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L’artillerie de Marine aux armées de la Loire et de l’Est

Participation aux armées de la Loire et de l’Est

L’Armée de la Loire est formée en octobre 1870 par Léon Gambetta, ministre de l’Intérieur et de la Guerre du Gouvernement de la Défense nationale, réfugié à Tours, pour poursuivre, après la défaite de Sedan du 2 septembre 1870, la guerre contre les allemands.

Cette armée est initialement composée du 15° corps d’armée commandé par le général de La Motte-Rouge. Le 10 octobre, à Artenay (Loiret), l’armée de la Loire rencontre, sans succès, l’armée bavaroise du général von der Thann, qui protège le siège de Paris par le sud. Elle doit abandonner Orléans le 11 octobre. Le général d’Aurelle de Paladines prend le commandement de l’armée de la Loire qui se renforce du 16° corps du général Chanzy et du 17° corps du général De Sonis. Elle regroupe alors 70 000 hommes et 150 canons. Elle triomphe des bavarois à Coulmiers (Loiret) le 9 novembre et reprend Orléans. Mais les bavarois sont renforcés par les contingents du prince Frédéric Charles de Prusse, rendus disponibles par la capitulation du maréchal Bazaine à Metz (27 octobre).

L’armée de la Loire est encore renforcée avec le 18° corps d’armée du général Billot et le 20° corps du général Crouzat. Ceux-ci sont battus le 28 novembre à Beaune-la-Rolande (Loiret) par les prussiens et se replient sur Orléans. Les 1° et 2 décembre, les 16° et 17° corps sont vainqueurs à Villepion, Terminiers et Poupry (Eure-et-Loir) mais battus à Loigny (Eure-et-Loir). Orléans est prise par les allemands le 4 décembre.

Après la défaite de Loigny et la réoccupation d’Orléans par les Allemands le 4 décembre, l’armée de la Loire se trouve séparée en deux groupes. D’une part, les 15°, 18° et 20° corps forment l’armée dite Armée de l’Est, dont le commandement est confié au général Bourbaki, installé à Gien et Salbris. Il a pour mission de se porter au secours de Belfort qui résiste aux allemands.

D’autre part, les 16° et 17° corps, commandés par le général Chanzy installé à Beaugency, forment alors la 2° armée de la Loire.

La 2° armée de la Loire tient alors tête aux prussiens à Josnes et Villorceau les 7 et 8 décembre, puis à Fréteval et Château-du-Loir (Sarthe) les 14 et 15 décembre. Bien que renforcée par le 21° corps du général Jaurès, elle perd la bataille d’Auvours au sud-ouest du Mans les 11 et 12 janvier 1871. L’armée se retranche alors derrière la Mayenne, avec le 19° corps, nouvellement créé, jusqu’à l’armistice du 28 janvier 1871, signé par le gouvernement provisoire.

L’artillerie de Marine fournit aux armées de la Loire et de l’Est plus de 30 batteries ou détachements.une vingtaine de batteries, dont sept de montagne, aux armées de la Loire et de l’Est. Ces batteries participent aux affaires de Chilleurs aux Bois, Villepion, Bellême, puis aux combats sur l’Huisnes et enfin de Sillé-le Guillaume. En cette dernière affaire, une section de la 32° batterie du capitaine Dupan sauve le 21° corps d’un désastre imminent en couvrant sa retraite à travers le bourg. Elle disperse l’infanterie ennemie et réduit au silence une batterie prussienne par un feu continu de près de 400 coups de canon. De son côté, elle n’a qu’un seul blessé, grâce aux habiles dispositions prises par son capitaine, qui, après la bataille, est promu chef d’escadron par le général Chanzy.

Il convient de faire une mention particulière du détachement spécial du capitaine Javouhey qui reçoit la mission d’opérer la destruction des voies ferrées de l’est utilisées par les Allemands. En particulier, ce détachement attaque de nuit, le 8 décembre 1870, un parc ennemi à Chateauvillain. Le 25 décembre, avec l’aide de sapeurs de génie et de vingt francs-tireurs, il fait dérailler près d’Orge un train de troupes allemandes, soumettant ensuite celles-ci pendant plus de vingt minutes à un tir, qui, exécuté à courte distance, est très meurtrier.

Les batteries sont les suivantes :

  • 1° batterie (de 4 de montagne) de la Marine : sous-lieutenant Degniau (1° division du 19° corps).
  • 2° batterie (de 4 montagne) de la Marine : sous-lieutenant Cuzenier (réserve d’artillerie de la seconde armée de la Loire). Elle prend part aux combats de Bellesmes (8 janvier) et d’Alençon (15 janvier). Dans cette dernière affaire, elle lutte contre 2 batteries allemandes, depuis midi jusqu’à la nuit. Elle a 12 hommes hors de combat, 4 pièces démontées, et le sous-lieutenant Cuzenier est blessé.
  • 3° batterie (de 4 montagne) de la Marine : sous-lieutenant Martin (réserve d’artillerie de la seconde armée de la Loire).
  • 4° batterie (de 4 de montagne) de la Marine : sous-lieutenant Roussel (2° division du 19° corps).
  • 5° batterie (de 4 de montagne) de la Marine : capitaine Bouffan (3° division du 19° corps).
  • 16° bis batterie mixte (de 8) de la Marine : capitaine Vial (réserve d’artillerie du 19° corps).
  • 21° batterie (de 4) de la Marine : capitaine Jocanitz (réserve artillerie du 19° puis du 21° corps).
  • 21° batterie bis (de 4) de la Marine : capitaine Hugot (réserve artillerie du 19° puis du 21° corps).
  • Les 21° et 21° bis batteries sont sous le commandement du chef d’escadron Brossières.
  • 22° batterie mixte (de 8) de la Marine : capitaine Viviès (réserve d’artillerie du 19°corps).
  • 25° batterie mixte de Marine (de 4) : capitaine Choblet (1° division du 21° corps d’armée). Unité mise sur pied à Cherbourg.
  • 25° bis batterie (de 4) de Marine : capitaine Drevet (1° division du 21° corps d’armée).
  • 25° ter batterie (de 4) de Marine : capitaine Fournier (1° division du 21° corps d’armée).
    Les 25°, 25° bis et 25° ter sont sous le commandement du chef d’escadron Chauvé.
  • 29° batterie de Marine (calibre 8 de campagne) : capitaine Bourdiaux (réserve d’artillerie du 15° corps d’armée). La 29° batterie est dissoute le 11 décembre 1870.
  • 30° batterie de Marine (calibre 8 de campagne) : capitaine Choffel (réserve d’artillerie du 15° corps d’armée).
    Les 29° et 30° batteries sont sous le commandement du chef d’escadron Chaillon. Le 3 décembre, à Chilleurs-aux-Bois, la 30° batterie subit des pertes sérieuses. Lors de la retraite à travers la forêt d’Orléans, la 29° batterie doit, sur ordre, abandonner ses voitures, qui, encombrant la route, gênent la marche de l’infanterie. A la suite de ce fait, la batterie est dissoute et son personnel est réparti entre la 30° et la 33° batterie. Le capitaine Bourdiaux prend ensuite le commandement de la 33° lorsque le capitaine Bouteron est blessé. Le lieutenant Rocard, de la 29°, reçoit le commandement d’une batterie de montagne. La 30° batterie prend à la campagne de l’Est et combat le 15 janvier sur le plateau de Sainte-Suzanne. Le lendemain, elle s’attaque à la batterie fixe que les Allemands ont établie à la Grange-Madame. Le 31 janvier, dans la retraite vers la Suisse, le lieutenant Dussaud est laissé avec sa section au fort de Lomont et contribue, le 1° février, à protéger la retraite de l’armée.
  • 32° batterie mixte (de 8) d’artillerie de Marine : capitaine Dupan (réserve du 17° corps).
  • 33° batterie mixte (de 8) d’artillerie de Marine : capitaine Boteron puis capitaine Bourdeaux (réserve du 17° corps).
    Les 32° et 33° batteries combattent, le 2 décembre : la 32° à hauteur du château de Villepion, et la 33° près du village de Villorceaux. Le sous-lieutenant Michel, de la 33°, est blessé. Le 8 décembre, elles luttent à Cravant et éprouvent des pertes sérieuses. Le lieutenant Delcourt, de la 32°, et le capitaine Bouteron, de la 33°, sont blessés. Les 9 et 10 décembre, autres combats à Cernay et à Origny. Le 15 janvier, la 32° se trouvant attachée au 21° corps, une section de cette batterie sauve d’un désastre imminent le 21° corps dans sa retraite à travers le village de Sillé-le-Guillaume1. Par son action, elle disperse l’infanterie ennemie et musèle le feu d’une batterie prussienne. Grâce aux habiles dispositions prises par le capitaine, elle n’a qu’un homme blessé et tire 398 coups de canon. A la suite de ce beau fait d’armes, le général Chanzy nomme chef d’escadron le capitaine Dupan.
  • 34° batterie mixte (de 8) de la Marine formée avec 18° compagnie du 2° régiment du train d’artillerie : capitaine Groussard (réserve d’artillerie du 18° corps).
  • 35° batterie mixte (de 8) de la Marine formée avec 18° compagnie bis du 2° régiment du train d’artillerie : capitaine Laberge (réserve d’artillerie du 18° corps).
    Les 34° et 35° batteries sont sous le commandement du chef d’escadron Mazières. Elles prennent part au combat de Beaune-la-Rolande (28 novembre) et à la bataille d’Héricourt (15 janvier). A cette dernière affaire, la 35° batterie est durement engagée avec 20 hommes mis hors de combat dont le capitaine Laberge avec trois blessures.

Détachement spécial du capitaine Javouhey

Ce détachement a pour mission d’opérer la destruction des voies ferrées de l’Est, dont les allemands font usage. Le capitaine Javouhey fixe son centre de rayonnement à Langres. Parmi les différents coups de main qu’exécute le détachement, il y a lieu de citer l’attaque de nuit de Châteauvillain, le 8 décembre, avec l’aide de quatre compagnies de mobiles de la Haute- Marne. Une grande quantité de matériel appartenant à l’ennemi est prise ou détruite.

Le 25 décembre, le capitaine Javouhey, à la tête d’une colonne composée du détachement d’artillerie de la marine, de 40 sapeurs du génie avec un lieutenant et de 20 francs-tireurs, fait dérailler, près du village d’Orge, un train de troupes allemandes. Pendant plus de vingt minutes, un feu à volonté, exécuté à petite distance, foudroie les troupes allemandes. Mais, au bruit de la fusillade, les postes ennemis du voisinage étant accourus, les français doivent battre en retraite.

C’est dans cette circonstance que le capitaine Javouhey reçoit une balle dans le corps. Il est sauvé des mains de l’ennemi, grâce au dévouement du brigadier Roux. A la suite de cette affaire, le capitaine Javouhey est décoré et proposé pour le grade de chef d’escadron.

Se distinguent et sont mis à l’ordre du jour de la place de Langres, les artilleurs de la marine dont les noms suivent : Roux, brigadier ; Videt, Fournier, Moy, artificiers ; Briotte, maître ouvrier ; Guillemaut et Michel, canonniers.

Division de Bretagne

Pour la 4° division (général Gougeard) du 21° corps (armée de la Loire) dite division de Bretagne (créée fin novembre 1870 au camp de Conlie) :

  • Une batterie (de 4) de montagne de la Marine (capitaine d’Osteja).
  • Une batterie et demie (huit pièces de 4 de montagne) de la Marine (capitaine Normand, sous-lieutenant Gouesse).
  • Une batterie et demie de mitrailleuses (10 pièces Gatling) servies par des éléments de l’infanterie de Marine (enseigne de vaisseau De Laforte).
  • Une batterie (de 8) de la Marine.

Le commandant de l’artillerie de cette division est le lieutenant de vaisseau Rodellec du Porzic.

L’artillerie de Marine et la défense d’Orléans (décembre 1870)

La défense d’Orléans est renforcée en décembre 1870 par un groupement de 8 batteries de position commandé par le capitaine de vaisseau Ribourt.

Pour l’enceinte : 6 batteries (pièces de 14 en fonte et obusiers de 30) : capitaine de Frégate Cosmao-Dumanoir :

  • 1° batterie Saint Jean (8 pièces) : lieutenant de vaisseau Tabareau.
  • 2° batterie des Acacias (8 pièces et 2 obusiers de 30) : lieutenant de vaisseau Bellot.
  • 3° batterie du Mont Bédé (8 pièces) : lieutenant de vaisseau Carrey.
  • 4° batterie du champ Chardon (6 pièces et 2 obusiers de 30) : enseigne Pillot.
  • 5° batterie de la Madeleine (6 pièces) : lieutenant de vaisseau Devot.
  • 6° batterie de Saint Loup (4 pièces) : enseigne Roquebert.

Pour les positions avancées :

  • Batterie de Chevilly (8 pièces de 14) : lieutenant de vaisseau Gambar. Cette batterie a été engagée le 3 décembre 1870 mais devant l’avance allemande, les pièces ont été abandonnées après avoir été enclouées.
  • Batterie de Gidy (8 pièces de 14) : lieutenant de vaisseau Billard.

Le 4 décembre 1870, les batteries de position de la Marine ont été les dernières à résister pour protéger l’évacuation d’Orléans. Elles ont tiré jusqu’au bout sur les troupes allemandes pour les ralentir. A 22h00, l’évacuation d’Orléans étant terminée, elles ont reçu l’ordre de retraiter à leur tour après avoir encloué leurs pièces.


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