme.

LA STATION QR-MH-109

Lorsque la distance entre deux positions est supérieure à 40 km où lorsque les stations correspondantes ne sont pas à vue directe, il est nécessaire d’installer un relai automatique constitué de deux stations QR-MH-109. C’est une opération techniquement simple, réalisée couramment en temps de paix mais qui aurait certainement présenté certaines difficultés en cas de crise et en ambiance d’insécurité.

Néanmoins, les liaisons internes au système d’arme Hawk ne posèrent pas de problème particulier pendant vingt ans, même si les progrès de l’électronique frappaient de plus en plus ses faisceaux hertziens d’obsolescence.

L’intermède KG 84

Lors de l’introduction de la modification PIP1 à partir de 1982, il apparait assez tardivement que le nouveau format de transmission de données ATDL (Army Tactical Data Link), qui se substitue au format MBDL pour les échanges entre CCB et CCA, a deux conséquences directes et inéluctables :

  • Nécessité de mettre en place dans chaque CCA AN/TSQ-38 un convertisseur ATDL/MBDL,
  • Et surtout : obligation de protéger le format ATDL au niveau « Confidentiel défense ».

Il devient donc indispensable d’envisager de chiffrer les communications « système d’arme » du Hawk. La seule solution technique qui soit compatible des liaisons point-à-point et permises par les faisceaux hertziens en dotation (les QRMH 109) serait d’utiliser un procédé de cryptage monocanal par voie, en utilisant des équipements placés « en entrée/sortie » des CCB et CCA. Or, la France ne dispose pas d’équipements ad hoc, encore moins l’Armée de terre et ses Transmissions.

Après avoir obtenu les accords nationaux et interétatiques indispensables, et après que l’on se soit assuré de l’absence de diaphonie [3] entre les voies de communication au sein de la batterie Hawk (essais Tempest satisfaisants), il est décidé d’appliquer ce mode de chiffrement à la seule voie « Transmission de données ». La Direction de programme Hawk française acquiert aux USA, sur le budget du programme, des crypteurs monocanal « KG84 » : un premier lot de 20 matériels est commandé [4], avec une option pour 38 autres. Elle en obtient une livraison rapide.

Cette solution est appliquée, en parallèle avec la modification PIP1 des TSQ-38 (adjonction d’un convertisseur de langage ATDL-MBDL et suppression de l’ETB).

Problématique posée par l’entrée en service des AN/TSQ 73

Ces nouveaux centres de contrôle automatique régimentaires, successeurs des TSQ-38, dont l’acquisition a été décidée antérieurement et qui vont être fabriqués à 11 exemplaires sous licence US en Europe, dont 5 pour la France, sont appelés eux aussi à utiliser l’ATDL.
Ils ne disposent d’aucun dispositif de chiffrement : le problème précédent se pose donc de nouveau.

La première solution qui est envisagée, dès 1982, est de leur appliquer les mêmes modalités que pour le TSQ-38. Elle se révèle techniquement inappropriée, car la présence de diaphonie dans le TSQ 73 est mise en évidence par des mesures qui sont effectuées. De plus les États-Unis imposent que « tout ce qui sort » de cet équipement soit chiffré ; pour leur part, les partenaires italiens de la France dans l’acquisition du TSQ 73 décident d’appliquer les solutions américaines et de mette en place un chiffrement de masse.

Trois solutions se présentent alors, du côté français :

  • Tout chiffrer en monocanal (c’est-à-dire chiffrer les 3 voies « système d’arme » transitant dans le TSQ 73 - pour chaque abonné - et transmises par les FH QRMH 109 et donc multiplier au moins par 3 le nombre de KG 84 qui était souhaitable dans le cas du TSQ-38), solution au demeurant peu pratique, difficile à implanter dans les différents centres de contrôle et pénalisante en termes de gestion des clés et d’application du chiffrement,
  • Conserver le chiffrement monocanal et modifier les cinq TSQ 73 français pour éliminer les sources de diaphonie, solution conduisant à des études complémentaires coûteuses sur cet équipement , à des modifications importantes de ses sous-ensembles et de ses câblages, et aboutissant in fine à une gestion de la configuration et au soutien de ce matériel en franco-français, donc totalement inenvisageable pour des raisons techniques et financières,
  • Appliquer un chiffrement de masse aux liaisons du Hawk et pour cela remplacer les faisceaux hertziens QR-MH-109 par un équipement ad hoc.

En mai 1983, sont prises par l’État-major de l’Armée de terre les décisions suivantes :

  • Adoption de principe du chiffrement de masse pour le Hawk,
  • Remplacement des QRMH 109 décidé, ce qui « tombe bien » pour des raisons d’indisponibilité à venir de leurs fréquences, mais matériels remplaçants à choisir et financement à trouver,
  • Retard consenti dans l’entrée en service opérationnel du TSQ 73, visée désormais et au mieux pour fin 1985 - début 1986,
  • Recette des TSQ 73 à faire en local (câblage direct avec les batteries réunies sur un site unique),
  • Renonciation à l’achat de la seconde tranche de KG 84, les premiers étant « récupérés » par les Transmissions à leur retrait du Hawk,
  • Instauration d’une solution intérimaire à partir de la mi-1984 : essais de matériels RITA au 402°RA, mis en place au cours du second semestre et laissés à ce régiment, puis prêt aux autres RA Hawk en 1985 d’équipements RITA supplémentaires pour la mise en service opérationnel d’un TSQ 73 par régiment, jusqu’à résolution globale du problème.

En août 1984, en raison d’une priorité d’équipement RITA attribuée à la FAR, il est décidé que seul le 402°RA recevra du RITA en 1985, afin de pouvoir mener à bien les évaluations techniques et tactiques du couple RITA/TSQ 73. L’équipement des RA Hawk sera effectué par la suite, au fur et à mesure des disponibilités.

Le RITA (Réseau intégré des transmissions automatiques) du HAWK

Au cours des années 80, face à la prolifération des radios libres désormais autorisées, les armées françaises doivent abandonner aux Télécommunications civiles les fréquences auxquelles opéraient certains de leurs équipements de transmissions, dont les faisceaux hertziens QRMH 109.

En 1983, le remplacement de ces matériels dans les régiments Hawk n’ayant pas été antérieurement pris en considération par l’Arme des Transmissions, des solutions sont recherchées auprès d’industriels français susceptibles de proposer des réponses idoines, notamment auprès de la SAT (Société Anonyme de Télécommunications) qui est en train d’équiper l’Armée de l’air en faisceaux hertziens tactiques d’un modèle qui serait - en l’état - compatible du Hawk et qui présenterait un coût acceptable.

La perspective de mise en place dans l’Armée de terre d’un équipement dont seule l’ASA disposerait devant être écartée pour de multiples et bonnes raisons, le recours à une solution de type RITA - plus coûteuse mais « standard » - est alors proposé par les Transmissions. Ce choix est prononcé, son financement étant néanmoins à prélever sur « l’enveloppe budgétaire » de la Fonction sol-air [5].

C’est ainsi que suite aux études et démarches effectuées par les Artilleurs, les services compétents de l’Armée de terre durent enfin s’intéresser à la question du renouvellement des équipements de liaison du Hawk, à développer puis à faire réaliser des stations hertziennes RITA adaptées aux régiments Hawk, sans que soient pour autant remis en question les principes de base de ce système, garantissant ainsi la gestion et la bonne maintenabilité ultérieures de ces matériels.

Adaptation du RITA aux régiments SAMP Hawk

La conception tactique (élaborée au sein de l’ASA) et technique du RITA qui fut appliquée au cas du Hawk fut la suivante :

  • On constitue, au niveau du PC régimentaire, un « centre nodal » (et un « mini-Cecore ») auquel peuvent se raccorder par faisceau hertzien modulaire (FHM mixte G1/2 QR-CH-4) des « abonnés » tels que CCA, batteries Hawk, sections détachées, organismes Air de rattachement, autres PCR, troupes toutes armes, Alliés, etc. Ce centre nodal est constitué par un central RITA architecturé autour d’un calculateur Mitra 125, avec deux consoles de gestion du système et du chiffrement et un ensemble de concentrateurs.
  • Grâce au RITA/Hawk sont possibles les raccordements radiophoniques (PTA, PRA sur VLTT) et télégraphiques (TETRA) ainsi que les liaisons avec les principaux réseaux commutés de transmissions militaires et avec le réseau civil (PTT).
  • A chaque centre de contrôle AN/TSQ 73 est associée une station dite SICLOP [6] qui comprend un central RITA, un adaptateur des liaisons avec l’Armée de l’air (l’AL 73, à réaliser spécifiquement), et des interfaces téléphoniques et télégraphiques.
  • On met en place au sein de chaque régiment un parc de stations de transmission à base de FHM, constitué de stations relais et de stations d’extrémité destinées à équiper les « abonnés » c’est à dire correspondants du TSQ 73 régimentaire.
  • Chaque batterie Hawk reçoit 2 stations FHM d’extrémité, dotées chacune et en plus d’un central manuel mixte (CMM) permettant des raccordements téléphoniques et une intégration radio.
  • Chaque station FHM comprend un équipement de transmission (faisceau hertzien) et un concentrateur (QRCH-15) offrant 22 voies de communications multiplexées, tous usages (transmissions automatiques de données, phonie), à haut débit (48 kb/s). La confidentialité des échanges (donc du format de la liaison ATDL) est obtenue par le procédé de multiplexage à impulsions codées (MIC), au niveau « Secret Défense ».

Il est évident que les possibilités techniques de communication ainsi offertes par le RITA/Hawk sont très supérieures aux besoins estimés et aux possibilités du TSQ 73.

Il est initialement envisagé de disposer pour l’ensemble des RA Hawk de 20 stations relais et 28 stations d’extrémité, afin de rester conforme aux possibilités de raccordement et de relais antérieures.

Le challenge principal qui est alors imposé aux régiments SAMP par la mise en place du RITA n’est pas d’ordre technique car ceux-ci disposent déjà d’une ressource suffisante en personnels qualifiés, qu’il suffira de former en conséquence. Leur difficulté va être d’absorber les nouveaux équipements sous une enveloppe inchangée en nombre de personnel et de véhicules (dont les natures et quantités sont figées par le Tableau d’Effectifs et de Dotations). A ce stade, il estimé vraisemblable mais non avouable qu’il faudra amener le Commandement à consentir à des aménagements lorsque le moment sera venu (c’est d’ailleurs ce qui sera proposé et obtenu).

La répartition qui est faite des cinq AN/TSQ 73 les affecte à raison de deux dans chacun des 402° et 403°RA et un au 401°RA. Un nouveau concept de double PCR est développé, tandis que les livraisons de CCA s’étalent de la mi-84 à la mi-85.

Avec son nouveau système de communications RITA, le Hawk français modernisé peut (enfin) prétendre à une place à sa juste mesure, dans le dispositif national ou allié de Défense aérienne.

[1] Le Hawk, en raison de sa longévité, est passé de l’époque des lampes, à celle des transistors puis des semi-conducteurs...

[2] ADL : Automatic Data Link. MBDL : Missille Battery Data Link.

[3] La diaphonie est l’interférence entre deux canaux de communications.

[4] Ce nombre « minimum minimorum » est celui des matériels permettant le chiffrement de chacune des voies « transmissions de données » des 10 batteries opérationnelles (un équipement positionné dans chaque CCB, un équipement pour chaque batterie raccordée, positionné dans les TSQ-38), sans possibilité de détachement de section de tir Hawk ou de raccordement d’autres unités de tir.

[5] C’est ce qui fut réalisé, au détriment d’autres équipements de l’ASA.

[6] Système d’Interface et de Chiffrement des Liaisons OPérationnelles.


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