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1914-1918 : La révélation de l’aviation
 

La révélation de l’aviation

Il suffit de deux mois à l’aviation pour démontrer son utilité primordiale dans la reconnaissance lointaine. Chaque jour, matin et soir, les quatre ou cinq escadrilles de chaque armée en campagne effectuent des reconnaissances jusqu’à une cinquantaine de kilomètres de profondeur dans le dispositif ennemi. La tournée du matin donne la direction et le volume des colonnes. La tournée du soir fixe la ligne atteinte [1] . Les renseignements fournis sont souvent décisifs. Ils permettent ainsi la contre-attaque de la IIe armée sur la Mortagne le 2 septembre ou, exemple plus connu, ils sont à l’origine de la découverte du mouvement de l’armée Von Kluck prêtant le flanc à la VIe armée française. Ce rôle de renseignement s’accroît alors d’autant plus vite que la cavalerie a nettement échoué dans cette mission et que la mise en place progressive du front fortifié empêche les investigations au sol. De plus, les dirigeables, sur lesquels on misait beaucoup constituent une déception. Les quelques engins français sont trop lents, fragiles et tributaires de la météo. Ils sont donc retirés des opérations terrestres au profit de la lutte contre les sous-marins. En revanche les ballons captifs, qui avaient été complètement sacrifiés, parce que jugés inutiles dans la guerre de mouvement, retrouvent leur utilité dès que le front se stabilise. L’aéroplane s’impose donc par ses qualités propres et l’échec de ses rivaux.

Simultanément à cette consécration dans le rôle qui lui était attribué, l’avion est de plus en plus fréquemment utilisé pour le réglage d’une artillerie qui doit tirer beaucoup plus loin que prévu. Avec la stabilisation du front, cette mission l’emporte sur la reconnaissance. Le temps qui se libère à ce moment là, l’agressivité des pilotes, qui ne veulent pas être en reste par rapport aux autres armes, mais aussi le peu d’intérêt que suscite encore cette forme de guerre laissent le champ libre à de multiples expérimentations spontanées. Chaque équipage prend ainsi l’habitude de profiter des missions de reconnaissance pour frapper les concentrations de troupes avec quelques bombes (obus d’artillerie avec empennage à ailettes) ou boites de fléchettes Bon. Les 14 et 18 août 1914, deux avions français bombardent les hangars Zeppelin près de Metz. Des agents sont transportés sur les arrières de l’ennemi. A l’automne, les expérimentations se multiplient : emport de projectiles divers, essais photos (et d’abord pour prouver ses dires), essais de tir au pistolet puis à la mitrailleuse, vol de nuit (Laurens, le 31 octobre). Les équipages qui, dès le début, se sont armés pour se défendre en cas d’atterrissage forcé recherchent maintenant le duel. Pendant que Roland Garros et de Rose reprennent les expérimentations de tir à travers hélices qu’ils avaient initiés avant guerre, le capitaine Faure de l’escadrille V24 demande à l’industriel Gabriel Voisin d’installer une mitrailleuse légère Hotchkiss sur l’avant de ses appareils (l’hélice est à l’arrière). Le 5 octobre, Frantz et Quenault, de cette escadrille, obtiennent la première victoire aérienne de l’Histoire.

[1] ORTHLIEB, commandant, L’aéronautique hier-demain, Paris, Masson et Cie, 1920, p. 21.


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