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Chapitre 2 : De Louis XIV à la Révolution
 

En 1668, l’état de l’artillerie, corps civil au service du roi, comprend :

  • le grand maître et son lieutenant général,
  • le contrôleur général et ses onze commis-directeurs,
  • le garde général et ses onze commis,
  • vingt-quatre commissaires ordinaires,
  • deux cents canonniers ou bombardiers appointés.

A la fin de cette année-là, après les succès de l’armée royale en Flandres et à Besançon, , Louis XIV, au lieu de licencier le personnel extraordinaire de l’artillerie, les retient sur pied et en forme six compagnies permanentes, quatre de canonniers et deux de bombardiers. Cette organisation, insuffisamment préparée, est éphémère mais elle marque une étape vers l’organisation nouvelle qu’avaient réclamée Louvois, Colbert et Vauban, et qui allait amener la création du Corps-Royal d’artillerie.

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En 1671, l’artillerie du champ de bataille ne comprend habituellement que des pièces de position. Louis XIV crée le régiment des fusiliers du roi qui a pour objet la garde et le service de l’artillerie. Son nom vient de son armement alors tout nouveau, le fusil, auquel Vauban ajoute bientôt la baïonnette. Son effectif initial est de quatre compagnies de 100 hommes chacune :

  • 1 compagnie de canonniers
  • 1 compagnie de sapeurs
  • 2 compagnies d’ouvriers en bois et en fer

En 1676, deux compagnies permanentes de bombardiers, distinctes du régiment des fusiliers, sont créées par Louvois pour le service des bombardes et pièces de siège. Augmentées de dix autres compagnies, elles donnent naissance en 1684 au régiment royal des bombardiers.

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Une ordonnance du 5 février 1720 de Louis XV prescrit l’incorporation des compagnies du régiment royal de bombardiers et de mineurs au régiment Royal-Artillerie. Le nouveau régiment comprend cinq bataillons de huit compagnies de 100 hommes, soit 4.000 hommes en tout.

Chaque bataillon dispose :

  • d’un état-major avec 1 lieutenant-colonel, 1 major, 1 aide-major, 1 aumônier et 1 chirurgien-major,

Chaque compagnie était composée :

  • d’un capitaine en premier, d’un capitaine en second, 2 lieutenants et 2 sous-lieutenants,
  • d’une escouade avec 2 sergents, 2 caporaux, 2 anspessades, 18 canonniers ou bombardiers et 24 apprentis,
  • d’une escouade avec 1 sergent, 1 caporal, 1 anspessade, 9 mineurs et 12 apprentis,
  • d’une escouade avec 1 sergent, 1 caporal, 1 anspessade, 9 ouvriers en fer ou en bois et 12 apprentis.

Ces cinq bataillons sont envoyés à La Fère, Metz, Strasbourg, Grenoble et Perpignan où une école permanente est établie dans chacune de ces places.

Le Corps-Royal d’artillerie est maintenu à part et chargé du service des arsenaux et manufactures en temps de paix et de l’encadrement des pièces de siège et de place en temps de guerre.

En 1722, les officiers des deux corps sont assimilés :

  • les lieutenants provinciaux aux lieutenants-colonels,
  • les commissaires provinciaux aux capitaines,
  • les commissaires extraordinaires aux lieutenants,
  • les officiers pointeurs aux sous-lieutenants.

En 1755, le Duc de Maine démissionne de sa charge de grand maître qui est alors supprimée et remplacée par la charge de Premier inspecteur général. Dans le même temps, une ordonnance royale décide que "les bataillons du régiment Royal-Artillerie, les compagnies de mineurs et d’ouvriers travaillant à leur suite, les officiers d’artillerie et les ingénieurs ne fassent dorénavant qu’un seul et même corps sous la dénomination de Corps-Royal de l’artillerie et du génie".

C’est aussi durant cette période que deux grands artilleurs, Vallière et Gribeauval, vont laisser leurs noms aux premiers systèmes d’artillerie appelés à donner à cette arme la mobilité et les règles de fabrication dont elle manquait, ainsi que la simplification organique qu’elle réclamait.

En 1761, l’artillerie de la marine fusionnant avec l’artillerie de terre, le Corps-Royal est augmenté de trois nouvelles brigades de huit compagnies, commandée chacune par un capitaine de vaisseau. Trois nouvelles écoles sont créées à Brest, Rochefort et Toulon. Les compagnies de mineurs qui avaient été détachées du Corps-Royal, sont réintégrées aux anciennes brigades. Une dixième brigade à dix compagnies de 100 hommes fut créée en 1762 pour le service aux colonies mais affectée plus tard à l’artillerie de terre.

En 1765, l’année de la réforme proposée par Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval, lieutenant-général, cette artillerie est remise à la marine et la séparation est définitive en 1769. Les sept brigades de l’artillerie de terre du Corps-Royal sont converties en un nombre équivalent de régiments portant le nom des villes où ils ont leurs écoles : La Fère, Metz, Besançon, Grenoble, Strasbourg, Auxonne et Toul.

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Chaque régiment est divisé en :

  • un état-major avec 1 colonel, 1 lieutenant-colonel, 5 chefs de brigade, 1 major, 1 aide-major, 2 sous-aides-majors, 1 quartier-maître, 1 trésorier, 1 tambour-major, 1 aumônier et 1 chirurgien.
  • deux bataillons à 2 brigades dont une de quatre compagnies de canonniers et une à trois compagnies de canonniers et une compagnie de sapeurs,
  • une brigade de bombardiers.

La querelle [1] entre les partisans de Vallière et ceux de Gribeauval ramène en 1772 et pour deux ans, le Corps-Royal a son organisation de 1720.

En 1774, en même temps que l’adoption définitive de son système, une ordonnance rétablit l’organisation de 1765 préconisée par Gribeauval qui est nommé premier inspecteur général en 1776 avec pour mission de "mettre l’ensemble et l’uniformité tant dans le service et l’instruction des troupes du dit corps que dans les constructions qui se feront dans les arsenaux, fonderies, forges et manufactures". Entre autres réformes, il établit un nouveau principe d’organisation pour le service des pièces : la création de la "batterie" ou "division d’artillerie", comme on disait alors, c’est-à-dire que les mêmes officiers et les mêmes soldats sont constamment chargés des mêmes pièces pendant une campagne.

Jusqu’en 1770, on avait envoyé des détachements du Corps-Royal faire le service dans les colonies. Ces détachements sont remplacés par des compagnies de l’artillerie de mer à partir de 1770. Mais la guerre, survenue en 1778, avait obligé à envoyer en outre dans diverses colonies 12 compagnies du régiment de Metz, 5 de celui de Besançon, 1 compagnie d’ouvriers et 1 de mineurs. De plus, le deuxième bataillon du régiment d’Auxonne avait été prendre part à la guerre d’indépendance américaine.

En 1784, à la demande du ministre de la marine, Gribeauval établit le projet de création du Corps-Royal de l’artillerie et des colonies composé de 5 brigades à 4 compagnies chacune. Ce corps puise presque tous ses officiers dans l’artillerie de terre ainsi que 542 hommes sur les 1760 qui forment ses brigades.

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En 1789, année de la mort de Gribeauval, le personnel (officiers et soldats) des différents services de l’artillerie, des écoles, des régiments, des compagnies de mineurs et d’ouvriers est organisé de la façon suivante :

Les officiers du Corps-Royal de l’artillerie

  • Premier Inspecteur, Gribeauval à Paris, jusqu’à sa mort.
  • Inspecteurs généraux, un par département d’artillerie qui sont au nombre de neuf, Flandre-Artois-Hainaut, Alsace-Franche-Comté, Guyenne-Aunis, Bretagne, Picardie-Normandie, Languedoc-Roussillon, Champagne-Évêchés-Lorraine, Bourgogne-Lyonnais, Provence-Corse.
  • Ecoles, sept pour l’artillerie (dans les garnisons des régiments) et une pour les mineurs (à Verdun), elles sont commandées par un maréchal de camp assisté par deux ou trois capitaines en second, et remplissent la double mission d’instruire les aspirants officiers et celle du personnel d’artillerie.
  • Directions, au nombre de vingt-deux, avec à leurs têtes un directeur du grade de colonel assisté d’un sous-directeur et un certain nombre de majors et de capitaines (jusqu’à 8 par direction), à La Fère, Douai, Lille, Valenciennes, Sedan, Metz, Landau, Strasbourg, Besançon, Auxonne, Grenoble, Toulon, Montpellier, Perpignan, Bordeaux, La Rochelle, Nantes, Brest Caen, Le Havre, Dunkerque et Corse. Les onze dernières sont appelées directions maritimes.
  • Arsenaux de construction, au nombre de six établis à La Fère, Douai, Auxonne, Strasbourg, Metz et Nantes, ils sont commandés par le directeur du département auquel ils appartiennent. Chaque arsenal a de 1 à 5 capitaines. L’arsenal de Paris, pillé à la révolution, constitue simplement un dépôt de matériel, d’archives et de collections.
  • Manufactures, établies à Charleville, Saint-Etienne et Maubeuge, ces établissements fabriquent les armes à feu et les armes blanches sous le contrôle et la surveillance de l’artillerie représentée par un directeur des manufactures du rang de lieutenant-colonel assisté dans chaque manufacture par un inspecteur du rang de major ou de capitaine. En 1788, les officiers attachés aux manufactures sont au nombre de 18, 1 directeur, 4 inspecteurs, 12 officiers et 1 ancien garçon-major.
  • Forges d’artillerie, au nombre de trois établis en Franche-Comté, aux Évêchés et en Lorraine, avec un major, directeur général des forges, un capitaine directeur par forge et un certain nombre de capitaines attachés. En 1788, le personnel comprend 1 major, 13 capitaines et 1 ancien garçon-major.
  • Fonderies d’artillerie, au nombre de deux, Douai (1 major, inspecteur des fonderies, et 1 capitaine) et Strasbourg (1 major, inspecteur des fonderies, et 2 capitaines). Il y a en outre 1 directeur général des fonderies à Strasbourg et 1 commissaire des fontes à Douai.
  • Officiers employés à la visite des armes, 1 colonel et 10 capitaines.
  • Officiers employés à l’édition des tables et dessins des constructions d’attirails d’artillerie, 2 capitaines, 1 commissaire des guerres.
  • Officiers employés dans les corps de troupe, 717 dans les régiments d’artillerie, 30 dans les compagnies de mineurs, 36 dans les compagnies d’ouvriers et 81 dans les régiments provinciaux du Régiment-Royal auquel ils sont rattachés.
  • Personnel secondaire de l’artillerie, qui est constitué par 2 conducteurs de charrois par école, 12 artificiers et 188 gardes-magasins.

Les Troupes du Corps-Royal

Les troupes comprennent les effectifs théoriques suivants :

  • 7 régiments à 20 compagnies de 71 hommes, soit 9.940 hommes,
  • 6 compagnies de mineurs à 82 hommes, soit 492 hommes,
  • 9 compagnies à 71 hommes, soit 639 hommes,

soit un total général de 11.071 hommes.

Les régiments provinciaux [2] donnent un appoint de 9.940 hommes. Le Corps-Royal de l’artillerie et des colonies comptent 115 officiers et 1760 hommes auxquels les compagnies d’ouvriers ajoutent 12 officiers et 219 hommes.

Enfin, les huit compagnies d’invalides de l’artillerie créées en 1759 et affectées au service des places et côtes, portent l’effectif total de toutes les troupes d’artillerie à 1.200 officiers et 23.000 hommes.

L’Uniforme

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A la fin du règne de Louis XVI, l’uniforme de l’artillerie est le suivant :

  • habit bleu,
  • revers, collet, veste culotte et contre-épaulette en drap bleu,
  • parements, doublures et passepoil écarlates,
  • boutons jaunes.

Les différents grades se reconnaissent à l’épaulette.

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L’uniforme des régiments provinciaux, les "réserves", sont blancs avec collet et parements bleus de roi et boutons blancs.

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Les Drapeaux

L’artillerie a deux drapeaux, l’un blanc, l’autre gorge de pigeon et aurore par opposition, l’un et l’autre traversés d’une croix blanche semée de fleurs de lys sans nombre. La hampe est azur, semée de fleurs de lys d’or.

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[1] Il y avait dans le Corps Royal, le clan des "Rouges", partisans des anciens matériels, et celui des "Bleus" qui suivaient Gribeauval, en raison du changement de l’uniforme des artilleurs décidé en 1765, lors de l’adoption du nouveau matériel.

[2] En 1778, la réorganisation des troupes provinciales entraîna la création de sept régiments provinciaux d’artillerie qui, rattachés aux régiments "normaux", devaient leur fournir des réserves instruites.


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