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2015- Les 100 ans du Repérage : un peu d’histoire et de l’espoir...
 

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Texte extrait de la revue "Les Sioux" de la fédération nationale du repérage et de l’Artillerie de Renseignement (FNRAR), où le président , le général (2s) Jaumotte, invite les repéreurs à se mobiliser pour le centenaire du Repérage. Ce texte présente l’avantage de faire le lien entre les repéreurs des origines et ceux d’aujourd’hui.

2015 : 100 ans d’existence

Le repérage est la mission de l’artillerie qui consiste à reconnaître et localiser précisément les batteries adverses pour les neutraliser grâce à notre propre artillerie.

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Le repérage est né en 1915 pendant la Grande Guerre. Il existe, dans l’artillerie française, depuis cette époque et aura donc cent ans en 2015. Nous nous devons de fêter le centenaire de cette institution que représente le repérage dans son ensemble au sein de ce qu’englobe aujourd’hui l’artillerie de renseignement.

Si on regarde ce qui s’est passé il y a cinquante ans, pour le cinquantième anniversaire du repérage, on est surpris par l’importance de la cérémonie et l’ampleur de la commémoration qui a alors eu lieu. En effet, les festivités rassemblaient plus de mille personnes, militaires d’active et surtout de réserve et des civils, dont plusieurs représentants du peuple et officiers généraux, et étaient présidées par le Ministre de la Défense d’alors Pierre Messmer.

Il est certain que les nombreuses batteries de repérage créées à l’origine en 1915, étaient encore expérimentales à la fin de la première guerre mondiale. Elles étaient servies par des réservistes mobilisés, dont certains responsables étaient des scientifiques confirmés. Le repérage donnait alors, à l’artillerie française, une supériorité inégalée dans la bataille.

Entre les deux guerres, le repérage s’est installé à Saint-Cloud et est devenu le 6° GAA (Groupe Autonome d’Artillerie). Il a formé un nombre important de recrues aux techniques du Repérage, de sorte qu’à la mobilisation de 1939, 24 batteries de repérage autonomes furent mobilisées.

A la fin des hostilités, les repéreurs réservistes se sont regroupés en amicales des officiers, des sous-officiers et de batterie. Ils participaient à des périodes pour conserver leur savoir faire et se tenir au courant de l’utilisation des nouveaux matériels.

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Demain, pour les cent ans, il ne semble pas que la Fédération Nationale du Repérage et de l’Artillerie de Renseignement (FNRAR) puisse rassembler un tel aréopage. La FNRAR peut-elle fêter le centenaire du repérage de façon digne ? Possède-t-elle assez d’unités représentatives ? Les matériels qui seraient présentés sont-ils intéressants, opérationnels, performants ?

Je vais essayer de répondre à ces questions dans ce qui suit.

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Les moyens de repérage ont-ils moins d’importance ou sont-ils moins efficaces ? Bien au contraire, ils sont de plus en plus performants, rapides à mettre en œuvre et demandent beaucoup moins de servants que les anciens systèmes.

Malheureusement, les unités qui les mettent en œuvre sont beaucoup moins nombreuses, assez méconnues avec des servants qui n’ont plus besoin d’être aussi diplômés que jadis. Cependant, bien que pas assez souvent engagées, ces unités de repérage ont toujours donné, quand elles le sont, des résultats remarquables qui devraient encourager l’état-major à les utiliser d’avantage.

1 - Les moyens de repérage d’aujourd’hui sont plus performants que ceux de jadis

En effet, ces nouveaux moyens ont des performances bien supérieures à ceux du début du repérage et même à ceux existant lors du cinquantenaire de celui-ci :

  • Les drones SDTI du 61° RA permettent de repérer, reconnaître, identifier et localiser, de jour comme de nuit, les batteries adverses, dans la profondeur du champ de bataille, jusqu’à plus de cent kilomètres des contacts, qu’elles tirent ou non, qu’elles fassent mouvement ou non, qu’elles soient engagées ou non.
  • Les radars de contre-batterie COBRA du 1°RA détectent les trajectoires des obus adverses et transmettent les coordonnées des positions des batteries qui viennent de tirer (et ce, avant que les obus, dont les trajectoires ont été interceptées, n’aient atteint leurs cibles), permettant ainsi le tir de contre-batterie de notre artillerie.
  • Les DRAC (Drone de Renseignement Au Contact) des Batteries de Renseignement de Brigade (BRB) permettent le repérage et le renseignement vidéo au contact en s’affranchissant des masques du terrain, la précision des images interprétées permet le réglage des tirs d’artillerie ou le déclenchement de tirs planifiés.
  • Les RASIT (RAdar de Surveillance d’InTervalle) de ces mêmes Batteries détectent, jusqu’à une portée pratique d’une quinzaine de kilomètres, les mouvements de l’ennemi, de jour comme de nuit, localisent les mobiles détectés et peuvent permettre l’extrapolation de leur position future avec une précision suffisante pour les faire prendre à partie par des tirs planifiés de notre artillerie.

2 - Ces nouveaux moyens sont malheureusement mal connus et donc peu employés.

En effet :

Les drones rapides, comme le SDTI, le CL 89 ou le CL 289 (engagé en Bosnie, et au Kosovo), étaient programmés pour suivre une route donnée et prendre des photos qui devaient être développées au retour de mission. Le temps de préparation des vols et le temps de traitement des images ne permettaient pas l’exploitation rapide de celles-ci par l’artillerie classique. Le CL 289 a toutefois montré son efficacité par la possibilité d’être employé en mode réception d’images en temps réel quand le plafond et la météo défavorables ne permettaient pas l’engagement d’aéronefs pilotés.

Les premiers drones lents, comme le MART (opération Daguet) et le CRECERELLE (Kosovo), bien que travaillant en vidéo analogique puis numérique, ne disposaient pas des moyens de traitement temps réel permettant le traitement des images et la localisation précise des objectifs mobiles dans des temps compatibles avec l’efficacité de tirs d’emblée de l’artillerie. Ils ont toutefois montré leur intérêt dans le domaine du renseignement et permis la prise à parti d’objectifs fixes.

Seuls les drones du système SDTI (Système de Drones Tactique Intérimaire) possèdent les qualités nécessaires et indispensables permettant d’effectuer la neutralisation en temps réel des objectifs par l’artillerie (ou par d’autres moyens de feux). Malheureusement, même s’ils ont prouvé leur efficacité en Afghanistan, ils ne sont pas encore assez engagés. Dans ce cadre là ils restent souvent cantonnés au renseignement de manœuvre.

Les COBRA (radar de contre-batterie) du 1°RA, successeurs des radars américains de contre-batterie de la dernière guerre mondiale (Q4, Q10), ou du CYMBELINE anglais plus récent, ont une automatisation des calculs et donc un temps de réponse inégalé. Ils ont été engagés un Liban et au Kosovo où ils ont permis la localisation des batteries adverses, mais uniquement dans le cadre du renseignement.

L’association des COBRA et des LRU devrait se révéler très efficace (boucle très courte) dans le cadre d’un engagement de haut niveau.

Les DRAC et les RASIT ont montré leur efficacité pendant l’opération SERVAL où leurs actions ont été prépondérantes pour le traitement des objectifs et le renseignement.

3 - Ces moyens modernes sont malheureusement peu nombreux et encore mal connus.

En effet, les unités de repérage d’aujourd’hui sont moins nombreuses et surtout nécessitent moins de personnels pour leur mise en œuvre, que les unités de jadis : quatre batteries de SDTI, deux de COBRA, huit de renseignement de brigade, soit treize au total, alors qu’il existait vingt-trois batteries de repérage lors du début de la deuxième guerre mondiale, soit dix de plus.

On pourrait donc croire que le repérage d’aujourd’hui est moins bien loti, il n’en est rien, Que ce soit les SDTI, les DRAC, les RASIT, les COBRA ou autre radars GA10 qui détectent et localisent à 360° les départs de tirs de missiles jusqu’à dix kilomètres, ou encore les SL2A (Système de Localisation de l’Artillerie par Acoustique), on peut moduler leur emploi au sein de groupements tactiques de tous niveaux en fonction d’une situation donnée. Il n’est pas nécessaire de disposer de plusieurs équipes pour obtenir un résultat comme dans le cas du repérage au son ou aux lueurs d’antan qui imposait de disposer d’au moins trois équipes d’observation et d’un PC calculateur pour être efficace.

Enfin, les cadres de ces unités modernes ne doivent pas être diplômés d’une grande école pour servir un matériel sans cesse en évolution, mais travaillent sur un matériel stabilisé complètement opérationnel. Le personnel doit être formé initialement, et surtout entraîné sans discontinuer à l’emploi et à la mise en œuvre de ces matériels. Plus ces unités seront engagées sur le terrain, plus leurs résultats seront sûrs et décisifs. D’ailleurs, chaque fois qu’elles ont été engagées, elles ont montré une efficacité remarquable qui devrait amener à les engager d’avantage.

4 - Il ressort de ce qui précède que :

  • le repérage est toujours une composante importante de l’artillerie moderne à l’approche de ses cent années d’existence.
  • Il s’exerce dans la profondeur grâce à deux composantes, les drones et les radars ;
    • le 61°RA est le seul régiment d’artillerie dont la mission des drones est le repérage et le renseignement,
    • le 1°RA est le seul régiment d’artillerie dont la mission comprend le repérage radar de l’artillerie adverse grâce à ses deux batteries COBRA.
  • Enfin, il s’exerce au contact avec les huit Batteries de Renseignement de Brigade (pour emploi au niveau brigade interarmes mais unités des régiments d’artillerie :1°RA, 1°RAMA, 3°RAMA, 11°RAMA, 35°RAP , 40°RA, 68°RAA, 93°RAM) qui sont les dignes héritières des batteries de repérage au contact de 1914 - 1918.

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Pour conclure

Le repérage est toujours une mission essentielle de l’artillerie moderne qui seule lui permet d’assurer sa supériorité sur le champ de bataille.

Le repérage moderne est de loin le meilleur et le plus efficace que l’histoire nous ait donné d’avoir jusqu’à maintenant.

La FNRAR de 2014 a certainement beaucoup moins de membres que la FNR de 1965 et donc ne réunira certainement pas une pareille assemblée lors d’une commémoration.

Cependant, il apparaît que le centenaire du repérage doit être commémoré pour montrer à tous et à l’état-major en particulier, que l’outil de repérage extraordinaire qu’il possède aujourd’hui doit être employé « à toutes les sauces » et dans « toutes les opérations » pour donner à nos forces cette supériorité des appuis feux indispensable à leur victoire.

Il nous appartient donc de réfléchir et d’œuvrer dans ce sens, chacun de notre coté, puis de rassembler nos idées et nos actions pour que ce centenaire soit une réussite et marque une nouvelle façon d’utiliser le repérage et l’artillerie de renseignement à l’avenir, tenant compte des évolutions techniques que pourrait favoriser l’arrivée de nouveaux équipements.

Je compte sur vous !

Général (2S) Paul JAUMOTTE
Président de la FNRAR


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