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Article 3 - Cartes et Plans directeurs - réalisation.
 

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Cet article est extrait du Manuel de l’officier orienteur - édition 1918.

ÉTABLISSEMENT DES CARTES ET PLANS DIRECTEURS

1° NOTIONS SOMMAIRES SUR LA GÉODÉSIE

L’établissement d’une carte nécessite la détermination préalable de points de repère, servant de canevas aux opérations topographiques.

C’est la géodésie qui fournit ce canevas.

Réduit à sa plus simple expression, un canevas géodésique se compose d’un certain nombre de points formant un réseau de triangles. Des observations astronomiques fournissent les coordonnées géographiques d’un sommet servant de point de départ et l’orientation d’un côté issu de ce point. On mesure la longueur de ce côté appelé base, ainsi que les angles des triangles. On obtient les positions de tous les sommets du réseau par des calculs trigonométriques.

L’ossature de la triangulation d’un grand pays est constituée par des chaînes primordiales de grands triangles, dits de premier ordre, dont les côtés ont 40 à 50 kilomètres ou davantage. Leurs angles sont mesurés avec toute la précision possible ; l’erreur moyenne d’un angle ne dépasse pas 2" à 3" centésimales. La précision de la mesure des bases géodésiques peut atteindre 1/1.000.000. Les espaces compris entre les chaînes primordiales sont remplis également par une triangulation de premier ordre.

A l’intérieur des triangles de premier ordre sont constitués d’autres triangles, de côtés plus petits, qui s’appuient sur eux, et dont les sommets sont dits points de second ordre.

Enfin, de tous les points du premier et du deuxième ordre, on vise les points remarquables du terrain (signaux naturels, clochers, moulins, etc.). Ces points, obtenus par intersection, sont des points de troisième ordre.

Les points géodésiques du premier ordre sont déterminés 2 ou 3 décimètres près, ceux du deuxième ordre à 0m.50 environ, ceux du troisième ordre de 1 mètre ou 2 mètres près, en général.

2° TOPOGRAPHIE ET ÉTABLISSEMENT DE LA CARTE

En partant des points géodésiques, les topographes exécutent au tachéomètre et à la planchette topographique de nombreux cheminements, lesquels fournissent un nombre considérable de points de repère où viendront s’appuyer les opérations proprement dites du levé de la carte, savoir la détermination de la planimétrie et le figuré du terrain.

Dans la terminologie du Service Géographique, les opérations ayant pour but la détermination de points isolés portent le nom d’opérations topométriques ; la topographie proprement dite consiste dans la représentation des objets et des formes du terrain.

Pour simplifier, nous conserverons ici le nom d’opérations topographiques à toutes les constructions graphiques effectuées soit sur une carte exacte, soit sur une planchette blanche en partant d’un canevas d’ensemble, et destinées à l’organisation du tir.

3° PLANS DIRECTEURS DES ARMÉES

 [1]

Les Plans Directeurs en usage aux armées sont des plans à grande échelle (20.000e, 10.0000e, 5.000e) [2] , quadrillés kilométriquement, sur lesquels se trouvent figurées les organisations ennemies et, en certains cas, nos propres organisations défensives ou offensives.

Dans les régions où il existe des levés précis du temps de paix, au 1/10.000 ou au 1/20.000, (régions figurées sur la carte annexe pour le territoire français, planchettes d’Alsace-Lorraine, carte de Belgique au 1/20.000), le fond des Plans Directeurs est constitué par ces levés. Les erreurs maxima à craindre pour les points de planimétrie ordinaires sur de tels plans sont de 10m à 20m. Les plans sont établis en coupures spéciales s’adaptant aux besoins des armées et, le plus souvent, redessinés pour être plus lisibles.

Dans les régions où il n’existe aucun levé précis à grande échelle, le fond du Plan Directeur est obtenu par assemblage de plans cadastraux au 10.000e sur un quadrillage où sont portés les points géodésiques. En outre, tous les documents susceptibles de contribuer à l’exactitude du Plan Directeur sont utilisés (plans de Chemins de fer, de canaux, de grandes propriétés, etc.). La planimétrie est mise à jour au moyen de la restitution de photographies aériennes et, éventuellement, pour la zone française, de levés topographiques. Les courbes de niveau proviennent de l’agrandissement des minutes au 40.000e qui ont servi de base au tracé des hachures du 8O.000e. Des levés de détail permettent de les améliorer. La précision ainsi obtenue est variable : satisfaisante, en général, pour la planimétrie, elle est moins bonne pour le figuré de terrain. Les erreurs à craindre pour les points de planimétrie ordinaires sont, de 20m à 40m.

Dans certaines armées, des levés réguliers au 10.000e ou au 20.000e ont été entrepris par les Groupes de Canevas de Tir et poussés dans nos lignes aussi avant qu’il a été possible ; dans ces régions, le plan est excellent.

Que le fond du Plan Directeur provienne de levés réguliers ou d’assemblages de cadastres, c’est par la restitution des photographies prises en avion que sont assurées exclusivement la mise jour de la planimétrie, dans la zone ennemie (chemins déplacés, constructions, bois nouveaux ou disparus) et la mise en place des organisations militaires.

Éléments représentés

La planimétrie comporte tous les renseignements figurant généralement sur les plans à grande échelle.

Les Plans ordinaires (20.000e, 10.000e, 5.000e) portent le relevé des organisations ennemies (parallèles, boyaux, réseaux de fils de fer, mitrailleuses, engins de tranchées, batteries, P.C., centraux téléphoniques, chemins de fer, pistes). En raison de leur densité, elles ne sauraient être intégralement représentées à toutes les échelles. Elles sont sélectionnées suivant leur importance, de manière que le plan reste toujours très lisible.

Ces plans donnent les organisations françaises de première ligne sur une profondeur de 200 à 300 mètres environ pour le 20.000e et le 10.000e, et de 1500m pour le 5.000e, d’ailleurs avec exactitude et avec tout le détail permis par l’échelle.

Les Plans Directeurs avec organisations françaises portent le relevé exact et complet de nos organisations (parallèles, boyaux, ouvrages divers etc.) avec tous les numéros et appellations usités dans les secteurs.

Les Plans édités ne portent jamais d’indication soit sur l’armement (mitrailleuses, batteries), soit sur les réseaux de fils de fer et autres ouvrages, soit sur l’organisation du Commandement ou l’ordre de bataille des troupes occupant le secteur.

L’expérience de la guerre actuelle a montré qu’il convient de multiplier à l’extrême les noms et désignations sur les Plans Directeurs.

Les noms adoptés pour la planimétrie sont ceux de la carte d’État-major ou du Cadastre, les noms usités dans les secteurs ou, à leur défaut, des noms arbitraires.

Les batteries ou emplacements possibles de batteries sont désignés par des numéros à quatre chiffres correspondant à leurs coordonnées hectométriques [3] .

Les divers détails de l’organisation ennemie reçoivent des noms et des numéros. Les points importants des tranchées sont désignés par des numéros à quatre chiffres de la même manière que les batteries.

Les appellations ou désignations nouvelles introduites par les différents corps ou services dans leurs documents spéciaux ne deviennent définitives qu’après avoir été adoptées par le Groupe de Canevas de Tiv et portées sur les plans édités par ses soins.

Établissement et tenue à jour des plans.

Le Groupe de Canevas de Tir de l’Armée (G.C.T.A.) est chargé de l’établissement et de la reproduction des Plans Directeurs aux diverses échelles. Il en fait des éditions périodiques. Dans l’intervalle de ces éditions, leur tenue à jour est assurée dans les C.A., sous la direction technique des G.C.T.A., par les soins des Sections topographiques de Corps d’Armée (S.T.C.A.), qui établissent à cet effet des documents appelés Rectificatifs.
Les Sections topographiques de Division (S.T.D.I.) collaborent à l’établissement de ces Rectificatifs.

Distributions.

Le Groupe de Canevas de Tir fait parvenir aux C.A. (S.T.C.A.) les exemplaires qui leur sont nécessaires.

La distribution des plans est effectuée par la S.T.C.A. directement aux E.N.E. ainsi qu’à l’Aéronautique du C.A., et par l’intermédiaire des S.T. D.I. aux unités faisant partie des Divisions.

Mesures de précaution. Conservation et destruction des plans.

Tous les Plans Directeurs doivent être considérés comme des documents confidentiels. Toutes les précautions doivent être prises pour qu’ils ne puissent tomber aux mains de l’ennemi.

Il convient de remarquer, en effet, que même les Plans ordinaires sans organisations françaises :

  • 1° Donneraient à l’ennemi l’état des renseignements que l’on possède sur ses organisations ;
  • 2° Lui fourniraient le plus souvent des indications très précises sur la topographie de la région située dans nos lignes (signaux géodésiques, levés exacts des chemins, voies ferrées, contour des bois, figuration et amélioration du relief, etc.).

Quant aux Plans avec organisations françaises, ce sont des documents strictement secrets dont tous les exemplaires sont numérotés et, les sorties enregistrées par les S.T.C.A..

Ils sont conservés aux États-majors et postes de commandement, et ne doivent, en aucun cas, être emportés dans la zone voisine des premières lignes.

Tous les Plans Directeurs avec organisations françaises périmés doivent être brûlés par leurs détenteurs.

[1] Voir l’Instruction sur les Plans Directeurs et les Cartes et Plans spéciaux, du 20 novembre 1917.

[2] En principe, il n’est plus édité de plans au 5.000e. Les moyens de défense étant échelonnés en profondeur, au lieu d’être rassemblés dans les premières lignes, peuvent être représentés avec tous les détails nécessaires sur les Plans au 10.000e. Les Plans au 10.000e ne sont établis que sur les fronts stabilisés. Ils sont limités en profondeur à la région pour laquelle les Plans au 20.000e sont insuffisants pour représenter les organisations avec clarté.

[3] Voir l’Instruction sur les Plans Directeurs et les Cartes et Plans spéciaux.


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