"Le bon général sait toujours tout d’avance" , aurait dit Sun Tzu, et d’ajouter "celui qui connaît son ennemi...mènera cent combats sans risques... ".
La connaissance des capacités et des intentions de l’adversaire est donc un souci premier de tout chef en situation opérationnelle. Cette connaissance occupe désormais une place déterminante du fait de l’étendue des théâtres d’opération, des capacités des moyens de recueil en service et de l’importance croissante du facteur temps dans la maîtrise de l’information. La situation actuelle dans ce domaine est largement issue des conflits, à la fois nombreux et de nature très changeante, qui ont jalonné ce siècle [1].
Ainsi, l’Artillerie a, la première et de manière systématique, ressenti la nécessité impérieuse de pouvoir disposer de moyens d’acquisition des objectifs cohérents avec la portée de ses tubes.
1914 : les combats débutent selon les principes de la guerre napoléonienne qui rapidement deviennent caducs. Le tir à vue directe, lié au manque de moyens de liaisons rapides et fiables avec les troupes appuyées, s’avère largement insuffisant. Pour être efficace, il convient de frapper au plus loin dans la profondeur du dispositif ennemi : il faut donc « voir » et « entendre » [2]loin. Dès cette époque sont identifiés et adoptés les principes théoriques et la nature des moyens de recherche du renseignement.
Par construction, tout moyen de recueil est constitué d’un senseur et d’un vecteur.
Depuis lors, utilisant d’abord le ballon captif, puis l’avion et même l’hélicoptère, l’Artillerie s’est révélée être l’initiatrice de la conception et de la mise en œuvre opérationnelle des moyens de recherche relevant de ce qu’il est convenu d’appeler le renseignement d’origine image. Mais, l’Artillerie « perd » rapidement la libre disposition des moyens qu’elle a seule imaginé à son profit et qui progressivement se sont imposés en tant que composantes autonomes majeures et indispensables dans la panoplie des moyens militaires (aviation, ALAT...).
Les raisons en sont multiples mais elles résident essentiellement dans le fait que les moyens développés, sous l’aspect du vecteur principalement, ont rapidement démontré leur aptitude à mener avec succès d’autres missions de combat que celle du recueil du renseignement d’objectifs, par trop limitative.
Toutefois, le besoin perdure pour l’Artillerie d’assurer cette mission ; il devient même croissant car il s’agit alors d’alimenter en informations des systèmes d’armes capables de frapper au delà des cent kilomètres de portée. C’est pourquoi émerge et se développe, dès les années soixante, l’idée de réaliser cette mission avec des avions sans pilote, qui s’impose lentement sous le vocable de « drone ».
Mais une fois encore semble se confirmer cette tendance lourde, observable depuis l’origine, qui veut que tout moyen initialement dévolu à l’acquisition des objectifs accroît son champ d’action potentiel bien au delà de sa vocation initiale. C’est l’historique de la genèse et de l’évolution de cette recherche de renseignement par l’image, et des moyens qui lui sont associés, que se propose d’illustrer cette partie.
[1] Le 20ème siècle.
[2] A travers ses deux sens, l’auteur sous-entend la mise en éveil de tous les sens et de la recherche de la technique qui va les sublimer et prolonger leur action par toutes formes d’artifices.