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4- Les premières opérations
 

Extrait de l’"Historique de l’artillerie de la 2° Division d’Infanterie Marocaine - 1942-1945"

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Les premières opérations

Le front de la Division s’étend du Colle Alto au Mont la Posta. Le sommet dominant de la Mainarde ainsi que trois pitons sur quatre du Mont Pantano sont entre les mains de l’ennemi.

À notre gauche se trouve la 45ème D.I.U.S.

À droite la VIIIème Armée Britannique.

Sur le front de la 2ème D.I.M., deux régiments d’infanterie, le 4ème R.T.M. (Colonel Lapparat) et le 5ème R.T.M. (Colonel Joppé) sont engagés, le 8ème R.T.M. (Colonel Molle) étant maintenu en réserve.

Le II/63 (Capitaine Girard) appuie le 4ème R.T.M., le I/63 (Chef d’Escadron Gouttefarde) appuie le 5ème R.T.M. Quant au III/63 (Chef d’Escadron Loiret) et au IV/63 (Chef d’Escadron Martin) ils sont employés en action d’ensemble. Quatre groupes d’artillerie de corps américains et deux escadrons de Tanks Destroyer, chargés spécialement d’appuyer la Division, répondent aux demandes de tir de l’A.D.2.

Mais le Général Dody a étudié un projet de débordement par le Nord qui conduira à modifier rapidement le dispositif initial. Il s’agit, en profitant au maximum de la surprise, de progresser entre le Mont Castelnuovo et le Mont San Michele, puis par le col au Nord du Mont Mare, de se rebattre ensuite vers le Sud et conquérir dans une première phase San Biagio, Cardito, et Cérasuolo.

Le P.C. de l’A.D. rejoint celui de la Division à Montaquila, le III/63 passe en appui direct du 8ème R.T.M. qui joue le rôle principal dans la manoeuvre.

L’opération est déclenchée le 14 décembre au petit jour, mais, dès le début elle est vouée (à) l’échec. La mise en place de l’infanterie devait s’effectuer dans la nuit précédente, mais, pour des raisons diverses, plusieurs unités ne sont pas encore à pied d’œuvre à l’heure de l’attaque. Les forces ennemies sont supérieures à celles que l’on attendait. Après une tentative infructueuse sur le Col San Michele, l’opération est abandonnée. Il n’est pas question de la reprendre, l’effet de surprise ne pouvant plus être escompté.

Prise du Pantano

C’est sur l’axe Pantano-Monna Casale que la 2ème D.I.M., opérant en liaison avec la 45ème D.I.U.S., fera porter son effort.

De loin le Pantano apparaît comme un pain de sucre. Il présente la curieuse particularité de se diviser vers le sommet en 4 pitons d’altitude assez voisine et domine magnifiquement la région avoisinante. L’ennemi s’y accrochera désespérément et c’est piton par piton qu’il faudra l’enlever.

(JPG)

Le 5ème R.T.M. appuyé par le I/63 et le III/63 est chargé de l’opération. Il occupe immédiatement le piton S.E. et, le 15 décembre, s’empare du piton S.O., mais doit l’abandonner en fin de journée sous les feux violents de l’artillerie ennemie. L’attaque est reprise le lendemain à 6 h 30, appuyée par les deux mêmes groupes. Le piton S.O. est repris et conservé malgré les violentes contre-attaques ennemies.

La journée du 17 est calme. L’infanterie est épuisée, mais l’ennemi a subi de telles pertes que le lendemain, il exécutera une manœuvre en retraite et abandonnera sans combattre les deux derniers pitons du Pantano, tandis que le 4ème R.T.M., maintenant le contact, occupera Cérasuolo.

La prise du Pantano, position dont l’importance tactique explique la défense acharnée, marque le premier succès de la Division.

C’est le I/63 qui, sous l’impulsion du Chef d’Escadron Gouttefarde a, non seulement appuyé l’attaque par ses tirs rapides et bien ajustés, mais renseigné à chaque instant l’A.D. sur la situation et réclamé avec à-propos les tirs de l’action d’ensemble. Il aura largement contribué au succès de l’opération comme se plairont à le reconnaître les tirailleurs.

Le fameux pain de sucre constituera désormais l’observatoire le plus précieux. Trois groupes sur quatre y détachent des observateurs. La tâche de ceux-ci est rude et ingrate, car la neige ne tarde pas à couvrir les sommets et le séjour là-haut est pénible. Les Américains, eux aussi, s’y sont résolument installés, mais ils sont dotés d’un riche équipement de montagne, alors que nos canonniers n’ont encore que leur deux couvertures au lieu des quatre réglementaires. La comparaison est décevante. Aux souffrances causées par le froid s’ajoute la menace des harcèlements d’artillerie. L’ennemi connaît trop l’importance de la position pour la négliger.

Prise de la Mainarde.

Les journées qui suivent ne sont remplies que par des opérations secondaires. Des contre-attaques ennemies sur les côtes 1225 et 1175 sont brisées par le feu de l’artillerie. Sept groupes français et américains, contribuent à les repousser.

Le soir du 25 décembre, les tirs sont moins nourris de part et d’autre, il semble qu’un accord tacite ait lieu pour respecter la trêve de Dieu. Tous ceux qui disposent d’un semblant de cheminée, contemplent avec émotion la joyeuse bûche de Noël et, fredonnant les chansons d’autrefois, laissent s’envoler leurs pensées vers un petit coin de France ou d’Afrique du Nord. Noël de guerre, d’une guerre bien différente de celle qu’on avait rêvée ! Guerre de position, guerre farouche et peu spectaculaire. Combien de souffrances et d’efforts pour la conquête d’un lambeau de terrain !

Pourtant il ne saurait être question de s’arrêter. Le Pantano est entre nos mains, la Mainarde domine encore dangereusement nos positions. Le 4ème R.T.M. l’a attaquée le 19 Décembre et s’est avancé jusqu’à la crête. Pris à parti par les mitrailleuses sous casemates (..) sur la contrepente, soumis aux tirs d’arrêt, il a dû se replier. Le 8ème R.T.M. reprendra l’opération le 26 décembre.

La préparation de l’attaque suscite dans l’artillerie les plus vives controverses. Chacun préconise une solution pour détruire les fameuses casemates de la Mainarde qu’une photo aérienne a permis de situer exactement : tirs de précision avec réglage par S.O.M. ou observation par Piper Cub ? Finalement aucune de ces solutions ne sera adoptée et c’est à l’infanterie que reviendra la tâche de réduire les casemates.

L’attaque se déclenche le 26 à 10 heures, appuyée par le III/63, renforcé lui-même par les II/63 et IV/63. La crête est atteinte, elle doit être abandonnée à la suite d’une contre-attaque allemande menée par une compagnie.

L’ennemi encore une fois s’est défendu avec succès, grâce à une tactique qu’il emploiera durant toute la campagne d’Italie lorsqu’il aura le temps de s’organiser : la crête est occupée par des éléments légers assurant surtout une mission d’observation. À quelques centaines de mètres en arrière, sur la contrepente, sont construites des casemates pour armes automatiques, bien défilées, à l’épreuve d’un coup de 105. Plus loin encore, des abris profonds donnent asile aux réserves destinées à la contre-attaque. Notre infanterie aidée par la préparation d’artillerie, parvient le plus souvent jusqu’à la crête. C’est alors que les difficultés commencent. Les casemates défilées par rapport à nos observatoires, n’ayant pu faire l’objet de tirs de précisions, et n’ayant que peu de chances d’être détruites par la préparation d’artilleries, sont encore intactes. Quand elles se révèlent, nos premiers éléments en sont trop près pour réclamer sur elle l’intervention de l’artillerie. Lorsque le feu meurtrier des armes sous blockhaus, joint à l’action des tirs d’arrêt, a suffisamment désorganisé l’assaillant, la contre-attaque se déclenche, menée par des troupes fraîches.

Cependant, le 8ème R.T.M. reprend l’attaque le 27 avec deux bataillons. Tous les feux de l’A.D. sont appliqués sur la cote 1478, sommet de la Mainarde, et les pentes Ouest. Leur action est prolongée par celle des groupes américains. À 12 h 45, la cote 1478 est atteinte ; à 15 heures, la cabane de la Mainarde. Plus au Nord, le Mont Marone est occupé. Partout l’ennemi a résisté avec acharnement, mais grâce aux feux massifs et profonds de l’artillerie, sa tactique cette fois s’est révélée inefficace. Les casemates de la Mainarde ont été en partie détruites par les tirs de 155 du IV/63. Au III/63 est revenu le rôle primordial joué par le I/63 au Pantano.

La Division inscrit son deuxième grand succès. Malheureusement, l’infanterie est exténuée, le manque de réserves interdit toute exploitation.

De la Mainarde la vue est impressionnante. La fameuse Abbaye du Mont Cassin elle-même se détache au loin. Comme le Pantano, la cote 1478 deviendra l’un de nos meilleurs observatoires. Mais ici, aux rigueurs du froid, s’ajoutent les difficultés de ravitaillement. La pente est escarpée, la neige la rend glissante et les porteurs doivent s’aider des mains pour la gravir. Pour maintenir là-haut un détachement permanent d’observation, le Commandant Loiret doit prélever sur son groupe une soixantaine d’hommes.

La nuit du 31 décembre au 1er janvier est marquée par une terrible tempête qui surprend, en cours de relève ou de déplacement, plusieurs unités dont le II/63, bloquant littéralement pendant plusieurs heures les hommes dans leurs véhicules et causant des victimes par le froid chez les fantassins. Les “pieds de tranchée” se multiplient.

La Costa San Pietro

Jusqu’au 12 Janvier aucune opération importante n’aura plus lieu. Notre infanterie a souffert. Le Général commandant la Division s’efforce, par le jeu des relèves, de donner à chacun un repos bien mérité. Les positions d’artillerie sont modifiées en conséquence, chaque groupe suivant généralement le régiment d’infanterie de son "Combat-team".

Le système d’observation est amélioré. Le Lt-Colonel Schoeller reconnaît et fait occuper par la B.H.R. un observatoire d’A.D. à la cote 937 au N.O. de Cérasuolo. Le détachement d’observation s’établit à Cérasuolo et les observateurs se relaient à la cote 937. C’est au cours d’une de ces relèves, le 12 janvier, que le Lieutenant Poueyto, détaché du II/63, et deux observateurs de la B.H.R., les canonniers Stick et Juniot, sont blessés. Stick, qui a montré à l’hôpital un cran et une bonne humeur extraordinaires, meurt le lendemain des suites de sa blessure. Il restera pour tous ceux qui l’ont vu à l’œuvre un modèle de “chic type”. Toujours prêt à se dévouer, simple, gai, plaisantant de ses fatigues et de ses souffrances, réconfortant chacun par son entrain, il est mort comme il a combattu, en souriant.

Le 3 janvier, d’autres pertes viennent attrister l’A.D.. Quelques obus de petit calibre arrivent au voisinage du IVème groupe. Un coup plus court de 200 ou 300 mètres, éclate près d’une pièce de la 11ème batterie.

Un canonnier est tué, le Lieutenant Capon et quatre autres canonniers sont blessés et évacués. Le Lieutenant Capon meurt le surlendemain. Évadé de France et arrivé d’Espagne quelques jours auparavant, il aura été le premier officier de l’A.D./2 à trouver la mort en Italie.

L’attaque du 12 janvier, première opération importante depuis la prise de la Mainarde, est aussi la première opération du Corps Expéditionnaire Français.

La 2ème D.I.M. n’est plus seule, en effet, à porter sur la terre d’Italie la gloire de nos armes. La 3ème D.I.A. a débarqué à son tour et relève la 45ème D.I.U.S. à notre gauche. Le 64èmè R.A.A., reconstitué en régiment de réserve générale, est, lui aussi, présent. Son IIIème groupe, commandé par le Chef d’Escadron Moraillon, bien connu de tous les vieux Marocains, renforce l’A.D./2. Le 8ème Régiment de Chasseurs d’Afrique (8ème R.C.A.), équipé de Tank Destroyers, remplace le 805ème Bataillon de Tank Destroyers américain, et se trouve rattaché à l’A.D./2. Il ne s’attendait certes pas à être utilisé comme un Régiment d’Artillerie. Mais sous le commandement du Lt. Colonel Simon, ces gens charmants que sont les cavaliers sont rapidement à la hauteur de leurs nouvelles fonctions.

L’ensemble des troupes françaises devient le Corps Expéditionnaire Français, rapidement connu sous le nom de “C.E.F.” Le Général Juin en prend le commandement.

C’est donc le 12 janvier que se déclenche l’attaque générale. L’objectif de la 2ème D.I.M. est jalonné par la Costa San Pietro, la Selva, Cardito et la Monna Casale, cette dernière crête étant partagée par la limite entre les deux Divisions. Les trois régiments d’infanterie sont en ligne, du Nord au Sud : 8ème R.T.M., 5ème R.T.M., 4ème R.T.M.

L’attaque est précédée d’une préparation d’artillerie courte et violente. La progression est irrégulière. Les renseignements sur la situation parviennent à l’A.D., incertains et contradictoires. Les tirs sont levés, puis repris suivant les fluctuations de l’avance. C’est pour les officiers de liaison le moment de déployer toute leur virtuosité. De leur coup d’œil, de leur initiative et de leur diplomatie dépendra souvent l’efficacité du soutien d’artillerie. Mission difficile qui exige non seulement la valeur, mais l’ardeur et la foi, mission qu’on ne peut remplir qu’en y mettant toute son âme !

Au Sud, le 4ème R.T.M., magnifiquement appuyé par le II/63, s’empare des cotes 1220 et 1225 malgré les vigoureuses contre-attaques ennemies. Le soir, il est parvenu au pied du mont Lago. Cardito et Cerro grosso sont débordés par le Sud. Dans la nuit, l’objectif est atteint.

Au centre, le 5ème R.T.M. s’est emparé de la cote 1029 et de la Selva.

Au Nord, le 8ème R.T.M. a occupé la cote 1450 de la Costa San Pietro et s’y maintient malgré trois contre-attaques, cloué sur place par les tirs remarquablement précis et rapide du II/63. Le IV/63, intervenant à son tour, tire 2.750 coups en vingt-quatre heures pour cette seule affaire. Mais les réactions violentes de l’ennemi ont causé des pertes nombreuses dans l’infanterie. L’A.D. perd un de ses officiers les plus magnifiques, le Lieutenant Thonnier. Assurant la liaison avancée du III/63 auprès du IIème bataillon du 8ème R.T.M., il a, au cours des trois contre-attaques, réglé les tirs de son groupe avec le mépris du danger le plus absolu, s’exposant sans cesse pour mieux voir.

Incapable de résister à son impatience, il a fait le coup de feu en première ligne avec les fantassins. C’est au cours de la troisième contre-attaque, après avoir annoncé par radio qu’il se déplaçait pour mieux observer, qu’il est tué d’une balle en pleine poitrine. Vibrant et passionné, il avait forcé l’admiration des fantassins par son audace et son allant. Mort de la façon la plus glorieuse que puisse rêver un héros, il restera une des gloires les plus pures de l’A.D./2.

Le lendemain, 13 janvier, le 4ème R.T.M. occupe le mont Lago et le mont Passero à la suite d’un décrochage ennemi. Mais c’est au Nord que toute l’action se concentre. Les Allemands se sont rendu compte de nos préparatifs d’attaque sur la Costa San Pietro et déclenchent une violente contre-préparation suivie de trois contre-attaques : la troisième est menée avec de gros effectifs et prouve l’importance que l’ennemi attache à la position. Mais, chaque fois, les tirs d’arrêts du III/63 arrivent à point et interdisent toute avance des assaillants. À la dernière, le Commandant Loiret demande le secours de l’A.D. qui concentre sur les pentes Ouest les feux de deux groupes de 105 et trois groupes de 155. L’ennemi doit se résigner à laisser entre nos mains la cote 1450 de la Costa San Pietro qui, on le saura plus tard, constitue la charnière de sa ligne de défense.

Plus que jamais la Division a affirmé sa supériorité. Trouvant devant elle un adversaire résolu, décidé à tenir coûte que coûte, elle l’a obligé à céder le terrain.

L’artillerie a joué un rôle primordial dans l’attaque et la défense des positions conquises. Elle a causé dans les rangs adverses des pertes extrêmement sévères. Hélas ! Elle a elle-même payé un lourd tribut au cours de cette journée. Le Sous-Lieutenant Fivet du I/63, observateur avancé auprès du 3ème bataillon du 5ème R.T.M. a été tué. C’est à la Selva au moment où, en liaison auprès du Chef de Bataillon, il mettait au point une préparation d’attaque, qu’il est tombé frappé d’un éclat d’obus à la tête. Le Sous-Lieutenant Le Masne de Chermont, récemment reçu à Polytechnique et parti aussitôt avec le grade d’Aspirant, a remplacé le Lieutenant Thonier comme Officier de liaison. Au cours de la première contre-attaque du 13 janvier, il est blessé par un éclat d’obus. Lorsque le Lieutenant Mornard arrive le remplacer, il refuse de se laisser évacuer et s’ingénie à aider Mornard. Un obus éclate à proximité : Le Masne est blessé mortellement. Le canonnier Vasseur, qui, lui aussi s’est dépensé sans compter comme observateur, est tué, Le Maréchal des Logis Baucher est blessé. Mornard revient à son poste et contribue à stopper les contre-attaques. Au cours de la troisième, l’ennemi a réussi à progresser dangereusement. Mornard fait raccourcir le tir, presque jusqu’à lui, et lance par radio : « Tirez jusqu’à épuisement complet des munitions ». Il vient d’être grièvement blessé, et se rendant compte de l’impuissance où il sera désormais de prendre part à la bataille, n’a qu’une pensée : assurer la continuité du soutien d’artillerie. C’est là le sens de son dernier message. Tous les moyens sont mis en œuvre pour évacuer rapidement le Lieutenant Mornard, mais les sentiers sont pénibles et couverts de neige. Malgré le dévouement de ses camarades, le retour est long, interminable. Le froid agissant sur sa blessure ouverte, l’achèvera.

Le San Pietro nous reste. Thonier, Fivet, Le Masne, Mornard, Vasseur, votre sacrifice n’a pas été vain. Non seulement il a assuré l’efficacité des tirs d’artillerie, mais il a ranimé la confiance des fantassins, qui, vous voyant tomber glorieusement au milieu d’eux, ont mesuré l’aide qu’ils pouvaient atteindre de leurs frères artilleurs.

Dans les journées qui suivent, l’A.D./2 grossie du III/64, qu’elle considère maintenant comme un de ses enfants, contribue largement à l’exploitation des succès du 12 et du 13 Janvier.

La défense du San Pietro reste une des préoccupations dominantes. Mais l’ennemi, démoralisé par ses échecs précédents, n’insiste pas. Il vaut mieux pour lui, car plusieurs groupes sont prêts à concentrer leurs tirs d’arrêt sur ce point névralgique.

Des renseignements parvenus pendant la nuit du 17 laissent supposer que l’ennemi a atteint une ligne de défense soigneusement préparée. Notre infanterie est épuisée. Il apparaît plus sage au Général de renoncer momentanément à pousser plus avant. Seule, une attaque de rupture peut donner des résultats satisfaisants. Elle sera effectuée après réorganisation de l’infanterie.

Le front, primitivement orienté Nord-Sud, a pivoté autour de la Cluse San Michele et tend à prendre la direction Est-Ouest. Le 4ème et le 5ème R.T.M. ont franchi le Rapido et opéré leur jonction sur les pentes du San Croce dont le sommet est à moins de 500 mètres. Cette position est intenable en situation d’attente, car le San Croce est organisé. Un léger repli est nécessaire.

L’artillerie allemande est active. Les coups de 170 arrivent jusqu’à Colli où sont venus s’installer le 13 janvier les P.C. de la Division et de l’A.D. Le 18, au cours de la mise en batterie près de Cerro Grosso le II/63 reçoit quelques obus. Un canonnier est tué, plusieurs autres sont blessés.

Opérations du San Croce et du Carella.

On saura bientôt par des prisonniers que l’ennemi a longuement préparé et organisé une ligne de défense, appelée ligne « Gustav » s’appuyant sur le San Petro, le San Croce, le Carella. C’est donc à cette ligne que se heurte maintenant la 2ème D.I.M.

Les ordres du Général Juin prévoient une attaque de rupture des deux divisions pour le 21 janvier. La 2ème D.I.M. doit enlever le San Croce et, de concert avec la 3ème D.I.A., le Carella, puis exploiter en direction de Piscinesco.

En prévision de cette attaque, l’A.D. détache un P.C. tactique à Cérasuolo. Le Lt-Colonel Schoeller, le Capitaine Basset, le Capitaine Paris, quelques secrétaires et téléphonistes vont s’établir dans les ruines de ce petit village que notre artillerie a si souvent bombardé.

Le San Croce apparaît comme un gros massif dominant le Rapido et dont les accès sont défendus par des ravins profonds ; le Carella se présente comme une falaise escarpée. Le 21, l’attaque se déroule au rythme prévu jusqu’aux pieds de ces forteresses.

C’est au 5ème R.T.M. que revient la réduction du San Croce. Trois groupes, les I/63, II/63 et III/64, assurent l’appui direct. Deux groupes de 155, le IV/63 et le groupe américain I/17, neutralisent les organisations des pentes Nord et Ouest. Mais le système de défense de l’ennemi est encore mal connu. Au lieu de concentrer ses tirs sur des objectifs précis, l’artillerie est obligée de battre de vastes zones, au dépend de l’efficacité. D’autre part, les pentes à gravir sont escarpées et la progression de l’infanterie est lente. L’ennemi a le temps de se ressaisir entre la levée des tirs d’accompagnement et l’arrivée de nos premiers éléments. Il réagit par des tirs de mortier et d’artillerie très violents. À 14 heures il lance une contre-attaque que nos tirs d’arrêt contribuent à repousser, mais qui exténue notre infanterie et interdit tout espoir de s’emparer du San Croce dans la journée du 21.

L’attaque n’est reprise que le 23. L’appui d’artillerie est renforcé par un groupe de 155 supplémentaire qui pilonne le sommet du San Croce. À 17h25, on apprend que celui-ci est entre nos mains.

Mais comme le San Pietro, le San Croce fait partie de la ligne Gustav. Le 24 l’ennemi lance, pour le reprendre, une première contre-attaque, au cours de laquelle les tirs d’arrêt sont demandés trois fois aux groupes d’appui direct. La deuxième contre-attaque est encore repoussée, mais au cours de la troisième, accompagnée par des tirs de mortiers très violents, nos éléments sont rejetés à 300 mètres du sommet où ils se maintiendront désormais. Les contre-attaques ultérieures, celle du 27 janvier en particulier, seront encore brisées par nos tirs d’arrêt.

Le 24 au soir, la 2ème D.I.M. adopte une position défensive, l’effort devant être effectué par la 3ème D.I.A. Le sommet du San Croce reste à l’ennemi. Est-ce donc un échec ? Le Général américain Clark nous fournit la réponse : « Vous avez lancé et soutenu une série d’attaques qui ont atteint avec un succès remarquable leur but principal, à savoir : fixer, par de durs combats le plus grand nombre possible de forces ennemies et les empêcher d’intervenir contre notre débarquement et contre l’établissement de la tête de pont d’Anzio. »

C’est le 21 Janvier en effet qu’avait lieu ce débarquement et c’est le 19 que la 3ème Panzer-Grenadier, l’une des meilleures Divisions allemandes d’Italie, précédemment stationnée dans la région de Rome, commençait à faire son apparition devant la 2ème D.I.M. Le résultat cherché étant atteint, il était fou de s’obstiner. La percée de la ligne Gustav aurait demandé des moyens comparables à ceux mis en œuvre pour l’offensive du Garigliano.

Les pertes allemandes, dues surtout à l’artillerie, sont nombreuses. Le rapport périodique du 2ème Bureau de la 2ème D.I.M. signale que « Les prisonniers se plaignent des pertes sévères que leur inflige notre artillerie. La 6ème compagnie du 8ème Panzer-Grenadier-Regiment, qui n’a pas été encore engagée directement, aurait subi des pertes équivalant à la moitié de son effectif. »

Après le 24 janvier, l’A.D./2 appuie des coups de main, exécute des tirs sur le Carella au profit de la 3ème D.I.A., effectue des tirs d’arrêts sur le San Croce. Enfin, comme elle n’a jamais cessé de le faire, elle consacre une partie de son activité aux tirs de harcèlements. Ceux-ci sont parfois critiqués. Ils ont pour but de gêner les ravitaillements et d’atteindre le moral de l’ennemi en maintenant une atmosphère permanente d’insécurité sur ses arrières. De mauvaises langues racontent en plaisantant que ces tirs sont plus agaçants pour les amis que pour les ennemis. C’est de nuit en effet qu’ils sont exécutés. Ils exigent la présence aux pièces, dans la boue, sous la pluie parfois, d’une partie du personnel, souvent fatigué par une rude journée. Et cela pour un tir à cadence lente qui se prolonge pendant une demi-heure, une heure, quelques fois plus, et semble interminable. Pourtant les interrogatoires de prisonniers ont confirmé l’efficacité des harcèlements. Des compagnies ennemies sont restées sans ravitaillement pendant deux ou trois jours à la Monna Casale, au San Pietro. De nombreux déserteurs ont déclaré avoir fui pour échapper à la hantise des tirs inopinés d’artillerie. Le Lt. Colonel Schoeller qui est l’apôtre des tirs de harcèlement voit avec satisfaction les résultats confirmer sa manière de voir.

Aucune opération importante ne sera plus engagée par la 2ème D.I.M. dans le secteur des Abruzzes. Le Commandement ne cherchera plus la décision par une campagne d’hiver et, jusqu’au 28 mars, date de la relève, la situation ne changera guère.

En prévision d’attaques de la 3ème D.I.A. qui, finalement, n’auront pas lieu, le front est étendu vers la gauche et deux Groupements tactiques sont constitués. Les P.C. de la Division et de l’A.D. se transportent à Filignano le 7 Février. Le Lt. Colonel Lassus, récemment arrivé de France par l’Espagne, prend le commandement de l’artillerie du Groupement Nord à Selvone, le Lt. Colonel Schoeller le commandement de l’artillerie du Groupement Sud, à la cote 1038, entre Acquafondata et Vallerotonda.

Des unités italiennes entrent maintenant dans la composition de ces groupements. Une brigade de "patriotes Italiens" récemment mise sur pied, a été placée sous le commandement du Général Dody. Le Colonel Valfre di Bonzo, qui commande l’artillerie de cette brigade, est donc sous les ordres du Général Poydenot et rend à l’A.D. de fréquentes visites. Sa faconde et sa volubilité font la joie de tous.

Le IV/63 va s’installer le 10 février au pied du village d’Acquafondata, dans la cuvette, véritable lac de boue liquide. Au cours de cette période, il prend à son compte, en tirs de destruction, une notable partie des ouvrages du Cifalco, clé de la défense ennemie.

Un groupe italien du Colonel Valfre di Bonzo, armé de pièces de 100 mm Skoda, arrive également le 10 février et passe sous les ordres du Chef d’Escadron commandant le IV/63, qui doit lui prêter son matériel automobile pour mettre en place canons et munitions.

L’activité ennemie se manifeste encore par quelques tirs assez meurtriers. Le 15 Février au III/63, le Maréchal des Logis Chef Kettelers et le Brigadier Rossignon sont tués, l’Adjudant Richir est blessé. Il mourra des suites de ses blessures. Le 22 Février, l’Aspirant Ollivier du III/64 est blessé en montant à l’observatoire de la Costa San Pietro.

La relève de la 2ème D.I.M. par la 5ème Division Polonaise a lieu du 21 au 28 mars et met fin à la rude campagne d’hiver. La Division va prendre dans la région de Conca di Campagnia un repos bien mérité. L’A.D. s’établit à Le Cave. Pendant cette période, des prises d’Armes ont lieu pour honorer les morts et remettre les nombreuses décorations qui ont été attribuées. La Division reçoit la Croix de Guerre. Tous les groupes de l’A.D./2 ainsi que le groupe d’adoption, le III/64, font l’objet de citations.

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