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Les mortiers de 58 de tranchée
 

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Texte du Commandant (er) Charles Monnet, extrait du Bulletin N° 57 - novembre 2016 - de l’Association des Amis du Musée de l’Artillerie (AMAD).

Les mortiers de 58 mm T [1]

Le commandant Duchêne (officier du Génie - Polytechnicien) imagine, en voyant un tas de douilles de 75 inutilisées, un dispositif permettant de lancer à courte distance des charges d’explosif. La douille contient des cartouches de mélinite noyées dans de la résine et de la grenaille.

Après avoir mis en place de la poudre de chasse amorcée par une mèche, la douille vient coiffer le mandrin en bois planté en terre à 45°.

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Ce dispositif simpliste est rapidement abandonné. Sous la pression du G.Q.G. [2], les études continuent, car il faut aboutir rapidement et sortir un mortier à tout prix, même si le matériel est imparfait.

Le 7 novembre [1914], le commandant Duchêne est envoyé sur ordre du général Joffre à l’école de pyrotechnie de Bourges pour poursuivre l’étude de ce mortier sous la direction du général Dumézil, inspecteur des études et expériences techniques de l’artillerie.

Il s’agit de pouvoir lancer à 200 mètres le pétard de mélinite de 10 kilos du génie en utilisant impérativement de la poudre sans fumée.

Fin 1914, le premier mortier de 58 mm [58 T 1] est au point ; lui et ses successeurs deviendront le matériel de base de l’artillerie de tranchée.

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Le mortier de 58 n°1

Le mortier de 58 n° 1 est le premier matériel réglementaire. Sa conception aura durée deux mois et demi depuis l’utilisation de la douille de 75 et sa facilité de mise en œuvre s’en ressentira.

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Il doit son calibre de 58mm au tube d’acier [3] qui constitue son mandrin.

A la base du tube on fixe un tampon de chemin de fer pour limiter le recul au départ du coup et éviter l’enfoncement dans le sol.

Sur la partie intermédiaire est fixée une équerre trouée, appelée aussi équerre d’artilleur qui permet de sélectionner l’élévation du tube. Cette équerre est reliée à sa base à une fourche à deux pieds qui donne, avec le tampon, les trois appuis nécessaires à une relative stabilité.

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Au sommet est empenné sur le tube de 58, un dispositif de mise de feu de l’amorce et de la charge propulsive, sur lequel est chargé la bombe de 16kg, qui met alors en péril la stabilité de l’ensemble.

La charge de poudre propulsive, placée dans le tube, permet de tirer une bombe de 16 kg (dont 6 kg d’explosif) jusqu’à 250 mètres.

La tir est réalisée à l’aide d’un cordon qui active un système "rugueux" de mise à feu, mais qui a aussi pour effet de déstabiliser l’ensemble pièce-bombe au départ du coup.

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Sur les premières bombes, les trois ailettes doivent être assemblées avec du fil de fer. Par la suite elle seront soudées à l’autogène.

Ce mortier imparfait permet de démontrer qu’il est facile et rapide de concevoir et de fabriquer ce type de matériel.

Le 58 T 1 a d’abord été fabriqué en 70 exemplaires [4] livrés à la mi-janvier 1915 aux armées, en Argonne, pour essais. Très satisfait des résultats, le général Joffre [5] ordonne un complément à 130 mortiers en service et la production journalière de 4 000 bombes.

Cependant les armées ont besoin d’un mortier plus puissant afin de détruire des abris, des terrassements et le commandant Duchêne continue ses travaux à Bourges.

Rapidement le mortier de 58 n° 2 va être réalisé.

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Le mortier de 58 n°2

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Complètement différent, ce mortier ne garde de son prédécesseur que le diamètre intérieur du tube et permet de tirer des bombes de 16 à 45 kg, à des portées allant de 400 à 1450 mètres. La bombe de 18 kg à six ailettes sera la plus employée, pour une portée de 1 250 mètres.

Ce mortier est plus stable : il prend appui horizontalement sur trois madriers et verticalement sur une plaque d’appui adossée à la paroi de la tranchée.

Commandé en février 1915 à 140 exemplaires, 50 sont mis en service deux mois plus tard D’autres commandes sont effectuées. 3 300 mortiers de ce type seront construits. C’est lui qui donnera le plus de satisfaction à l’A.T.

D’un poids total de 401 kg, il peut être transporté en plusieurs fardeaux jusqu’à la tranchée par une équipe de 16 hommes ou, lorsque le terrain le permet, sur une voiture à deux roues tirée par un cheval ou encore par les servants. Sa grande stabilité lui permet de lancer des bombes pesant jusqu’à 45 kg.

La section transporte ses bombes sur des voiturettes porte-bombes :
-  144 bombes en acier ou bombes L.S. sur 8 voiturettes, 40 bombes D ou D.L.S. sur 4 voiturettes.

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Le mortier de 58 n° 1 bis

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Les mortiers de 58 n°2 ne sont pas encore livrés qu’il est décidé de modifier le modèle n° I pour faire le mortier n° 1 bis.

Sa rusticité et sa solidité en font un matériel adapté aux tranchées boueuses. Il est simple de conception et facile à mettre en œuvre. D’une relative légèreté (181 kg) il est transporté en plusieurs fardeaux par huit hommes ou sur une voiturette.

Il est conçu pour lancer la seule bombe à ailettes de 16 kg en acier contenant 6 kg d’explosif jusqu’à 500 m (sa portée minimum est de 100 m), ou une bombe en fonte à 4 kg d’explosif.

La section peut transporter 216 bombes sur ses 12 voiturettes porte-bombes.

La composition de la batterie est identique à celle dotée du mortier de 58 n° 2.

1 700 exemplaires seront construits, les premiers livrés en mai 1915.

[1] T pour tranchée

[2] Grand Quartier Général

[3] Récupéré sur la chaîne de montage du canon de 105mm.

[4] Aux Forges et ateliers de Chaléassières (Leflaive et Cie) à Saint-Etienne.

[5] cf : "Les armées françaises dans la Grande Guerre" - Ministère de la Guerre - Service historique Tomme II 1931.


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