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C- Le R-20
 

LE R-20

1 . Présentation

L’emploi du R-20 et des divers systèmes de vecteurs non pilotés se justifie par la nature des conflits possibles au moment de sa mise en service : « En combat nucléaire, plus encore qu’en combat dit classique, le chef interarmes doit être renseigné pour concevoir sa manoeuvre » [1] . A cette raison majeure s’ajoutent l’économie en vies humaines et en moyens techniques et l’efficacité accrue dans la recherche que permettent les caractéristiques même de l’engin. Le R-20 s’inscrit dans une logique de conflit nucléaire où l’emploi de l’arme atomique donne au champ de bataille un nouvel aspect. Il remplace au 702e GAG le missile XSE4200 qui transporte une charge explosive à cent cinquante kilomètres.

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14 juillet 1961 Le 702e GAG défile sur les Champs-Élysées

Ses six rampes de missiles XSE 4200.

A droite la tribune officielle où a pris place le Général De Gaulle.

La mise en service du R-20, le 1er janvier 1966, s’accompagne de la transformation du 702 GAG, créé en 1958 à Epernay, en 7e Groupe de Repérage. Dans un entretien accordé à la presse locale, le Général LACOMBE, alors Colonel et Chef de corps du 702 GAG (groupe d’artillerie guidée), explique que « le 702 se transforme en raison d’un matériel très technique comme les missiles de repérage R-20, en 7e GR (groupe de repérage). A l’intérieur de l’artillerie, nous apportons désormais les observations à longue distance ». Décision stratégique, l’emploi du R-20 (expérimenté dès 1955 par le 17e Régiment d’Artillerie) témoigne de la volonté de l’artillerie de posséder ses propres moyens d’acquisition d’objectifs, et de ne plus dépendre de l’aviation. Le 7e GR est alors la seule unité chargée de la mise en œuvre d’un tel système de repérage. Il est à noter que le Général LACOMBE emploie dans son allocution le terme de « missile de repérage ». La recherche du renseignement « en général » n’est donc pas la mission assignée au R-20 et à l’unité de repérage de Corps d’Armée dont il dépend.

Tactiquement, le R-20 se consacre exclusivement à l’acquisition d’objectifs. Néanmoins, les renseignements apportés par le missile profitent à la fois à l’Artillerie du Corps d’armée et à l’Etat-Major de cette grande unité. Le R-20 participe donc à des missions de surveillance qui ont pour objet les batteries ennemies, les axes de communications et les concentrations ennemies.

Etant soumis aux règles du guidage et de la programmation, le R20 appartient sans contredit à la catégorie des missiles mais, pour la même raison, ne peut pas être considéré comme un drone.

Les Cahiers de l’Artillerie n° 34 (avr. 1965) présentent la recherche du renseignement, impliquant la pénétration en zone ennemie, au moyen de vecteurs non pilotés, comme plus économe en vie humaines [2]. Volant plus lentement que l’avion, ces derniers effectuent un travail d’une plus grande précision et restent plus longtemps dans la zone de recherche. Le R-20 s’annonce donc comme un matériel à la pointe de la technologie militaire française et conserve cette suprématie de 1966 à 1981. Les expérimentations commencent dès 1964 à Colomb-Bechar et se poursuivent jusqu’en juin 1966. En octobre 1966, le 702e GAG lance en métropole deux R 20 au camp du Larzac.

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A gauche : tir d’un missile de surveillance R 20 (Larzac, oct. 1967) A droite : récupération du missile (on reconnaît le parachute retenant le drone)

2. Description du système d’armes R-20

La société française Nord-Aviation conçoit le missile R-20 à partir de l’engin-cible CT-20. Se présentant sous la forme d’un petit avion, il peut paraître aujourd’hui volumineux et massif. Le R-20 est muni de radiamètres qui déterminent le taux de radioactivité de la zone survolée. Le développement, l’étude des clichés et l’interprétation des photographies sont réalisés au retour de l’appareil, dans des camions laboratoires. La vitesse du R-20 peut paraître faible.

Elle ne devient toutefois un inconvénient que si les moyens utilisés par l’ennemi pour l’interception du missile sont d’un coût très nettement inférieur à celui de ce dernier.

R 20 - 37.9 ko
R 20
OPération de chargement

Le R-20, dérivé du CT-20 peut, dans les cas extrêmes, rejouer le rôle d’engin-cible, de leurre volant. En 1965, des études envisagent de munir le R-20 d’une caméra infra-rouge de type Cyclope afin de pallier les principales insuffisances du missile : le problème de la transmission instantanée des renseignements et celui des missions de nuit. La récupération du missile et celle du film prennent beaucoup de temps. La remise en état du missile après la récupération réclame, lors de la campagne de tir du Larzac en octobre 67, de seize à vingt-quatre heures de travail.

Aucune information sur la durée de reconditionnement des capteurs n’est disponible mais il est évident que l’ensemble des opérations d’entretien constitue la partie faible du système. Afin de réaliser la permanence de la surveillance, il serait nécessaire de tirer successivement et simultanément un grand nombre de missiles (vingt-cinq à cinquante par jour de combat) et par conséquent, de posséder et de mettre en service un grand nombre de matériel de lancement, de guidage et d’interprétation.

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R 20
Récupération sous voile de nuit

a. Caractéristiques du vecteur

  • longueur : 5,71 mètres
  • envergure : 3,72 mètres, ailes ouvertes 1,35 mètres, ailes repliées
  • masse (sans lanceur) : 850 kg
  • propulsion : turboréacteur à poudre
  • carburant : kérosène (200 litres)
  • vitesse de croisière : 180 m/s soit 700km/h
  • autonomie : 30 minutes à basse altitude
  • altitude : 400 à 800 mètres [3]
  • rayon d’action : 260 km (maximum) à haute altitude
  • Système de récupération et de protection : parachute de frein et de charge, coussins amortisseurs,éjection de la quille arrière

b. Caractéristiques des capteurs

Trois caméras de marque Omera (Fr) (Omera 32) :

  • une placée dans le nez du missile, en position verticale ;
  • deux en position oblique, fixées sur les ballonnets à l’extrémité des ailes.

Ces caméras focales fonctionnent de jour et de nuit (munies de flash) :

  • 100 m/m de jour pour la caméra verticale ;
  • 150 m/m de jour pour les caméras obliques.

Nombre de vues par seconde :

  • à petite vitesse : 1,4/ secondes
  • à grande vitesse : 0,9/ secondes.

c. Déploiement du système

Une organisation lourde est nécessaire. La campagne de tir au camp du Larzac en 1967 fournit un modèle possible d’organisation.

La batterie de commandement et des services dispose non seulement des fonctions habituelles à ce type d’unité mais également d’une station météorologique et d’un détachement chargé du montage et de la réparation des missiles.

L’unité de missiles comprend

  • un élément de commandement et des services,
  • une batterie de lancement et de guidage (2 rampes)
  • une batterie de mise en œuvre et exploitation (topographie, photo et interprétation).

Une autre organisation, regroupant le lancement et l’exploitation, est également possible [4].

Batterie R-20 :

  • section de Commandement et services
  • Préparation théorique des vols
  • Guidage
  • Lancement
  • Transport
  • Récupé ration
  • Topo
  • Technique
  • Photo :
    • Cellule de commandement
    • Laboratoire
    • Interprétation

Le guidage du missile est très complexe. Deux cellules sont responsables du guidage du missile, l’une à l’aller et l’autre au retour. Ces cellules sont installées dans deux shelters montés sur GBC (8KT) et se composent d’un localisateur, d’une télécommande (SFENA), d’une table traçante, d’un pupitre de commande et d’une antenne de guidage et de récupération.

Représentant l’énorme inconvénient de ne pas transmettre les informations en temps réel, le R-20 est remplacé en 1981 par le CL 89.

Voir un article plus court sur le R 20 cliquer ici.

[1] Avant-propos du Règlement de Service en Campagne du 7e RA, janvier 1987.

[2] Le R20, Cahiers de l’Artillerie n° 34, avril 1965

[3] L’altitude est déterminée en fonction de l’échelle de photographie à obtenir.
Exemple : à 750 mètres d’altitude , on obtient une bande de 50x3 km de jour.

[4] Le R20, Cahiers de l’Artillerie n° 34, avril 1965

R 20

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