Cette volonté d’organisation passe d’abord par l’uniformisation des techniques et des matériels employés. L’observation terrestre ne pose aucun problème à ce niveau et choisit son matériel très vite. Il n’en va pas de même pour les SRS qui connaissent une diversité d’expériences. Au départ, le Colonel BOURGEOIS, par une note du 20/01/1915, refuse de choisir arbitrairement un type unique de matériel. Les différents appareils n’ont pas encore fait leurs preuves au front et, de plus, ils sont susceptibles de se compléter mutuellement.
Les sections constituent des bancs d’essais pour les principaux systèmes : Nordmann, BULL, DUFOUR, COTTON-WEISS. Le SGA sélectionne peu à peu les plus intéressants. En janvier 1915, il adopte le système NORDMANN et préconise des essais complémentaires pour les appareils DUFOUR dans le secteur de Thann et pour les appareils COTTON-WEISS à la IIème Armée. Puis, peu à peu, le système TM, étudié et construit par les télégraphistes du SGA, s’impose au détriment des autres qui sont abandonnés, ou repris par les armées alliées. Le SGA, chargé de la direction technique des repérages, fabrique donc ensuite le TM 18 qui équipera toutes les sections. Enfin, à la fin de la guerre, toutes les unités disposent du même matériel. Ce sont les instructions ou les manuels qui fixent la nature et le nombre des instruments nécessaires.
Les directives insistent sur la participation des SRS et SROT au réseau de communication du SRA. Les sections doivent communiquer entre elles pour s’aider et conjuguer leurs observations. Elles doivent maintenant établir une liaison permanente avec le SRA de CA, qui fonctionne dans les deux sens. Les centraux transmettent leur travail, soit immédiatement par téléphone, soit par bulletin journalier. En contrepartie, le SRA leur fournit des renseignements d’autres organes d’observation qui peuvent faciliter leur travail. De plus, il peut leur demander de faire porter l’observation sur un phénomène particulier. Les échanges ont également lieu avec les groupements d’artillerie lourde qui se passent de l’intermédiaire du SRA en cas de d’extrême urgence. Enfin, des liens particuliers sont tissés avec les GCTA [1]. Ceux-ci établissent un canevas d’ensemble de points topographiques et fournissent à la demande les documents nécessaires aux observateurs. Au début, ils déterminent la position et l’orientation des postes. Puis le commandement décide de doter les sections de leurs propres moyens de topographie dans un souci d’autonomie et de rapidité. L’organisation parallèle des GCTA et des SR a bien sûr favorisé et accéléré leur relation.
Le déploiement et l’utilisation des sections sont d’abord déterminés au jour le jour, sur le champ de bataille, puis réglementés. Les études du dispositif d’ensemble des observatoires, et des centraux, incombent aux SRA d’Armée. Le dispositif doit permettre une surveillance continue de toute la zone ennemie et joue donc sur la complémentarité des systèmes : les SRS sont employées en cas d’impossibilité d’observation terrestre. Le dispositif doit aussi répondre à un impératif de simplicité pour éviter de multiplier inutilement les observatoires et les liaisons.
Le chef du SRA d’Armée, aidé des GCTA, détermine les emplacements des sections sur le terrain. Les SROT bénéficient d’un choix prioritaire sur les simples observatoires d’artillerie pour leurs emplacements, qui conjuguent étendue de vue et facilité de mise en œuvre des instruments. Le SRA d’Armée assure le rattachement des sections aux différents corps d’armée, car ce sont les SRA de CA qui exploitent directement les sections. Il définit aussi leur utilisation dans les déplacements. Les circonstances de la bataille s’imposent souvent mais plusieurs principes sont énoncés : les SROT s’adaptent facilement aux évolutions du dispositif, alors que les SRS sont nettement moins mobiles. Lors d’une progression lente, les SROT déplacent leurs postes par échelons et gardent ainsi une constance de fonctionnement. Enfin, dans une progression plus rapide, il est conseillé d’installer très vite des postes sommaires puis de les perfectionner au fur et à mesure.
Une réalité parvient à échapper à tout contrôle, c’est la mainmise des universitaires sur les unités de repérage, particulièrement les SRS. Le caractère éminemment technique de ces unités nécessite des personnels très qualifiés. Durant l’expérimentation des systèmes, les chercheurs eux-mêmes viennent sur le terrain. Par la suite, les officiers responsables des sections restent dans l’ensemble des scientifiques hautement diplômés. Certains sont même des chercheurs réputés qui ont franchi le pas et se sont engagés afin d’appliquer leurs propres travaux. Cette situation devient parfois conflictuelle, entre des hommes restés assez indépendants et réfractaires à l’administration, et un commandement militaire qui cherche à les gérer. C’est ce qui explique la réduction de format plus ou moins chaotique du repérage après la guerre.
L’évolution du recrutement, par contre, traduit bien une volonté de contrôle. Jusqu’en 1914, le personnel des sections est recruté sur interventions personnelles. Scientifiques et hauts gradés recommandent leurs anciens élèves ou subordonnés. La recherche s’étend aussi au sein d’autres unités de l’Armée qui envoient les hommes ayant les compétences requises. Puis la mise en place de centres de recrutement et de formation durant l’année 1916 achève de fixer le Repérage dans le giron de l’Armée. Une note du 15 avril 1916 instaure les nouvelles directives. Devant la multiplicité des systèmes, il est décidé que le personnel des différentes sections sera formé à l’arrière puis envoyé sur le front une fois rodé. L’ancienne formation directe sur le terrain est maintenant assurée par une double structure.
D’une part, le Service Central du Repérage, dirigé par l’Ingénieur Général DRIENCOURT, s’étend maintenant hors de Saint-Cloud ; il comprend :
D’autre part, la direction des groupes de canevas de tirs, aux ordres du lieutenant-Colonel BELLOT assure le cours de perfectionnement des officiers de Repérage au centre spécial de Saint-Jean-de-Moivre, à partir du 20 juillet 1918. Ces deux organisations fonctionnent toujours sous l’égide du SGA, responsable de l’instruction technique et du matériel des unités de Repérage.
Leur mise en place et leur répartition sont maintenant fonction des moyens et des besoins du commandement. La multiplicité des unités témoigne de leur réussite et de l’engagement des artilleurs à leur égard.
En juillet 1915, treize SRS sont déjà en service officiel sur le front, sept sections NORDMANN, deux COTTON-WEISS, deux BULL et deux FERRIÉ-DRENCOURT dont une servie par l’armée belge. Les SROT s’installent encore plus vite. Dès le début de l’année, chaque Armée prend l’initiative de créer ses propres SRL, comme la VIIème Armée. Certaines sont également en place à Verdun et deux sections se trouvent sur le front de Belgique.
Le 19 février 1916, SRS et SROT, dépendantes jusqu’alors de leur unité d’appui, sont directement rattachées à des régiments d’artillerie à pied (RAP) et tout leur personnel est versé dans l’artillerie :
La fin de l’année voit la création de trois nouvelles SRS, la 26e de type Cotton-Weiss et les 27e et 28e de type TM 16. La multiplication des sections se poursuit en 1917 et touche même pour la première fois le front d’Orient. Dès le début avril 1917, devant tous les services rendus, le GQG demande de nouvelles formations et reçoit les SRS 29 à 35. Le Ministre de la Guerre décide alors de porter le nombre des SRS à quarante. Le 26 décembre, ce programme ambitieux est réalisé avec quarante SRS, numérotées de 1 à 40 ; trente-sept fonctionnent sur le front Nord-Est, deux sont en cours d’installation et une est en formation. A la même date, quarante-deux SROT, numérotées à partir de 51, travaillent aussi sur le front européen. Le GQG essaie dans le même temps de satisfaire les réclamations de dix SRS et six SROT de la part du Commandement des Armées Alliés en Orient. Il prépare donc au SCR (Service Central du Repérage) de Saint-Cloud une dizaine de SRS, destinées à embarquer pour Salonique, ainsi que quelques SROT.
L’année 1918 offre enfin son statut définitif au Repérage. Peu de nouvelles sections sont formées : seules les 41e et 42e SRS naissent en mars. Les armées d’Orient bénéficient de la majorité des nouvelles unités. Les SRS 101 à 106 sont envoyées sur le front de Macédoine de mars à juillet, mais le problème des grosses Bertha empêche la poursuite de cet équipement. Les six SROT en formation depuis fin 1917 à Saint-Cloud ne parviennent pas non plus dans les Balkans, où le commandement doit se contenter de quatre unités numérotées de 1 à 4, à titre provisoire. Il en va de même des sections prévues pour l’Italie dont le nombre est réduit à trois SRS et trois SROT et qui sont parfois ponctionnées sur celles d’autres armées. L’événement essentiel reste le regroupement de toutes les unités de Repérage du front en un véritable régiment. La constitution du 163ème RAP le 20 juillet 1918, donne enfin une véritable structure administrative au Repérage qui cesse d’être un conglomérat de groupes disparates pour devenir une unité de l’Armée comme une autre. Dans le même temps, les sections subissent des transformations destinées à les adapter à la guerre de mouvement qui recommence.
Les SRS 1917 sont notamment scindées en deux types, fixe ou mobile et les SROT deviennent mobiles, territoriales ou encore télémétriques. Certaines d’entre elles servent en effet de sections de télémétrie aux groupes d’ALGP. En septembre 1918 et jusqu’à la fin des hostilités, le 163ème RAP comprend donc :
[1] Groupe de canevas du tir