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Les premiers drones français : les "avions télémécaniques"...
 

Les avions télémécaniques

La France s’intéresse, comme l’Allemagne, à ce qui est alors appelé la télémécanique. Durant la guerre de 14-18, le capitaine Max Boucher qui commande l’école d’aviation d’Avord réussit à avoir le soutien de Georges Clémenceau, alors président de la Commission de l’Armée du Sénat, pour effectuer des essais sur « l’avion automatique » conseillé par le général Ferrié le « père » des transmissions militaires.

Cet avion est dit « automatique », parce que le pilote peut diriger l’aéronef, en poussant seulement quelques boutons.

C’est la première étape nécessaire avant de le rendre « télémécanique, c’est à dire capable d’être actionné à distance par T.S.F [1]. ».

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Le 14 septembre 1918 près d’Etampes, le bombardier Voisin LBP n° 1712 effectue avec succès, durant 51mn, un circuit compliqué, d’environ 100 km (voir dessin [2]). Le Voisin est télécommandé à partir d’un autre appareil, grâce à un poste d’émission type E. 10.

Les recherches arrêtées après l’armistice reprennent en 1922. Il s’agit d’améliorer la stabilité de l’engin, de mettre au point des dispositifs de lutte contre le brouillage et d’étudier la possibilité de télécommander simultanément plusieurs engins. Avec l’aide de l’ingénieur Maurice Percheron [3], le capitaine Boucher présente le 17 avril 1923, au Sous-Secrétaire d’Etat de l’Aéronautique, son avion automatique [4]. Il fait voler avec succès, depuis l’aérodrome de Villesauvage près d’Etampes, un avion Voisin équipé de stabilisateurs gyroscopiques « Sperry ».

Ce vol est suivi d’essais jusqu’en juin 1923. Au début, la mission de l’avion est entièrement pré-programmée :

  • pendant la montée, un barographe mesure l’altitude, et met l’avion en vol horizontal à l’altitude programmée ;
  • pour le vol horizontal, l’appareil équipé d’un simple chronomètre qui permet de pré-programmer les virages mais aussi le largage des bombes au moment souhaité ;
  • l’avion atterrit seul : c’est le chronomètre qui le déclenche.

Une programmation par cartes perforées est aussi imaginée.

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Le guidage radio est essayé. Le numéro 32 du journal « L’Aérophile » de 1924 rapporte que l’avion est commandé par un « dispositif électrique à boutons comparable à celui d’un ascenseur ». Le système est protégé contre le brouillage.

Le rédacteur d’un article dans un numéro de la « Revue de Paris », un certain colonel Romain écrit à propos de l’avion automatique : « Il est hors de doute que son utilisation guerrière en fera une arme effroyable, capable d’anéantir en quelques heures des cités entières. C’est une torpille aérienne qui, manœuvré de terre grâce à un système précis de radiogoniométrie, pourra aller par tous temps, de nuit comme de jour, déverser sans risque et à coup sûr 600 kilos d’explosifs... ».

A la même époque P. Hémardinquer [5] écrit dans un article [6] sur l’avion automatique et la direction des avions par T.S.F. : « Il serait facile également, pour l’observation, de munir un avion dirigé par T.S.F. d’appareils photographiques et cinématographiques, commandés également par T.S.F., ou par un mouvement d’horlogerie, réglé au départ ». C’est par anticipation un drone de reconnaissance.

Cette invention suscite un réel engouement de par son côté novateur et les possibilités civiles et militaires qu’elle ouvre, mais pas pour l’état-major français qui est dubitatif quant à l’utilité de cette arme. En 1924 les crédits sont coupés et les essais s’arrêtent. Ce n’est pas une bombe volante, mais un des tout premiers drones de combat réutilisables pour d’autres missions.

Pourtant les ingénieurs français s’obstinent dans cette voie : en 1938 est essayée à Fréjus, la première bombe volante française, la BHT 38 ( Bombe Hurel Turck 38 [7] ). C’est un avion télécommandé chargé d’explosifs.

Voir cet article sur la photographie aérienne telle qu’elle est envisagée à la même époque.

[1] Source : article « L’avion sans pilote » dans la « Revue d’Artillerie » T 92 de septembre 1923.

[2] trajet donné dans le magazine « La Nature » n° 2594 du 12 décembre 1923.

[3] Maurice Percheron est ingénieur en télémécanique et publie en 1921 « L’Aviation de demain. Télémécanique. La direction des avions par T. S. F. »

[4] Source : « La revue de Paris » n°13 du 1 juillet 1923.

[5] Pierre Hémardinquer a publié des ouvrages et articles d’enseignement technique et de vulgarisation dans le domaine de la radio, de l’électronique.

[6] Source : « La Nature » n° 2524 du 22 décembre 1923.

[7] L’ingénieur Jean Turck conçoit des télécommandes radio à modulation de fréquence (procédé innovant pour l’époque) et Maurice Hurel, est directeur technique de la Société Nationale de Construction Aéronautique du Nord.


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