L’artillerie de Marine pendant le siège de Paris
Le 9 août, général de Montauban (ou comte de Palikao) est nommé ministre de la Guerre. Il demande au ministère de la Marine des renforts en artillerie. Le ministre de la Marine prescrit, le 12 août, aux divers ports de guerre, d’expédier à Metz et à Strasbourg 100 pièces de 16 centimètres et 28 de 19 centimètres avec leur armement et un approvisionnement de 250 projectiles pour chacune d’elles. Le 31 août, le général Frébault, directeur de l’artillerie au Ministère de la Marine, ordonne un nouvel envoi de 100 pièces de 16, avec la même quantité de munitions. En outre, 20 pièces de campagne et de montagne sont aussi expédiées par divers arsenaux de la marine.
Strasbourg et Metz étant investis avant d’avoir reçu les canons, le général Frébault ordonne l’envoi de ces pièces à Paris. Le regroupement de ces pièces permet un renforcement significatif des défenses parisiennes. Seulement 17 pièces de 16 ne peuvent pas rejoindre Paris avant l’investissement.
La Marine va fournir et servir plus de 210 pièces :
- 1 canon de 24 centimètres « La Valérie », issu du polygone de tir de Vincennes et transféré au fort du Mont Valérien ;
- 28 canons de 19 centimètres ;
- 183 canons de 16 centimètres.
Batterie d’artillerie de Marine sur la butte Montmartre (Jules Héreau 1829-1879)
Six forts sur les quinze de la première ceinture parisienne : Romainville, Noisy, Rosny, Ivry, Bicêtre, Montrouge et les deux batteries de Saint-Ouen et de Montmartre, sont confiés exclusivement à la Marine. Les forts du Mont Valérien et de Nogent en reçoivent des détachements. Cela permet de libérer des artilleurs pour le service des batteries de campagne.
Les forts “de la Marine” forment deux commandements supérieurs :
- commandement supérieur des forts de l’Est : Romainville, Noisy et Rosny, composent la première subdivision sous les ordres du contre-amiral Saisset, dont le quartier général est installé au fort de Noisy ;
- commandement supérieur des forts du Sud : Ivry, Bicêtre et Montrouge, composent la deuxième subdivision sous les ordres du contre-amiral Pothuau, dont le quartier général est installé au fort de Bicêtre.
Le 9 août, 1 300 artilleurs de la Marine, armant huit batteries à pied (1°, 2°, 16°, 17°, 18°, 19°, 23° et 27°), sont appelés à Paris.
Des 4 batteries montées affectées au 12° corps d’armée de l’armée de Chalons, seule la 15° batterie (de 12), qui n’a pas pu rejoindre à temps le 12° corps, rétrograde de Mézières sur Paris avec le 13° corps, auquel elle reste affectée.
Les batteries à pied arrivent à Paris à la fin d’août et début septembre. Elles sont aussitôt affectées dans les forts et sur l’enceinte. Courant septembre, cinq nouvelles unités à pied de la marine sont créées à Paris au moyen des ressources que fournissent les évadés de Sedan, les anciens militaires et les engagés volontaires. Ces batteries, 1° bis, 2° bis, 11° bis, 13° bis et 15° bis sont affectées aux forts et aux secteurs. Grâce à des attelages fournis par le train d’artillerie, les 11° et 12° batteries montées sont reconstituées. Les 1° et 2° à pied sont transformées en batteries montées, ce qui donne quatre nouvelles batteries de campagne.
Pour la garnison de Paris, le régiment d’artillerie de la Marine fournit en définitive 1 900 artilleurs pour le service de 16 batteries dont 11 à pied et 5 montées. En tout, la Marine, pour le service de l’artillerie, fournit environ 3 200 artilleurs.
D’autre part, la flottille de la Seine est armée avec 560 marins et 33 pièces d’artillerie.
Batteries à pied :
Les 11 batteries à pied de l’artillerie de la marine se composent des 6 anciennes batteries et de 5 nouvelles. Elles portent les numéros suivants : anciennes, 16, 17 18, 19, 23, 27 ; nouvelles, 1 bis, 2 bis, 11 bis, 13 bis, 15 bis. Six (11° bis, 13° bis, 16°, 15° bis, 19° et 23°,) sont employées à l’armement exclusif des 4 forts du Nord (Aubervilliers, la Briche, Double-Couronne et Est), une au Mont-Valérien (1° bis), une dans les ouvrages entre les forts d’Issy et de Vanves (17°), deux dans les bastions de l’enceinte (2° bis et 18°), et enfin la dernière (27°) est répartie en plusieurs détachements dans les forts servis par les marins.
- 1° bis batterie à pied (capitaine Méry) : elle arme, du 30 août au 28 novembre, plusieurs ouvrages, tels que les batteries du Moulin de la Galette, de la rue de l’Albonne, des Buttes Chaumont, du bastion 40 (4° secteur de l’enceinte de Paris). Envoyée dans la presqu’île de Gennevilliers, elle est divisée en 4 détachements qui servent les batteries de Charlebourg, de la Folie, du parc de la reine Henriette et la redoute du Petit-Colombe. Le 3 décembre, la batterie s’installe au Mont-Valérien et est affectée au service de la batterie du Moulin des Gibets. Le 21 décembre, elle appuie une reconnaissance devant Chatou. Le 19 janvier, elle réduit au silence une batterie ennemie établie à Chatou et bombarde efficacement une colonne d’artillerie allemande dirigée sur Montretout.
- 2° bis batterie à pied (capitaine Horr) : dans les premiers mois du siège, elle arme un certain nombre de bastions de l’enceinte de Paris. Elle est ensuite employée à l’établissement d’un parc à projectiles. En novembre et décembre, elle construit une batterie sur le chemin de fer de l’Ouest (courtine 44-45, 4° secteur de l’enceinte de Paris). Le 12 janvier, elle complète l’armement des bastions 76 et 77 (7° secteur de l’enceinte de Paris) et prend part, à partir du 20 janvier, à la lutte d’artillerie contre les batteries ennemies.
- 11° bis batterie à pied (capitaine Masse puis sous-lieutenant Humbert) : fort de l’Est. Elle arme complètement ce fort et construit une batterie à la redoute de Soissons, et une autre à la Courneuve. Cette dernière, d’une grande importance, à cause de sa proximité du Bourget qu’occupe l’ennemi, est, dans le milieu de novembre, construite et armée de 6 canons de 16 de la marine en moins de quatre jours. Elle prend une part importante dans les attaques contre Stains, Dugny et le Bourget en soutenant efficacement les opérations entreprises dans le Nord par la première armée de Paris.
- 13° bis batterie à pied (capitaine Beauvais) et 15° bis batterie à pied (capitaine Vailhen) : fort de la Briche. Ces deux batteries arment le fort de la Briche sous le commandement du chef d’escadron d’artillerie de la marine Duran. Elles appuient, le 23 septembre, la sortie sur Pierrefitte. Le 30 novembre, à l’affaire d’Épinay, elles servent une batterie mobile de 4 de campagne. Le 21 décembre, lors de l’affaire du Bourget, elles arment toutes les pièces à longue portée du fort et du bastion détaché n°6, ainsi qu’une batterie mobile de 4 de campagne, dont le feu sert de préparation à l’attaque du village.
- 16° batterie à pied (capitaine Chapotin) : fort d’Aubervilliers. Avant le 5 septembre, elle est employée, au Mont-Valérien, à la confection des cartouches pour canon à balle. Pendant le dernier mois du siège, elle arme une batterie mobile de 8 pièces de siège à la Croix-de-Flandre.
- 17° batterie à pied (capitaine Denis) : elle arme le bastion 41 (4° secteur) et contribue à l’armement des bastions voisins, du 3 septembre au 22 novembre. Elle est ensuite dirigée sur le fort de Vanves et fractionnée en deux parties. L’une, sous les ordres du lieutenant de l’Estourbeillon, sert les batteries extérieures gauches du fort d’Issy ; l’autre, commandée par le sous-lieutenant Cuzon, fait le service de la batterie extérieure droite du fort de Vanves.
- 18° batterie à pied (capitaine Deshayes) : elle est utilisée pour l’armement de l’enceinte de Paris. Du 3 septembre au 20 octobre, elle arme les bastions 42 à 53. A partir du 20 octobre, elle est employée aux bastions 41 et 42, puis aux bastions 40 et 41. Unité issue de Brest.
- 19° batterie à pied (capitaine Simon) : fort d’Aubervilliers, fort de Vanves.
- 23° batterie à pied (capitaine Morat puis capitaine Brinster) : du 15 août au milieu de septembre, elle est employée à l’armement des forts de l’Est, de la Double-Couronne et de la Briche. Elle est ensuite spécialement affectée à la Double- Couronne et aux batteries de Crould et de Marville. Elle prend part aux combats livrés en avant du fort : Pierrefitte (23 septembre), Épinay 30 novembre), Stains et le Bourget (21 décembre). Le fort de la Double-Couronne eut beaucoup à souffrir des batteries prussiennes pendant le bombardement. A ce moment, la batterie est sous les ordres du capitaine d’artillerie de la marine Brinster, commandant de l’artillerie du fort. Le fort reçoit plus de 12 000 projectiles variant du calibre de 8 centimètres à celui de 22, mais son feu n’est jamais ralenti. Les pertes des artilleurs du fort, pendant le bombardement, sont de 3 tués et 11 blessés ; dont 3 officiers blessés et 1 officier tué, le polytechnicien Mendouze, atteint, le 23 janvier, par un obus à son poste de combat.
- 27° batterie à pied (capitaine Mounier) : spécialisée pour le service des mortiers. Cette batterie est répartie dans les six forts gérés par la Marine : Noisy (capitaine Mounier), Rosny (lieutenant Guiard), Romainville (lieutenant Vaillant), Bicêtre (capitaine Robaut), Ivry (capitaine Prat) et Montrouge (lieutenant Renard), occupés par les matelots. De plus, un détachement de la 27° batterie fut chargé de construire et d’armer une batterie de 2 canons de 19, près de la redoute de Montreuil.
Batteries montées :
Les 5 batteries montées se composaient de 3 anciennes batteries (1°, 2° et 15°) et de 2 nouvelles (11° et 12° reconstituées après la défaite de Sedan) :
- 1° batterie montée (de 4, capitaine Révillion) : défense mobile puis 1° division (Malroy) du 1° corps d’armée de la 2° armée de Paris.
- 2° batterie montée (de 4, capitaine Bernard) : défense mobile puis puis 1° division (Malroy) du 1° corps d’armée de la 2° armée de Paris.
- 12° batterie montée (reconstituée après la bataille de Sedan, canons à balles, capitaine Chaule) : défense mobile puis 1° division (Malroy) du 1° corps d’armée de la 2° armée de Paris.
Les l°, 2° et 12° batteries montées sont, le 18 novembre, réunies sous le commandement du chef d’escadron d’artillerie de la marine Briens, pour former l’artillerie divisionnaire de la l° division (général Malroy) du 1°corps de la 2° armée.
Avant cette date, la l° batterie, mise à la disposition du général de Bellemarre, a pris part au combat de la Malmaison (21 octobre) et à la première affaire du Bourget. Lors de la sortie du général Ducrot, les trois batteries passent la Marne, le 30 novembre au matin, et prennent position, vers neuf heures, à 300 mètres en avant des fours à chaux, sur la route de Champigny à Coeuilly. Leur feu oblige deux batteries allemandes qui étaient descendues du parc de Coeuilly pour fermer le passage entre cet endroit et Villiers à se retirer. Lors de cette journée, les batteries sont éprouvées par le du feu ennemi, surtout la 12°, qui est désorganisée.
Le 1° décembre, elles prennent position sur la droite, s’appuyant aux premières maisons de Champigny, et construisent des épaulements pour s’abriter. Le lendemain, les prussiens ayant tenté une attaque un peu avant le jour, surprennent les troupes françaises qui se dispersent en laissant leurs armes en faisceaux. Les batteries ouvrent le feu et soutiennent le combat contre l’infanterie et l’artillerie ennemies en tirant alternativement des obus ordinaires et des obus à balles (des boîtes à mitraille). Les pertes sont importantes avec pour la l° batterie 7 tués et 23 blessés, dont un officier ; pour la 2° batterie 6 tués et 18 blessés, dont 1 officier ; et pour la 12° batterie 4 tués et 19 blessés, sur lesquels 2 officiers, dont 1 décédera des suites de ses blessures.
Après les affaires des 30 novembre et 2 décembre, la l° batterie prend part, le 21 décembre, à la nouvelle attaque du Bourget. Le 17 janvier, elle se rend au Petit-Drancy où elle engage une vigoureuse canonnade de six jours avec les batteries placées au Bourget, au Blanc-Mesnil et sur le chemin de fer. Le 19 janvier, la 2° batterie change ses canons de 4 contre des nouvelles pièces de 7.
- 11° batterie montée (reconstituée après la bataille de Sedan) : défense mobile puis réserve de la 2° armée de Paris (de 12, capitaine Geoffroy puis capitaine Clabaud). Elle prend part aux combats des 30 novembre et 2 décembre 1870. A l’affaire du Bourget du 21 décembre, elle lutte seule contre plusieurs batteries allemandes et riposte avec succès pendant plus d’une heure.
- 15° batterie montée (de 12, capitaine Caris puis capitane Weber) : 13° corps d’armée puis réserve 1° corps de la 2° armée de Paris. Elle est d’abord mise à la disposition du général de Maud’huy et elle prend part, le 23 septembre, au combat de Villejuif. Le général Ducrot, dans son ouvrage sur le siège de Paris, en parle en ces termes : « Une batterie de 12 s’établit à découvert, en arrière des Hautes-Bruyères, et prend part au combat. Elle ne tarde pas à attirer sur elle tout le feu des batteries ennemies : 30 hommes sont tués ou blessés, 14 chevaux hors de combat ; cependant elle soutient énergiquement la lutte et rend coup pour coup. ». Jusqu’au 30 octobre, la batterie demeure aux Hautes-Bruyères et prend part à de nombreux combats. Ensuite, elle est placée à la réserve d’artillerie du 1° corps (général Blanchard) de la 2° armée de Paris. Elle combat les 30 novembre et 2 décembre. Le 12 décembre, la batterie passe à la 3° division (général Faron de l’infanterie de marine) du 1° corps de la 2° armée, et le capitaine Caris cède le commandement au capitaine Weber.
11° bataillon école des canonniers de la Marine :
Il faut rajouter le 11° bataillon de la Marine (commandant Krantz) du "Louis XIV", vaisseau école des canonniers de la Marine. Cette unité est composée de 8 compagnies de matelots canonniers regroupant 722 hommes. Chaque fort géré par le Marine reçoit une compagnie, ceux de Rosny et d’Ivry en reçoivent 2 pour le service des pièces.