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03- Les évolutions de 1854 à 1867
 

Les évolutions de 1854 à 1867

La création de nouveaux régiments

Le décret du 17 février 1855 autorise la création du régiment d’artillerie à pied de la Garde. Formé à Versailles, le 28 mars suivant, il est initialement constitué avec 6 batteries à pied (pièces de 12 et obusiers de 6) et autant de batteries de parc.

En 1856, Napoléon III demande au général de la Hitte, président du comité, de lui présenter dans les plus brefs délais un nouveau matériel de campagne profitant des progrès accomplis grâce aux rayures. En 1858 est approuvé un canon de 4 de campagne, ainsi qu’un canon de montagne de même calibre. Le canon-obusier de 12 est conservé en le rayant, car le canon 4 ne semble pas assez puissant pour le remplacer. Le nouveau matériel de campagne est alors ainsi composé d’un canon de 4 et d’un canon de 12, pouvant chacun tirer des obus ordinaires, des obus à balles et des boites à balles.

Les nouveaux canons, formant ce qu’on appela désormais le « Système Lahitte », entrent en service dès la campagne d’Italie (1859).

En 1860, la création de 3 nouveaux régiments à cheval (18° à 20°) fait passer le nombre de régiments d’artillerie, avec ceux de la Garde, à 22. Le train des équipages revoit le jour sous la forme d’un train d’artillerie à 6 escadrons d’abord indépendants puis regroupés en deux régiments en 1867.

Par décret du 20 février 1860, le régiment d’artillerie à pied de la Garde est transformé en régiment monté avec 8 batteries. Pour compenser la disparition des batteries à pied, le décret crée une "division à pied" de la Garde, constituée d’une batterie à pied et d’une compagnie de pontonniers de la Garde. Cette unité sera supprimée le 15 novembre 1865.

A dater du 1° avril 1860, ces changements amènent les modifications suivantes :

  • suppression des cadres de dépôt des régiments d’artillerie de la garde impériale et de la ligne ;
  • suppression des batteries de parc des 1°, 2°, 3°, 4° et 5° régiments d’artillerie à pied ;
  • suppression des compagnies de canonniers conducteurs du 6° régiment d’artillerie de pontonniers ;
  • le régiment d’artillerie à pied de la garde impériale est transformé en régiment d’artillerie monté par la fusion entre elles des six batteries à pied et des six batteries de parc qui le composent et par la création de deux nouvelles batteries ; soit une dotation de 8 batteries.
  • le régiment de pontonniers est réduit de 16 à 12 compagnies avec la suppression des 4 compagnies de canonniers-conducteurs ;
  • les 1°, 2°, 3°, 4° et 5° régiments d’artillerie à pied sont constitués de seize batteries au lieu de douze batteries ;
  • les 7°, 8°, 9°, 10°, 11°, 12° et 13° régiments d’artillerie montés sont constitués à dix batteries au lieu de quinze. Les batteries surnuméraires servent à la constitution des 14°, 15° et 16° nouveaux régiments d’artillerie montés.

Il est créé trois nouveaux régiments d’artillerie montés qui prennent les numéros 14, 15, et 16. Les changements de numérotation sont les suivants :

  • le 14° à Rennes formé de cinq batteries venues du 8° régiment d’artillerie monté et de cinq venues du 9° ;
  • le 15° à Auxonne formé de cinq batteries venues du 12° régiment d’artillerie monté et de cinq venues du 13° ;
  • le 16° à Vienne formé de cinq batteries venues du 7° régiment d’artillerie monté et de cinq venues du 10° ;
  • le 17° régiment d’artillerie à cheval garde son numéro ;
  • le 14° régiment d’artillerie à cheval prend le numéro 18 ;
  • le 15° régiment d’artillerie à cheval prend le numéro 19 ;
  • le 16° régiment d’artillerie à cheval prend le numéro 20.

En 1861, les troupes de l’artillerie sont donc les suivantes :

  • Régiments à pied (1° à 5°) à 16 batteries (80 batteries à pied) ;
  • Division à pied de la Garde (une batterie à pied de la Garde et une compagnie d’ouvriers pontonniers de la Garde) ;
  • Régiment de pontonniers (6°) à 12 compagnies ;
  • Régiments montés (7° à 16°) à 10 batteries (100 batteries) ;
  • Régiment monté de la Garde à 8 batteries ;
  • Régiments à cheval (17° à 20°) à 8 batteries (32 batteries) ;
  • Régiments à cheval de la Garde à 6 batteries ;
  • Compagnies d’ouvriers : 12 ;
  • Compagnies d’armuriers : 2 ;
  • Compagnies de canonniers vétérans : 4 ;
  • 6 escadrons du Train d’artillerie à 5 compagnies chacun (30 compagnies) pour les 5 régiments à pied et le régiment de pontonniers ;
  • Escadron du Train d’artillerie de la Garde à 2 compagnies.

Cela représente 227 batteries (81 batteries à pied, 108 batteries montées et 38 batteries à cheval), 32 compagnies du Train, 13 compagnies de pontonniers et 12 compagnies d’ouvriers.

La réduction des effectifs de 1865

A cause de l’expédition au Mexique (1862 - 1867), le budget alloué à l’armée est réduit fin 1865. En vertu du décret du 15 novembre 1865, l’artillerie réalise des économies avec la suppression des 46 unités suivantes :

  • suppression de 20 batteries à pied (4 par régiment) ;
  • suppression d’une batterie pour chaque régiment monté (10° batterie) ou à cheval (8° batterie) soit 10 batteries montées et 4 batteries à cheval ;
  • le régiment monté de la Garde est réduit de 2 batteries ;
  • la "division à pied" de la Garde, constituée d’une batterie à pied et d’une compagnie de pontonniers de la Garde, est supprimée ;
  • réduction de 2 des compagnies d’ouvriers de 12 à 10 ;
  • réduction du nombre des compagnies du Train de 32 à 26.

Après ces réductions, l’artillerie française est ainsi structurée :

  • 5 régiments à pied (1° à 5°) à 12 batteries (60 batteries à pied) ;
  • 1 régiment de pontonniers (6°) à 12 compagnies ;
  • 10 régiments montés (7° à 16°) à 9 batteries (90 batteries montées) ;
  • le régiment monté de la Garde à 6 batteries ;
  • 4 régiments à cheval (17° à 20°) à 7 batteries (28 batteries à cheval) ;
  • le régiment à cheval de la Garde à 6 batteries ;
  • Compagnies d’ouvriers : 10 ;
  • Compagnies d’artificiers : 5
  • Compagnies d’armuriers : 1 ;
  • 3 escadrons du Train d’artillerie à 8 compagnies chacun (24 compagnies) ;
  • escadron du Train d’artillerie de la Garde (2 compagnies).

La 1° compagnie de canonniers-artificiers est créée par le décret du 14 mai 1864. En 1865, 4 autres compagnies de canonniers-artificiers sont créées. Elles sont chargées de la fabrication des poudres, de la confection des cartouches pour armes portatives, des autres munitions et enfin de la garde des poudreries. En même temps sont supprimées les trois dernières compagnies de canonniers vétérans (réduites à trois le 14 mai 1864), ainsi que la seconde compagnie d’armuriers (le 26 août 1865). Ces suppressions rendent disponibles les ressources nécessaires à l’entretien des canonniers-artificiers, en amenant même une diminution de la dépense.

L’artillerie française aligne alors 190 batteries (60 batteries à pied, 96 batteries montées et 34 batteries à cheval).

Il faut noter aussi la disparition des compagnies de canonniers-vétérans à partir de 1866.

Les modifications de 1867 : une mobilité accrue

La succession de revers internationaux durant la période 1866-1867 et les craintes d’un conflit armé, principalement avec la Prusse, amènent Napoléon III à procéder à une refonte de l’organisation militaire. Elle est principalement motivée par l’isolement diplomatique de la France et la victoire de la Prusse sur l’Autriche à Sadowa le 3 juillet 1866.

Cette bataille marque la fin de la lutte de pouvoir entre la Prusse et l’Autriche au sein du monde germanique. L’Autriche est exclue par la Prusse de la Confédération germanique qui devient la Confédération de l’Allemagne du Nord.

La loi de réforme militaire que l’empereur propose en 1866, après la victoire des Prussiens à Sadowa, est destinée à modifier le recrutement militaire en supprimant ses aspects inégalitaires comme le tirage au sort, et à renforcer l’instruction. La loi Niel est néanmoins considérablement dénaturée par les parlementaires, en majorité hostiles, et est finalement adoptée avec tant de modifications, comme le maintien du tirage au sort, qu’elle en devient inefficace.

Certaines réformes sont néanmoins appliquées et pour l’artillerie, le Ministre de la guerre décide le 10 avril 1867, de rétablir les 10° batteries des régiments montés, supprimées par décret du 15 novembre 1865, et à autoriser, dans chacun des régiments à pied, la transformation de 5 batteries en batteries montées.

Cette mesure doit améliorer la mobilité des unités. Les régiments à pied deviennent montés par décret organique du 13 mai 1867. Toutefois, l’expérience du Mexique venant de le démontrer, le besoin en artillerie à pied se fait toujours sentir, et chaque régiment monté se dote de 4 batteries à pied, en entorse au principe de l’homogénéité des matériels. Les régiments montés doivent comprendre 12 batteries, dont 4 à pied (1° à 4° batterie) et 8 montées (5° à 12° batterie). Des mutations entre les régiments sont effectuées pour réaliser cette nouvelle organisation.

Il est donc constitué 15 régiments montés, bien que mixtes en réalité, par fusion des régiments à pied et montés ce qui représente 60 batteries à pied et 120 batteries montées, dont 30 de nouvelle création.

Les batteries à pied, ainsi que les différents parcs, sont attelés avec les moyens du train d’artillerie. Ce dernier est constitué avec 2 régiments à 16 escadrons chacun (12 de conducteurs et 4 d’ouvriers-constructeurs), la Garde étant doté d’un escadron à 2 compagnies. Le train d’artillerie est également chargé du transport des réserves de munitions et du gros équipement.

Le régiment d’artilleurs-pontonniers, numéroté 6, devient le 16° pour prendre rang comme 16° après les régiments montés, s’intercalant ainsi entre les régiments montés et les régiments à cheval, et donnant son numéro 6 à l’ancien 10° régiment monté. Il est à l’occasion augmenté de 2 compagnies.

Les régiments à cheval retrouvent la 8° batterie. Rien n’est changé à l’organisation de la Garde Impériale, ni à celle du régiment de pontonniers.

L’artillerie retrouve son niveau d’avant 1865, mais elle ne peut être plus renforcée par souci d’économies, au profit de la fabrication du nouveau fusil Chassepot et de la réorganisation du Service de l’artillerie.

Avant le conflit franco-prussien de 1870, la situation de l’artillerie de campagne française est la suivante :

  • Régiments montés (1° à 15°) : à 12 batteries dont 8 montées et 4 à pied (120 batteries montées et 60 batteries à pied).
  • Régiment monté de la Garde : à 6 batteries montées.
  • Régiment de pontonniers (16°) : 14 compagnies. Cette unité est chargée de mettre en œuvre et d’entretenir les ponts d’équipage, ponts lancés avec des bateaux modèles 1855 et demi-bateaux modèle 1866, tous transportés sur haquets (charrettes étroites, longues et sans ridelles...). Comme pour les régiments d’artillerie, le régiment de pontonniers détache ses compagnies dans chaque division d’armée.
  • Régiments à cheval (17° à 20°) avec 8 batteries (32 batteries à cheval).
  • Régiments à cheval de la Garde avec 6 batteries à cheval.
  • Compagnies d’ouvriers d’artillerie : 10 (unités travaillant dans les arsenaux et spécialement chargées de la réparation des matériels (fusils, canons et pistolets en particulier...)
  • Compagnies d’artificiers : 6
    • 1° compagnie : Ecole centrale de pyrotechnie de Metz ;
    • 2° compagnie : Poudrerie de Metz ;
    • 3° compagnie : Poudrerie de Saint Chamas.
    • 4° compagnie : Poudrerie du Ripault ;
    • 5° compagnie : Poudrerie du Bouchet ;
    • 6° compagnie : Manufacture de Bourges (créée le 8 novembre 1867 et dissoute le 7 mars 1870).
  • Compagnie d’armuriers : 1 (Alger).
  • Régiments du Train d’artillerie : 2 (à 16 compagnies chacun).
  • Escadron du Train de la Garde : 2 compagnies.

Les batteries comprennent toujours 6 pièces.

Il faut aussi mentionner l’École d’application de l’artillerie et du génie. C’est une école militaire et une école d’application de l’École polytechnique créée en 1794 à Metz par le Comité de salut public sur proposition de Lazare Carnot. Elle est issue de la fusion de l’école royale d’artillerie de Metz et de l’école royale du génie de Mézières. Elle sera transférée à Fontainebleau après la défaite de 1870 et l’annexion prussienne.

L’artillerie de campagne représente donc en théorie 224 batteries dont 126 batteries montées, 60 batteries à pied et 38 batteries à cheval. Les batteries montées et à cheval attellent elles-mêmes leurs pièces, leurs caissons et leurs voitures. Les batteries à pied ainsi que les différents parcs sont attelés par les services du train d’artillerie. Soit un ensemble théorique de 1 344 pièces attelées. L’effectif théorique en 1870 par batterie est de 149 hommes et de 120 chevaux.

En 1870, sur les 60 batteries à pied (de 12) des 15 régiments d’artillerie montée, une trentaine est transformée en artillerie attelée pour l’emploi en campagne afin de soutenir les corps de troupes.

Mais la réalité est différente car la loi de finances autorise l’entretien effectif de 164 cadres de batteries de campagne. Cela représente seulement 126 batteries montées et 38 batteries à cheval de la Garde et de la ligne, pouvant atteler et servir 984 bouches à feu. Sur ce total sont comprises les 10 batteries montées stationnées en Italie et en Afrique. Le restant des batteries ne peut être mis sur pied qu’après la mobilisation. De plus, ces 984 bouches à feu ne peuvent pas être mises sur pied instantanément, car le budget ne permet de payer et d’entretenir que 34 000 hommes et 16 000 chevaux, tandis que les besoins sont de 58 000 hommes et 39 000 chevaux pour le complet du pied de guerre des troupes de l’artillerie.

Pour le conflit de 1870, grâce à l’empressement des canonniers de la réserve à rentrer dans le rang, aux mesures prises pour faire entretenir par les cultivateurs 12 000 chevaux en temps de paix, et à l’activité du service des remontes ; la différence entre le pied de paix et le pied de guerre sera rapidement comblée.

En opérations, comme le Génie, l’artillerie n’est jamais engagée en régiments complets, mais par batteries détachées, ou par groupes de batteries aux ordres d’un chef d’escadron. Le régiment d’artillerie est donc avant tout une unité administrative.


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