Histoire de l’Artillerie, subdivisions et composantes. > 2- Histoire des composantes de l’artillerie > L’artillerie à cheval : les "volants". >
Historique de l’artillerie à cheval
 

Retour

Article du général (2s) Jean-Pierre Bariller, qui commanda, comme capitaine, une batterie [1] au 73è régiment d’artillerie volante à Reutlingen (FFA).

Historique succinct de l’artillerie à cheval

L’artillerie légère fait son apparition en France à compter de novembre 1791 sous la forme de deux "détachements d’artillerie à cheval", alors que le concept est connu depuis presque trente ans et développé par les prussiens.

(JPG)
© Musée de l’Artillerie de Draguignan
Artilleur à cheval - 1830

Observé par les français et notamment relaté dans les écrits du chevalier du Teil, le débat porte sur le mode de transport des servants ; faut-il les transporter à califourchon sur des caissons allongés [2], les faire monter vaille que vaille sur les chevaux d’attelage, ou donner à chacun sa monture ?

C’est cette dernière solution qui prévalut, après de nombreuses expérimentations, et qui fut mise en oeuvre par le général Mathieu Dumas en 1794. Les deux "détachements" originaux sont rebaptisés "compagnies d’artillerie à cheval" en mars 1792. Leur nombre passe successivement de 2 à 9, puis 10, puis 30, et enfin 90 en 1794. On recrute le personnel pour moitié dans l’artillerie, pour l’autre moitié dans la cavalerie [3].

L’idée de cette artillerie légère, pourtant séduisante, ne s’est concrétisée en France qu’à l’apparition du système Gribeauval avec des pièces plus légères, donc plus mobiles, pour accompagner la cavalerie. [4]

Initialement rattachée organiquement à l’artillerie à pied, elle est organisée en régiment d’artillerie à cheval. Les 90 batteries constituent alors 9 régiments à 10 batteries. L’artillerie à cheval devient une arme à part entière. Mais avec le temps et pour des considérations plus ou moins légitimes, on les ramène épisodiquement au sein de l’artillerie à pied pour les besoins de l’instruction et l’entraînement, mais aussi de la gestion.

L’effet produit par l’artillerie dite légère, ou à cheval, ou les "volants" est ravageur au point que Napoléon lui-même dira à Gouraud, parlant de cette nouveauté : "Cela seul a changé la face de la guerre. C’est-à-dire que de mettre l’artillerie à même de pouvoir suivre toujours la cavalerie est un grand changement. On peut maintenant, avec des corps de cavalerie et des batteries à cheval, se porter sur les derrières de l’ennemi. Qu’est-ce, après tout, que la dépense pour monter quelques régiments d’artillerie à cheval comparée aux avantages que procure cette arme ?... 20 000 chevaux et 120 bouches à feu d’artillerie légère équivalent à 60 000 hommes d’infanterie ayant 120 bouches à feu.".

Les actes de bravoure se multiplient de la Révolution à l’Empire. Il n’est pas rare que délaissant momentanément leurs pièces, les artilleurs à cheval se mettent à sabrer l’ennemi comme les cavaliers puis, pour se dégager, fassent donner la mitraille. L’artillerie à cheval est complètement dans la mêlée et participe aux charges de la cavalerie ! Il y a plein de témoignages d’actes héroïques rapportés dans l’histoire mouvementée du début du XIXè siècle. Un d’entre eux, raconté par le colonel Séruzier en mars 1797, lors du passage du Rhin à Neuwied par le maréchal Hoche, vous est rapporté en bas de page [5]. Masséna, après les combats de Zürich, parle "du dévouement inconcevable de notre artillerie légère contre une des plus vigoureuses charges de cavalerie qu’on ait jamais exécutées... L’artillerie légère, chargée et sabrée au milieu de la mêlée ne cessait de manoeuvrer et de tirer à la mitraille".

De tels actes de bravoure resteront l’apanage des artilleurs "volants", souvent oubliés dans les pages d’histoire, où les pages glorieuses sont celles écrites pour (et par) les cavaliers. Peu d’écrits relatent leurs actions pendant la Première Guerre mondiale,les batteries n’ayant pas leur propre journal de marches et opérations, et les engagements de la cavalerie se raréfiant sur un front stabilisé... Mais la liste de leurs Morts au Champ d’Honneur parlent d’elles-mêmes.

Cet état d’esprit perdurera jusqu’aux exploits des derniers régiments de volants pendant la campagne de 1940, ceux que l’on distingue à l’étoile portée sur leurs écussons, aux combats du Montcornet et autres lieux de bravoure des divisions de cavalerie.

La rapide prolifération des unités d’artillerie à cheval montre l’attrait qu’elles exerçaient pour les hommes. Elles réunissaient au prestige du cavalier la considération accordée à l’"arme savante" et attiraient les cadres les plus dynamiques dont plusieurs sont devenus célèbres : Eblé, Marmont, Duroc, Foy etc.

(JPG)

[1] Cette batterie, la troisième, était le plus souvent rattachée au 2è Régiment de Cuirassiers. La tradition "volante" y était profondément ancrée au point que le capitaine, commandant la batterie et chef du détachement de liaison et d’observation, était considéré par le chef de corps du 2è R.C. comme son quatrième officier d’état-major.

[2] appelés les wurst (saucisses en allemand) en raison de leur forme

[3] C’est à ce moment là que l’on adopte les grades de la cavalerie : brigadier, maréchal des logis, chef d’escadron avant que ce soit répandu à toute l’artillerie .

[4] Dès la mécanisation de la cavalerie, l’artillerie légère changera aussi de monture et se dotera de canons automoteurs pour garder le même rythme.

[5] Mémoires du colonel Sérizier : citation de l’épisode du franchissement du Rhin alors qu’il commandait une batterie d’artillerie à cheval. Il reçoit la mission de battre de son feu les redoutes édifiées par les Autrichiens face au pont utilisé par les Français. Il estime qu’en raison de leur solidité ce serait sacrifier inutilement ses hommes et ses pièces de les battre de front.
Alors, raconte-t-il, "au lieu de me mettre en ligne, je forme au galop mes sections, et, sans tirer, je m’élance rapidement entre les redoutes ; je poursuis ma course, et me place en batterie derrière elles ; j’ordonne le feu, dirigeant mes pièces à mitraille sur les gorges ouvertes du retranchement où l’ennemi n’a rien à m’opposer. Foudroyés au milieu de leurs points fortifiés, les Autrichiens voient encore sauter leurs magasins à poudre par l’effet de mes obus ; alors profitant du désordre, je commande la charge et je pénètre au milieu des redoutes avec mes pièces...".
Extraits de l’"Histoire de l’artillerie française" sous la direction de Michel Lombarès


____________

Base documentaire des Artilleurs