Dès le 03 septembre, le chef de corps du GA Leclerc descend à Sarajevo pour prendre le contrôle de la cellule d’acquisition du renseignement d’artillerie et le FSCC d’Igman est mis entre les mains du commandant du 19°RA GB. Pour assurer la continuité et un travail bien suivi, un officier renseignement. d’un PCR est détaché comme permanent à cette cellule avec son VBL. il sera ainsi en mesure de faire l’équilibre avec les britanniques.
L’accueil par le secteur est assez bon, même s’il faut à peine arrivés, descendre dans les abris en prévision des nouvelles frappes aériennes. L’intégration de la cellule de la BMN auprès du G3/Secteur sera progressive. Les deux premières semaines se passent en sous-sol avec une veille 24 heures sur 24.
Au fur et à mesure du déroulement des frappes aériennes, le secteur prépare la suite. Le rôle initialement agressif de la Brigade multinationale est dirigé vers celui d’une force de réserve et de dissuasion. L’organisation du commandement a placé en août la BMN sous Tacon du secteur. Celui-ci s’adresse donc au groupement opérationnel Igman (id. les forces de la BMN à Igman + le FreBat 5). Le but du secteur est de pouvoir renouer le plus tôt possible les contacts avec les belligérants pour maintenir la confiance et éviter ainsi à l’ONU d’apparaître comme l’ennemi des serbes. Or la conduite d’opérations unilatérales, en cherchant par la force à conquérir la liberté de mouvement au travers des villages serbes de Hadzici et d’Ilidza, viendrait radicaliser la population plus que les soldats et l’amener à des réactions de désespoir incontrôlables.
Ainsi, le secteur prépare le terrain et fait adopter une attitude plus modérée que l’OTAN qui poursuit de son côté les frappes, sans en référer ni souvent en avertir le secteur. Une conséquence fâcheuse en est l’impossibilité de donner des horaires et des consignes aux russes du RusBat qui se rend régulièrement en zone serbe et qui ne passe pas loin des objectifs de l’OTAN !
La mission générale du secteur et l’action d’une force (BMN et OTAN) montre là les limites de leur compatibilité. Faute des échanges d’informations nécessaires entre secteur et Otan d’une part et entre secteur et BMN d’autre part, l’incompréhension va engendrer tensions et énervements que seule la fin des frappes viendra calmer.
Le Il septembre, l’artillerie britannique tire deux coups de fumigènes sur une arme antiaérienne en action. Ce sera le dernier tir de l’été. Les négociations sur le retrait des armes serbes de la zone des 20 kilomètres autour de Sarajevo, comme condition à la cessation des frappes avancent et entrent en vigueur le 14.
Commentaires :
Dans les tensions évoquées plus haut, il faut faire la distinction entre les différences de vues fondamentales
et les problèmes de personnes qui se sont ajoutées. Sur le premier point, les anglo-saxons ont imaginé obtenir une sorte de « reddition » des serbes par la force en ne se rendant pas compte que le terrain autour de Sarajevo
appartient autant aux serbes qu’aux bosniaques et que la notion de siège est relative. De ce fait la diabolisation
d’une faction ne permettait pas d’obtenir une sortie viable pour le secteur et il aurait été utile que cette
« stratégie » soit aussi relayée puissamment par la diplomatie vers les autres nations impliquées. Le second
volet concerne les habitudes et les réflexes que l’ancienne équipe du secteur avait conservé et qu’il souhaitait rétablir au plus vite en s’assurant le monopole des actions sur le terrain en écartant les acteurs de la BMN (sauf l’artillerie bien sûr dont la présence est jugée indispensable), quitte à critiquer et dévaloriser son action. Cette mauvaise ambiance coupable a nui à la clarté des actions françaises surtout pour les alliés de la BMN.
L’envoi ultérieur d’un détachement de liaison renforcé auprès du commandant du secteur dès la fin de septembre permettra d’améliorer nettement la situation au moment où l’état-major du secteur opérera sa relève.
La visite des installations de recueil du renseignement d’artillerie sur le secteur est très intéressante. Les
moyens français se limitent à deux Cymbeline déployés près de l’aéroport, et des Rasit dont un seul est opérant. Les cinq VOA sont déployés au mieux sur des postes tenus par les bataillons ou isolés (Ex : Tour de Hum). Les relations avec les observateurs britanniques et néerlandais sont bonnes et ils en profitent pour opérer ainsi la relève et une meilleure répartition sur Sarajevo. Les autres équipements déployés sont britanniques. On trouve quatre Cymbeline déployés du côté de l’aéroport et vers l’est de la ville, un système HALO de détection au son muni de cinq capteurs et d’une centre technique installé dans l’annexe de TV Building. Au même endroit se trouvent centralisés les informations des Cymbeline français et anglais, le traitement informatique des capteurs HALO et la guerre électronique GB à laquelle il n’est pas possible d’accéder. Ce centre est relié directement avec le secteur, avec BH Command et avec le FSCC d’Igman par les liaisons VHF et par Ptarrnigan.