L’une des raisons du succès allemand lors de l’ouverture des hostilités est la supériorité de leur artillerie. D’une part, leur artillerie de campagne aligne environ 2.046 pièces face aux 966 françaises.
D’autre part, les pièces allemandes sont supérieures techniquement aux françaises. Les canons, de marque Krupp, de 4 et de 6 (soit 78,5 et 91,5 mm), sont à chargement par culasse mobile à coin avec des portées respectives de 2.500 et 3.500 m. Outre le rechargement plus rapide, ces canons possèdent la supériorité de portée et, chose plus importante, leurs obus à fusées percutantes sont efficaces à toute distance de tir. La dotation comprend aussi des obus incendiaires et des boites à mitraille. Cette artillerie, testée contre l’Autriche, avait donné pleine satisfaction lors de la campagne de 1866.
Le canon de 4 français est donc de portée insuffisante (1.850 m). Le canon de 12 tire, lui, jusqu’à 3.000 mètres mais l’armée française n’en possède qu’une trentaine de batteries pour les troupes en campagne. Nos fusées, réglées pour trois distances seulement, n’explosent généralement pas au contact du sol, ce qui rend l’ajustement de tir difficile. Néanmoins, les ricochets peuvent être efficaces contre des troupes en ordre serré. Le canon de 4 français utilise surtout des obus fusants plutôt que percutants, mais il est aussi doté d’obus à mitraille.
Aussi, les armées prussiennes utilisent le feu groupé avec des concentrations en artillerie pour les combats décisifs. Cette technique n’est pas ou peu utilisée par les armées françaises.
Cette infériorité de l’artillerie française sera relevée par le général Suzanne, directeur de l’artillerie en 1870. Elle découle de la dispersion excessive des batteries avec l’absence de grandes batteries. Le duel avec l’artillerie adverse a pour seul résultat d’attirer sur elle une concentration des batteries ennemies. Les batteries sont engagées en ordre dispersé, les unités de réserves interviennent trop tardivement et la liaison avec l’infanterie est déficiente.
Les artilleurs combattront néanmoins avec courage et obtiendront quelques succès, à Gravelotte et Saint-Privat notamment, avant d’être décimés. Une seule grande batterie, groupant 60 pièces, sera constituée par le colonel de Montluisant à Saint-Privat le 18 août. Elle infligera de fortes pertes à la garde prussienne.
Il faut aussi noter le nombre de coups immédiatement ou rapidement disponibles par pièces : 220 du côté français, alors que les canons prussiens disposent de 478 coups pour ceux de 4 et de 438 pour ceux de 6. Cette déficience est imputable à l’absence du "grand parc" d’artillerie, décidé en 1867, mais différé par défaut de crédits.
L’artillerie française est pourtant équipée d’une arme redoutable : le canon à balles Reffye. A la mobilisation, 180 canons à balles, dits canons mitrailleurs, faits d’un faisceau de canons de fusil d’infanterie, tirant par minute 3 décharges en gerbe de 25 balles chacune, soit 75 balles, équiperont l’artillerie française.
Mais, ayant l’encombrement d’une pièce de 4, et de ce fait facilement repérables, ils seront trop souvent détruits par les batteries allemandes peu après être entrés en action. Ces pièces, construites en grand secret et non expérimentées avant la guerre, furent payées par la cassette personnelle de l’Empereur, la Chambre ayant refusé les crédits. Ces armes, appelées "canons à balles", ne sont pas employées sur la ligne de front et n’ont aucune influence sur le déroulement des combats. Pour conserver le secret sur ce matériel nouveau, l’instruction est d’ailleurs restée fort succincte. D’une portée encore inférieure aux autres pièces françaises, elles subissent le même sort tragique sous les tirs de contrebatteries ennemis.
Chaque fois que les responsables de ces batteries de 6 pièces comprennent qu’il vaut mieux ne pas engager la lutte contre l’artillerie adverse mais contre l’infanterie, des résultats spectaculaires sont obtenus. Il semble même que la majorité des pertes prussiennes infligées par l’artillerie française leur soit imputable. Les batteries de mitrailleuses décimeront les bataillons prussiens à Mars la Tour et à Saint-Privat.