Fiche réalisée à partir d’un article concocté par le Major(R) Delannoy, auteur du livre "Capitaine Longuet", officier de l’ALVF.
Pour lutter efficacement « à armes égales » contre le fameux 420 allemand , l’état-major développe en 1916, un programme aussi ambitieux qu’audacieux : la construction d’un canon de 520 millimètres sur voie ferrée, baptisé matériel de 520mm Modèle 1916.
Ce magnifique cliché a été pris à Saint-Pierre Quiberon en 1918. Il donne une idée de la taille imposante du matériel de 265 tonnes pour 32 mètres de long ! (Collection Guy François)
Le 27 février 1916, le ministère de la guerre passe commande de 2 exemplaires (AT 3091 et AT 3092) auprès de la société Schneider. La première est livrée en novembre 1917, la seconde en février 1918.
Les caractéristiques d’un tel mastodonte sont tout à fait exceptionnelles :
Des tir d’essais à Saint-Pierre de Quiberon
C’est donc à Saint-Pierre Quiberon que vont se dérouler les tirs, après des premiers essais concluants au camp de Mailly dans l’Aube puis à Gâvres, près de Lorient.
Pourquoi Saint-Pierre Quiberon : parce qu’un complexe de tir d’artillerie existait déjà depuis le début du siècle et la configuration de la presqu’île permettait un contrôle et un suivi précis des tirs « grande distance » en pleine mer.
Sur la ligne de chemin de fer « Auray-Quiberon » créée en 1882, un nouvel embranchement est construit en 1916 au sud-est du hameau de Kergroix afin d’amener ces canons sur le pas de tir.
On imagine aisément les problèmes de circulation inhérents à ce genre de convois sur ces voies, ainsi que l’étonnement des habitants lors de leurs passages.
Les premiers tirs sur la presqu’île débutent en mars 1918. Malgré quelques aléas de parcours sans conséquences notoires, les tirs d’essai, une cinquantaine, continuent jusqu’au 27 juillet, date fatidique pour l’un des 2 obusiers.
En effet, ce samedi 27 juillet 1918, la pièce AT 3091 tire 4 coups parfaitement réussis sur une distance supérieure à 16km. Mais le 5ème tir est fatal : la pièce est littéralement pulvérisée et des fragments sont éparpillés sur un rayon de 2 kilomètres ! [1] Les causes de cette explosion ne sont pas connues, les archives ayant disparu. [2]
Mais si l’une des pièces est hors service, il reste la seconde : compte tenu des événements, les essais sont suspendus jusqu’à la fin du conflit.
Quel devenir pour cet obusier ?
La seconde pièce, ainsi que la première hors d’usage sont alors acheminées sur le Creusot, en Saône et Loire, puis stockées à Puits-Soret tout proche où viennent d’être construits le parc et le garage ALVF.
Au début des années 30, la seconde pièce faillit même être démantelée, victime des discussions sur le désarmement lors des conférences de Genève. Cependant, il n’en fut rien.
Lors de la seconde guerre mondiale, la pièce AT 3092, en bon état de marche, est récupérée dès juin 1940 au Creusot par les Allemands, quelque peu surpris par cette découverte.
Elle change alors de nom et devient la pièce de 52cm H(E) 871(f).
La Wehrmacht affecte alors la pièce en novembre 1941 auprès du Heeresgruppe Nord, le Groupe d’Armées Nord. Après quelques essais en Russie à Plesko, elle est utilisée sur le front de Leningrad (St Petersbourg) dès décembre.
Mais le 5 janvier 1942 à Kolpino, 25 kilomètres au sud-est de Leningrad, la pièce est pulvérisée, probablement suite à l’explosion prématurée de l’obus, provoquant le même type de séquelles que sur sa consoeur quelque 24 ans plus tôt.
Deux années plus tard, lors de la levée du siège en janvier 1944, l’Armée Rouge s’empare de la pièce désormais abandonnée, sans que l’on connaisse son devenir...
[1] Fort heureusement, aucun blessé n’est à déplorer, les consignes de mise à l’abri avant tir ayant été scrupuleusement respectées.
[2] Mais tout laisse à penser que la faute incombe à l’obus, soit par un défaut de résistance, soit par un fonctionnement prématurée de la fusée.