Sénat - Rapport fait à la commission de la Marine sur l’artillerie à grande puissance par M. Lucien Hubert (adopté le 16 décembre 1915.
Messieurs,
Votre rapporteur a eu l’occasion au cours de ses derniers rapports écrits ou oraux, de vous donner les renseignements qu’il a pu recueillir sur l’utilisation des pièces à grande puissance et notamment sur les différentes installations réalisées ou envisagées.
Il vous a indiqué les inconvénients et les avantages de chacune de ces installations ou l’on a cherché sans pouvoir toujours les concilier exactement, la justesse de tir et la mobilité.
Aux objections faites, parfois par le commandement lui-même, la patiente initiative des compagnies de chemin de fer et des services d’artillerie répond journellement.
Toute une série de perfectionnements s’élabore grâce à la coopération - pas encore assez étroite à notre sens - des compagnies de chemin de fer, car il est un principe que la guerre fait apparaître plus formel de jour en jour.
Il est inutile pour l’établir de rappeler que certains matériels atteignent le poids de 170 000 kg et que l’on envisage pour leur utilisation le chiffre énorme de 100 locomotives et 1500 wagons, sans compter les affûts-trucks. Ajoutons que chaque jour cette question du transport se pose assez inquiétant parfois pour faire hésiter le grand quartier général à utiliser certains matériels commandés.
Et même, d’après un rapport récent de la Commission de l’Armée, le haut commandement aurait envisagé l’idée de renoncer en partie à l’emploi de 50 matériels de 320 prêts à fonctionner. Nous voulons d’autant moins croire à une décision aussi radicale qu’un simple examen de la question en comporte la solution. Tout d’abord l’utilité du 320 ne semble pas en cause. On critique seulement l’importance du matériel de traction immobilisé pour des services de très courte durée et l’encombrement occasionné par le transport, mais rien n’empêche d’atténuer ces inconvénients réels.
La multiplicité des pièces de grande puissance mise en service rendra moins importants les déplacements à grande distance de cette artillerie. Le maintien dans une même région pendant assez longtemps des divers groupes permettra de réduire le nombre de véhicules affectés au cantonnement des troupes. On pourra utiliser des cantonnements fixes comme pour les autres groupes et réduire le cantonnement mobile. L’encombrement des voies de garage et des lignes de circulation dans la zone des opérations y diminuera sans que l’A.L.V.F. y perde en mobilité - bien au contraire. On saisit là toute l’importance de la question du transport, qui ne laisse pas d’inquiéter les compagnies tout autant que le commandement, et là se pose d’une façon formelle le problème de leur coopération.
L’A.L.V.F. est actuellement conduite à requérir des locomotives très puissantes pour pouvoir à un moment donné produire un gros effort. Ce choix créé forcément quelques difficultés aux Compagnies de Chemin de fer et aux Commissions de Réseau qui sont ainsi privées d’un outillage des plus nécessaires. Il est indispensable que cette utilisation du matériel soit suivie de près afin de voir dans quelle mesure il serait possible de tenir compte de ces difficultés.