Cet article est rédigé par le LCL (er) Jean-Paul Pailhès, documentaliste au sein de l’Association des amis du musée de l’artillerie (AMAD).
L’expression techniquement correcte est "un tir à débouché zéro" [1].
Ce tir percutant ou fusant consiste à tirer au plus près en avant de la pièce. Il existe cependant une distance de sécurité minimum en fonction du type d’obus et de fusée utilisés.
Origine de l’expression :
Les premières fusées, à allumage non manuel, apparues vers 1700, étaient en bois et à poudre, et comportaient des "évents", (des trous colmatés), généralement numérotés ; il fallait déboucher celui correspondant au temps de la durée de trajet désirée. [2].
Le premier évent était souvent numéroté zéro et donnait donc la durée de trajet la plus courte. Les commandements étaient logiquement : "débouchez zéro" ou "débouchez un", etc.
Pour déboucher ces évents on utilisait un outil spécial appelé : [3] un DÉBOUCHOIR.
Lorsque les fusées pyro-mécaniques, mécaniques ou à système d’horlogerie sont arrivées, on a utilisé un outil adapté pour "déboucher" ou "afficher" le temps désiré,( comme le débouchoir du canon de 75mm). Cet outil, en évoluant, continuera à s’appeler "débouchoir", même lorsqu’il n’y aura plus rien à déboucher.
Cependant, en affichant la minuterie minimum, on peut toujours faire un tir " à débouché zéro". C’est entré dans la tradition !
On trouve un historique des munitions et du tir dans l’artillerie française, écrit par le LCL (er) SAINT-POL, dans le bulletin n°35 d’avril 2005. Il parle un peu de ce sujet.
Dans l’"Histoire de l’artillerie française" de Michel Boussarès, à propos de l’Indochine, il y a ce paragraphe (page 340) qui témoigne de l’efficacité de ce mode de tir :
"Il y eut de bien beaux faits d’armes dans l’artillerie de la base de Diên Biên Phu , , qu’on ne trouve pas dans les rapports, mais qui étaient connus, tel celui du 30 mars du lieutenant Brunebroucke (sic), du groupe II/4e RAC, foudroyant un bataillon Viêt-minh à bout portant en "débouchant à zéro" la fusée de ses obus tandis que quelques canonniers disponibles assuraient la protection immédiate des pièces. Ce soir là, ce sont les artilleurs qui ont bloqué l’assaut."
[1] C’est une expression que le Général Multon employait, car il l’aurait pratiqué en Indochine. Selon le général Garnier "il nous avait expliqué tirer en charge 1, hausse =site du masque, fusée à temps au mini".
[2] on peut voir des fusées de ce type au Musée de l’Artillerie
[3] c’est là que l’on voit le bon sens légendaire des artilleurs.