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1346- La défaite de Crécy
 

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Texte extrait du site Combat médiéval.

Une tactique militaire nouvelle

A l’image du reste d’une armée anglaise homogène, disciplinée et entraînée : le corps des archers. Il en constitue à la fois le noyau et la force de frappe, et représente certainement les deux tiers de l’effectif. A une époque où le courage et l’action individuelle priment sur le champ de bataille et où l’esprit chevaleresque prévaut, ces soldats anglais ne cherchent pas à s’illustrer par de quelconques faits d’armes, mais seulement à remporter la victoire en perdant le moins de monde possible.

Fait capital pour l’issue de la bataille, ils sont dangereusement sous-estimés par les chevaliers français qui n’ont que souverain mépris pour les troupes à pied auxquelles ils sont habitués : alliés tièdes, mercenaires qui renaudent et se débandent à la première occasion, ribauds qui égorgent plus qu’ils ne combattent. Toute cette piétaille encombrante est de peu de valeur sur le terrain.

Pour compenser une supériorité numérique écrasante en faveur des Français (la France à cette époque est cinq fois plus peuplée que l’Angleterre), l’Anglais a développé une tactique redoutable basée sur le tir de saturation de ses archers.

Dans son ouvrage sur Crécy, l’historien Henri de Wailly commente ainsi cette nouveauté : “L’arc n’est pas en soi une arme neuve, mais l’utilisation concentrée qu’en font maintenant les Anglais procure une puissance d’arrêt dont personne, jusqu’ici, n’avait idée. Si chaque projectile, relativement léger et peu puissant, pénètre rapidement les cuirasses, il travers les cottes de mailles et les plaques de cuir bouilli. Tirées en gerbes denses et continues et s’abattant en nappes, ces milliers de flèches aveuglent l’adversaire, le clouent sur place, ses chevaux sous lui, vaincu avant même d’avoir pu s’approcher. Sur le continent, cette archerie sera une surprise complète”.

On peut analyser cette pratique sous un aspect plus scientifique (même si la cinétique et même la balistique devaient être des disciplines plutôt étrangères aux capitaines anglais et à leurs troupes). Tout projectile est ralenti dans son mouvement par l’action conjuguée de la gravité et de la résistance de l’air. Une flèche soumise à ces contraintes perdra rapidement de la vitesse et donc de la puissance pour un effet terminal d’autant plus faible que la cible est éloignée.

D’où l’idée - résultant certainement plus de l’observation que du calcul théorique, ce qui n’enlève rien au coup de génie - de remplacer le tir direct à l’horizontale sur l’adversaire par une « pluie » indirecte et tirée à 45°. Tout objet lancé en l’air devant retomber, la même flèche reprend alors après une première phase d’ascension et de ralentissement une vitesse et une énergie exponentielle, pour arriver au sol avec une force d’impact maximum à 90°.

On remarquera au passage que le tir ne devait certainement pas être estimé individuellement ni laissé « à volonté » mais que les volées devaient au contraire certainement être envoyées au commandement et réglées par des préposés qualifiés, ce qui induit par ailleurs une idée de cohésion et de discipline bien éloignée de la cohue guerrière médiévale. De la justesse de leur appréciation dépendait l’effet vulnérant de la nuée qui tombait « dedans » ou « à côté ». Si l’adversaire était encore loin, il est vrai qu’il suffisait d’arroser une zone dangereuse au devant de lui, qu’il devait alors obligatoirement traverser. S’il avait pu s’avancer davantage, il aurait de plus fallu raccourcir le tir et la parabole de la trajectoire, au détriment de la puissance. Aussi cette méthode est-elle implicitement liée à une distance optimale la plus éloignée possible.

A l’aspect purement balistique s’ajoute l’effet tactique et psychologique : à angle droit, l’ennemi sera à priori moins bien protégé et davantage pris au dépourvu. Crécy comme plus tard à Poitiers ou à Azincourt, les français en feront la triste et douloureuse expérience.


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