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Comment s’effectue le réglage, d’un tir de l’ALGP, par un avion, en 1917 ?
 

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Mieux que la lecture d’un règlement d’artillerie, un cas concret vous est proposé.

L’action se déroule lors de la bataille de Verdun d’août 1917.

Du 11 au 20 août 1917, la BR 210 [1] réalise 80 réglages ou contrôles de tir, dont 20 dans la journée du 17. Puis plusieurs tirs de destruction suivent qui durent entre 3 et 4 heures.

L’étude des photographies aériennes révèlent des déblais qui prennent un volume considérable. Les spécialistes en déduisent que les allemands creusent tout un système de tunnels dans la région ; ce fait est confirmé par l’interrogatoire de prisonniers. L’artillerie lourde de grande puissance (ALGP) reçoit l’ordre de détruire les accès aux tunnels.

Les mortiers et obusiers de 370 et 400 ont reçu l’ordre de détruire les accès à ces tunnels ou organisations souterraines.

Une mission de réglage ALGP le 18 août 1917

Le Lieutenant Henri Pierret est chargé du réglage des deux canons de 400 mm de la batterie Simonin [2] qui doit tirer sur le tunnel Kronprinz. Des tirs ont déjà été effectués les jours précédents, mais sans succès. Il faut dire que des tirs sur un objectif aussi précis, à une très longue distance, demandent des réglages en permanence.

L’équipage composé du Sergent Jean Fabre et du Lieutenant Henry Pierret décolle au petit matin après avoir prévenu la batterie par téléphone. Il indique le type de son appareil (pour être bien reconnu) et la fréquence de son émission TSF sur laquelle le radiotélégraphiste de la batterie accordera son poste.

Après avoir pris suffisamment d’altitude, l’observateur déploie l’antenne métallique, d’une cinquantaine de mètres, qui va trainer derrière l’avion. Il vérifie immédiatement le bon fonctionnement de l’ensemble radio, et communique par lettres codes à la batterie Simonin.

En passant à proximité du poste de réception de l’escadrille, ils aperçoivent deux long draps blancs, disposés en rectangle, signes que les signaux radio n’ont pas été entendus. Il faut donc faire demi-tour car sans TSF, il n’est pas possible de remplir la mission.

Après plusieurs essais infructueux il est décidé de changer d’appareil. Comme celui du capitaine est prêt, l’équipage infortuné monte à bord et s’envole immédiatement. Cette fois, les essais radio sont bons et le signal est donné de commencer la mission.

L’avion file vers la batterie à régler qui est dissimulée quelque part dans la vallée de Vaudelaincourt, sur un raccordement à la voie ferrée de Clermont à Verdun.

Les artilleurs, ont déjà pris en compte les conditions météorologiques, pointé et chargé leurs pièces. Ils commencent à s’impatienter. L’avion est relié à l’artilleur "radio" qui attend dans sa "cagna" à flanc de coteau. C’est lui qui retransmet par téléphone les ordres de correction au commandant de la batterie. La batterie déploie ses panneaux au sol pour signaler que les messages TSF sont parfaitement compris et que le réglage proprement dit va pouvoir commencer.

L’ordre de tir est donné, une pièce ouvre le feu.

L’observateur, d’un rapide coup d’œil en arrière, s’assure que le coup est parti [3]. L’obus, qui vient d’être tiré, met à peu près une minute pour arriver. Pendant ce laps de temps, le pilote place son avion dans les conditions les plus favorables pour que l’observateur puisse voir l’éclatement du projectile. Un énorme nuage de poussière et de fumée jaillit non loin des sorties du tunnel.

Le point d’impact est immédiatement repéré sur le plan directeur à grande échelle, ou encore mieux, sur une photo aérienne récente où l’axe de tir est tracé.

A l’aide du quadrillage à l’échelle du plan, il évalue les écarts en direction et en portée. Pendant ce temps, le pilote fait demi-tour et rapproche l’avion de la batterie pour réduire la distance d’émission.

Dès que la communication des corrections à apporter est faite, le chef de batterie, au moyen de ses tables de tir, évalue les modifications à apporter en hausse et en dérive.

Il communique alors aux chefs de pièces les nouvelles valeurs à prendre en compte. Une fois, les pièces réglées et chargées, le Breguet fait demi-tour. L’équipage, avant de s’enfoncer en territoire ennemi, vérifie les panneaux "batterie prête".

Nouveaux tirs et nouvelles observations. Dix fois, vingt fois, ces manœuvres vont être répétées jusqu’à ce que la réserve de carburant ne permette plus à l’avion d’assurer sa tâche...

[1] nouvelle appellation de ce qui fut la Section d’Artillerie Lourde V 210

[2] C’est la 77ème batterie de 400mm du 31è Groupe.

[3] c’est le seul critère fiable car le panneau au sol "coup parti" est invisible à longue distance


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