Le général BEAUVALLET est alors Inspecteur de l’ Artillerie.
Son adresse, à l’occasion du cinquantenaire du Repérage, permet de faire un raccourci intéressant sur l’évolution de l’organisation des unités du Repérage de 1943 à 1965 et d’apporter quelques perspectives sur l’évolution à venir.
Il témoigne aussi de la passion des repéreurs et de leur solidarité, notamment entre le personnel d’active et de réserve.
L’historique que vient de nous retracer le général Nicollet nous a donc amenés à cette année 1943 où l’armée française, s’équipant à neuf en Afrique du Nord avec du matériel américain, se préparait, avec ardeur et foi, aux missions qui l’attendaient sur les champs de bataille d’Italie et de Métropole.
C’est à cette époque - la date officielle de leur création est le 1er mai 1944 -que furent mis sur pied deux groupes qui, sans en porter le nom étaient des groupes de Repérage : le 101° G.O.A. (Groupe d’Observation d’ Artillerie) commandé par le chef d’escadron Lagardère et le 102° G.O.A. commandé par le chef d’escadron Rigaud.
L’appellation était américaine comme le matériel. Mais, à vrai dire, le matériel et les méthodes de repérage s’inspiraient très directement de ce qui avait été fait en France auparavant et nos artilleurs furent très rapidement au fait de leur utilisation.
L’un de ces groupes, le 101° G.O.A., après un séjour épisodique en Italie, fut, dès septembre 1944, engagé dans la Campagne de France, bientôt rejoint par le 102° G.O.A., et tous deux participèrent aux opérations en France et en Allemagne jusqu’à l’ armistice.
Participation qui fut efficace d’ailleurs. A cette époque où la contrebatterie représentait une mission importante de l’artillerie et où la recherche des batteries ennemies était la tâche prioritaire du S.R.A., on notera que les 101° et 102° G.O.A., à eux deux, réussirent à détecter et localiser 800 batteries ou pièces ennemies. Pour obtenir ces résultats, les Repéreurs avaient dû prendre leur part de risque comme l’attestent les 8 tués, les 20 blessés, les 281 citations décernées qui s’inscrivent à leur bilan pour cette période glorieuse.
Après l’armistice commence une phase de réorganisation marquée jusqu’en 1949 par une certaine instabilité.
Le 101° G.O.A. reste en Allemagne jusqu’à sa dissolution , le 1er février 1946. Le 102° G.O.A. est à Landstuhl jusqu’en juin 1947. Il est alors transformé en II/8° R.A [1]. et s’installe à Nancy. Le 13 mai 1949 il rejoint le 25° R.A. de Thionville, prend le nom de III/25° R.A. puis s’installe finalement à Hettange-Grande, à côté de Thionville.
J’ai eu le privilège, un peu plus tard, en 1953-1954, quand je commandais le 25° RA., à la tête duquel j’avais succédé au colonel Nicollet, d’avoir le III/25° sous mes ordres et je puis témoigner de deux caractères qui m’ont frappé dans ce groupe.
C’est d’abord l’intérêt passionné apporté par les cadres à leur spécialité. Intérêt qui les amenait à travailler en permanence à l’amélioration de leurs méthodes. Le souci de la rapidité dans le déploiement et de l’acquisition de possibilités omnidirectionnelles qui paraissaient adaptées à la guerre moderne avaient conduit en particulier, à l’époque, à mettre au point, pour la S.R.S., un système de tandems de triangles de micros qui représentait une amélioration intéressante, laquelle d’ailleurs reprend actuellement de l’actualité au moment où les procédés modernes permettent de déterminer les différences de temps avec une très grande précision.
Mais un autre caractère m’avait frappé : c’est l’étroite union qui existait entre repéreurs d’active et de réserve et l’intérêt très grand que nos cadres portaient, eux aussi, à leur spécialité. Alors que la plupart d’entre eux résidaient dans la région de Paris, ils n’hésitaient pas à revenir fréquemment prendre contact à Hettange ou dans les camps de Munsingen, de Suippes ou de Bitche avec ce qui restait pour eux « le Groupe de Repérage ». Certains parmi eux s’occupaient de promouvoir des études intéressantes comme celles des liaisons radio de la S.R.S., études qui aboutiront, je le souhaite, un jour ou l’autre. Je m’en voudrais de ne pas citer les noms du colonel Thiberge et du colonel Michon dont l’activité fut si grande à la tête de l’Amicale des O.R. pendant toute cette période. Je m’en voudrais aussi, de ne pas évoquer cette cérémonie d’inauguration du Quartier d’Hettange-Grande qui reçut le 17 octobre 1953 le nom de Quartier Guyon-Gellin en souvenir d’un officier de réserve du 6e Groupe, tué en 1940, cérémonie qui témoignait de la continuité et de la fidélité du Repérage.
Depuis le 1er mars 1963, le III/25° R.A. a repris le nom de 6° Groupe de Repérage et je suis sûr que tous les anciens Repéreurs ont salué avec joie ce retour à une dénomination à laquelle ils étaient restés attachés.
Le 6e Groupe, dans les plans actuels, doit faire partie d’un ensemble de deux groupes ou régiments auxquels on donne quelquefois l’appellation un peu barbare de régiments d’acquisition d’objectifs et auxquels je souhaite pour ma part qu’ils s’appellent des régiments de repérage.
Ceci m’amène à évoquer, bien succinctement d’ailleurs, les perspectives d’avenir du Repérage.
Parmi les problèmes qui se posent sur un champ de bataille moderne et dans une guerre qui peut être nucléaire et qu’on doit préparer comme telle, il y a, bien entendu, le repérage des moyens de feu ennemis qui ne sont pas seulement des canons mais surtout des fusées et dont beaucoup sont lancées dans la profondeur à des distances de plusieurs dizaines de kilomètres ou centaines de kilomètres. Il y a aussi la surveillance générale du champ de bataille en vue de déceler les mouvements des différents échelons ennemis, les condensations qui pourraient se produire, au total tout ce qui peut constituer un objectif nucléaire.
C’est à cette double mission que doivent se consacrer nos unités modernes du Repérage, en tirant parti de tous les progrès que la technique moderne mettra à leur disposition. Les matériels envisagés à cette fin et dont certains sont déjà en cours d’expérimentation sont :
Tels seront les matériels et les méthodes que mettront en œuvre les Repéreurs de demain.
D’ores et déjà le 6° Groupe est orienté sur les nouvelles méthodes S.R.S., S.R.O.T. et radars pendant que le 702° G.A., qui se partage entre Epernay et Colomb-Béchar, expérimente les drones en se préparant, avec un numéro plus traditionnel je pense [2], à prendre sa place au sein du Repérage.
Je suis persuadé que, dans ce nouveau champ d’activité qui exige que soient réunies la compétence technique et la compréhension des problèmes tactiques, les Repéreurs de demain, d’active et de réserve, trouveront l’occasion d’affirmer à nouveau la foi qu’ils gardent dans leur mission.
[1] Une explication s’impose sur cette numérotation : "II" veut dire qu’il s’agit du 2ème groupe, le séparateur "/" indique la subordination, en l’occurence dans ce cas précis, au 8ème Régiment d’Artillerie
[2] Il deviendra 7ème Régiment d’Artillerie à Epernay puis Nevers alors que le 6è GR deviendra 6ème Régiment d’Artillerie.